Aux dépenses que nous avons vu être celles de projets similaires celui qui nous occupe ajoutera forcément celles qui ont trait à l’acquisition des terrains, et le dossier de l’enquête nous renseignera sans doute à ce sujet.

Ce même dossier nous dira comment on a supputé les plus-values pour lesquelles il est permis de redouter des exagérations que nous avons vu reprochées à ses devanciers.

La compagnie engagera t’elle en définitive une bonne opération ? Ou y a t’il des chances pour que l’entreprise ne soit point heureuse et qu’elle ne puisse être menée à bonne fin ?

Sans doute c’est là le souci des actionnaires, mais les propriétaires intéressés ont bien quelques droits de se préoccuper de l’avenir et d’envisager le cas où la réussite ferait défaut.

Pense-t’on que l’état tenu de continuer l’oeuvre entamée ? En vertu de quel principe ? Pourrait-on prétendre qu’en conséquences et de ses suites ?
Que si l’état devait accepter ce rôle. Il lui serait plus naturel et plus sensé de se soucier par avance de propriétaires payant de leur mieux leurs impôts, et de servir sa véritable fonction en les préservant contre toute entreprise pouvant de près ou de loin, même involontairement, porter la plus légère atteinte à leur fortune privée.

CONCLUSION

De tout ce qui précède il y a lieu de tirer les conclusions suivantes
1/ Consultés sur la question de savoir s’ils sont prêts à exécuter le projet qui sera soumis à l’enquête, dans le but de procurer à la Camargue un dessèchement complet, avec mise en culture et irrigation, les propriétaires devront répondre négativement.
Parce que les améliorations ne peuvent jaillir tout d’un bond, sont lentes et successives, si elles veulent êtres durables, et qu’il leur est impossible de sacrifier en une seule fois une part importante de leurs revenus, sans avoir l’assurance qu’ils pourront être compensés d’autre part.

2/ Soucieux de leur propre avenir, en même temps que celui du territoire qui a bien souvent provoqué ses générosités, les propriétaires feront remarquer à l’état que :
Un programme d’amélioration a été tracé par lui-même suivant les décisions ministérielles citées plus haut, sanctionné par le décret de 1866.
Que ce programme a été généreusement accepté par la propriété sous toute ses dimensions, que tous les propriétaires et agriculteurs, bien aisés de reconnaître les services de l’état, ont créé de toutes pièces et de leurs propres deniers des exploitations qui ne tendent à rien moins que de faire de la Camargue ce sue bien des expériences ont fait connaître quelle pourrait devenir par de sages et prudentes modifications.
Que tous ces efforts collectifs ou individuels ont été engagés, soutenus par l’espérance que le programme souhaité d’abord, discuté ensuite, enfin adopté, serait maintenu, et qu’ensemble ils constituent la véritable manifestation de l’intérêt public, soit qu’on l’entende des personnes, soit qu’on l’applique au territoire.
Lorsque le projet sera de nouveau déposé à l’enquête pour l’obtention de la déclaration d’utilité publique, sa partie technique pourra être discutée plus
sérieusement et pied à pied.

Arles, 21 février 1898
Achille Gauthier-Descottes
Directeur du syndicat général des chaussées de la Grande Camargue,
directeur adjoint du syndicat de la digue à la mer, syndic des Vuidangesde la Corrège de Gimeaux, de l’égout du mas de Thor