Mais que ses supporters et ses détracteurs se rassurent ; de l’un ou de l’autre côté de la barrière, la course camarguaise n’a pas fini d’entendre parler de Christian Chomel.

Chomel 1983
En octobre 1983, Christian Chomel publiait un livre où il évoquait sa toute jeune carrière, voici quelques extraits de cet ouvrage.

La Cocarde d’Or
Voilà une épreuve qui a sur le public un impact important.
Les aficionados aiment cette course un peu particulière, qui se déroule sur une seule journée et en présence d’un nombre record de raseteurs. Le public est moins sensible à la qualité de la course qu’à la lutte entre les raseteurs...
... seulement un point d’écart !
Assis sur une pierre, à coté du passage des chevaux, je suis découragé.
Je ne crois plus à une possible victoire. Lopez (Frédéric, le fils de Jeannot, père de Florian, NdR.) passe devant moi, me regarde et me dit "la cocarde d’or ne se gagne pas avec 30 points d’avance".

Tant que la sonnerie du dernier taureau en piste, elle n’est ni gagnée, ni perdue. " ces paroles me réconfortent".
Je reprends espoir.
Je suis à nouveau motivé.

Goya
Quant j’étais adolescent, mon oncle m’amenait aux courses de taureaux. Nos dimanches ne variaient pas. Nous étions des supporters des frères Siméon et de Goya.
J’était très impressionné par Goya.
Dès son entrée en piste à son retour au toril, ce taureau avait un plus, ce petit quelque chose d’indéfinissable qui fait les vedettes
Son entrée fière, la tête haute dans une piste vide était déjà un spectacle, peu de raseteurs osaient l’affronter. Les rasets étaient rares et toujours étudiés.
Par course, à l’apogée de sa forme et de sa gloire , Goya ne prenait que 7 ou 8 rasets, parfois moins.
Un raset toutes les deux minutes...
..."Pour moi, Goya n’est pas un taureau : c’est le taureau"
Je n’oublie pas que c’est lui qui m’a amené aux arènes. C’est lui qui m’a donné l’envie de raseter. Chaque fois que je l’ai affronté j’ai éprouvé un immense plaisir.

Et notre premier face à face fut pour juillet 1978 aux arènes de Beaucaire reste pour moi un souvenir merveilleux et inoubliable.

Avant une course
Le matin d’une course, je me lève en petite forme. J’ai le plus souvent mal dormi. J’ai l’estomac noué.
En un mot, j’ai le trac...

Cela ne m’empêche pas d’essayer de ma concentrer. Je pense aux taureaux qui composent la course. Si une compétition importante est en jeu, je me motive au maximum pour être prêt quand sortira le premier taureau.
Je m’isole.

A midi, je mange un steack grillé. Je m’isole à nouveau, je ne parle à personne. Ce n’est pas toujours facile. Je quitte mon domicile et j’accomplis la distance qui sépare mon domicile de la ville où se trouve la course, sans dire un seul mot, même si des personnes se trouvent dans ma voiture.
J’essaie toujours d’arriver une heure avant la course.
Je m’habille lentement . Puis je m’échauffe un quart d’heure avant la course. Cela me permet de me concentrer au maximum.
Je fais le vide autour de moi.
Parfois, des personnes passent à coté de moi et viennent me saluer. Je les devine à peine. Je ne leur réponds pas car je suis déjà dans la course. Certains prennent cela pour de la fierté.
Ce n’est pas ça du tout.

Je comprends leurs réactions. A leur tour, que ces personnes comprennent que j’ai besoin de calme et de solitude pour me concentrer et me motiver.
Je m’échauffe jusqu’à la capelado.
Quand "Carmen" retentit, je rentre en piste. Dès cet instant , je suis libéré. Je n’ai plus le trac, je me sens bien.

Bien entendu, une telle préparation et une telle concentration ne concernent que les grandes courses. Pour celles de moindre importance, je suis plus décontracté.
J’ai aussi quelques petits trucs que certains appelleront superstition. Ce n’est pas exactement cela, mais ce sont tout de même, quelques manies qui me sont nécessaires pour entrer en piste avec confiance.

Ainsi, dans chaque arène, je gare ma voiture pratiquement au même endroit.
A la capelado, je ne suis jamais en tête et je suis toujours dans le rang de gauche.
Pourquoi cette concentration, cette motivation , ces petits trucs ?
Parce que je suis conscient, que la public attend. Il vient pour voir raseter. Il paie pour ça. Et j’ai peur de ne pas être à la hauteur des taureaux ! Peur quand nous sommes peu nombreux en piste et que je dois affronter les meilleurs cocardiers du moment !

Mais, quand je rasète, j’oublie, je suis seul face au taureau. Je n’entends ni les réactions du public, ni le montant des primes.
Quand un taureau sort, je veux prendre le dessus. Je ne supporte pas qu’il me domine.

Je rasète pour moi, pour mon plaisir et j’ai de la chance d’avoir un raset qui plait au public.