Quand me suis-je intéressé aux courses de taureaux ?
Sérieusement, juste avant la seconde guerre mondiale, mais déjà depuis ma plus tendre enfance j’accompagnais mes parents aux Arènes du Pré, mon père ayant toujours été passionné de taureaux et de toros [1].

Bien qu’il m’ait dit que j’avais vu le Sanglier, je n’en ai aucun souvenir, mais par contre j’en ai de Juif, Grelot, Boër de Robert, de Clairon de Granon, de Mamaï d’Aubert...

C’est en 1939, à partir de la Palme d’Or et notamment de la dernière apparition en piste de Clairon portant des flots de rubans sur le garrot et qui venait d’être statufié sur la Banquette (ce qui donna prétexte à de magnifiques fêtes avec un superbe feu d’artifice), que j’ai commencé à m’y passionner.

Dans cette Royale de Delbosc, ex Granon, couraient entre autres, deux cocardiers qui allaient devenir des vedettes : Saint-Christolen et surtout Sarraïe.
Puis ce fut la guerre, et, en compagnie de mon ami Maurice Ranc, nous effectuions les déplacements à bicyclette - et avec quels pneus ! - à Saint-Rémy, Chateaurenard ou Arles.

J’ai encore en mémoire à Arles, ce devait être le 14 septembre 1941, une course où Lulu Eyraud, infatigable, se mesurait avec Lebrau (le taureau), qui lui aussi, sans jamais renoncer, l’enfermait et multipliait les actions aux planches, plus engagées les unes que les autres dans l’ambiance que l’on devine.
Ce Lebrau d’Aubanel de Baroncelli qui m’emballait tant, que lorsque vint le moment de choisir un pseudonyme, en 1949, pour signer mon premier article taurin c’est à lui que je pensai.

Des courses inoubliables de cette époque auxquelles j’ai assisté avant que je ne sois revistero.
Je voudrais en évoquer deux parmi beaucoup d’autres.

D’abord le 10 août 1941 à Beaucaire, la magnifique prestation de la Super-Royale d’Aubanel de Baroncelli, dont la composition était : Bernissois, Cabussaïre, Cinq Francs, Brun, Clan-Clan et Lebrau ; avec un Cinq Francs déchaîné : un taureau qui commença sa carrière à l’âge où la plupart la finissent, avec 23 coups de barrières, ne cédant son gland dans un déplacement qu’à Simon dit Caillette, à une somme fabuleuse pour l’époque.
Et pour terminer avec un Lebrau qui prit Denfert et le fit tournoyer un instant autour de sa corne prise dans la ceinture, et qui sema la panique par ses incursions dans la contre-piste.

Ensuite, en 1948, à Beaucaire encore, pour la Finale de la Palme d’Or.
Extraordinaire course de Cerf, de Nou de la Houplière ; "une course de légende", avait commenté dans "L’Arlésien" José aujourd’hui (1981, NdR) disparu, et qui fut mon maître "ès-tauromachie".
Prestation ovationnée par le public debout, et qui tourna au délire, quand à l’ultime seconde le petit cocardier franchissant le pourtour, plaqua Lucien Volle contre le pourtour.
Ce jour-là, j’étais complètement aphone lorsque je rentrai chez moi !

L’année suivante, succédant à José, que l’Administration des Finances avait muté en Lozère, je fis mes premières armes dans "l’Arlésien" avec un compte-rendu de la Royale de Paul Laurent (où Sangar était la vedette) qui ouvrait la temporada, le jour de Pâques à Beaucaire.

Ce journal local ayant cessé sa parution en juin 1952, je signai mon premier article dans la Marseillaise en août de la même année, à Mouriès avec la Royale de Jean Lafont à l’affiche, dans la composition suivante : Mouriésen, Juif, Mounla, Cosaque, Comique, Facteur ; avant de rédiger bon nombre d’articles dans le Camariguo et aussi dans maintes autres revues.

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A propos de son pseudo, voici ce que nous dit le Trésor du Felibrige :

Remarque :
Manifestement l’apodo "Lebrau" serait une dérivation de "lebraud"
A noter que si lèbre comporte un accent grave sur le premier "e", lebraud n’en porte pas... pas plus que sur le "u" final.

[1"toros" : tel quel dans le texte