7/ Les moyens :
Ce système consistait à construire deux ponts-barrages en maçonnerie, l’un sur le grand Rhône, à peu près à la hauteur de Brasmort, à l’endroit qui paraitrait aux ingénieurs le plus convenable, par la nature du sol et l’état du lit du fleuve, l’autre vers Sylvéréal.
Au moyen de ces deux barrages, on aurait maintenu la hauteur du fleuve autour de la Camargue, de Brasmort à Sylvéréal, en passant par Arles, à un niveau suffisant pour que les bâtiments de haut tonnage pussent y naviguer constamment. C’eut été une rade intérieure magnifique, unique peut être au monde, à l’extrémité du fleuve navigable le plus important de France.
Pour ouvrir aux navires un accès facile dans cette rade on aurait creusé un canal de grande navigation, allant de Brasmort au golfe appelé l’Anse-du-Repos ou à tout autre point qu’on aurait jugé plus convenable. Un autre canal de même dimension, partant de Sylvéréal, aurait abouti, en droite ligne, au Grau du Roi, près d’Aigues Mortes.
Avec la masse d’eau que les deux barrages eussent mise à la disposition des ingénieurs, on eut disposé d’une chasse suffisante pour entretenir constamment, dans les biefs de ces deux canaux et dans leurs débouchés à la mer, la profondeur nécessaire.
Il va sans dire que, pour passer du Rhône dans chacun de ces canaux, il eût fallu une écluse de grande dimension, seule cause de retard, pour la navigation. Il eût été même convenable de construire une troisième écluse, pour communiquer d’amont en aval du fleuve, sur le grand Rhône ; afin que, dans les circonstances où c’eût été plus commode, on pût prendre cette voie.
De cette manière, sans parler du canal de Bouc, la rade du Rhône inférieur, terminée par deux ponts pour circuler commodément d’une rive à l’autre, eût été accessible par trois grandes voies. Les navires auraient choisi celle qui leur aurait le mieux convenu, selon le temps et le lieu de provenance. Quand le vent les aurait secondés, ils seraient entrés, de l’ouest par le Grau du Roi, du midi par le grand Rhône, de l’est par l’Anse du Repos. Ils eussent évité, ainsi, les dangers du golfe du Lion, si fréquent en naufrages.
Les avantages de ces dispositions, sous le rapport de la navigation, me paraissent incontestables. On ne peut leur opposer que la difficulté, la cherté de l’exécution et la crainte de l’envasement du lit du fleuve, pendant que les barrages fonctionneraient. Je discuterais successivement ces différents points, dans le paragraphe suivant.
Avant de me livrer à cette discussion et pour qu’on ne la considère pas comme un hors-d’œuvre dans cet écrit, je ferais remarquer que ce projet une fois adopté, la question d’irrigation serait complètement résolue, non-seulement pour la Camargue, mais pour les deux rives du fleuve, le Plan du Bourg d’un coté et la plaine depuis Trinquetaille à la mer de l’autre, sans avoir besoin de l’emploie de machines pour élever l’eau, les barrages maintenant constamment le fleuve à un niveau suffisamment haut pour arroser la presque totalité du delta.