EN 1914, au début de la Grande Guerre, alors que Georges Clémenceau était sénateur du Var, un autre sénateur du nom de Gervais publia dans le journal LE MATIN, sous l’influence d’un certain Messimy (ancien capitaine d’infanterie porté par la politique au ministère de la Guerre), un article diffamatoire dont les effets allaient longtemps couvrir d’opprobre les gens du Midi.
Les soldats composant le XVe Corps d’infanterie, tous des méridionaux, s’étaient paraît-il débandés face à l’ennemi.
Or, prenons bien connaissance de l’affaire en question.

Quand le général Valdant qui commandait le 55e d’infanterie reçut l’ordre d’abandonner le terrain, ses hommes n’avaient pas cédé d’un pouce sous la pression des troupes bavaroises que le XXe Corps s’était révélé incapable de contenir, et à qui l’on avait certifié au matin du 20 août n’y avoir plus personne à sa droite, alors que précisément y résistait toujours le XVe.

Et c’est à ce moment précis de la situation où les deux corps d’armée étaient dans l’ignorance de leurs positions respectives, qu’eut lieu le tragique quiproquo.

Croyant être seul sur le champ de bataille (il le sera effectivement un peu plus tard) et s’attendant d’un instant à l’autre à voir ses lignes enfoncées, le général Valdant jugea tout de même plus réglementaire de demander au quartier général un ordre écrit corroborant l’intimation de repli que l’on venait de lui donner.
L’obtenant sans tarder, il battait en retraite vers midi en direction de Dieuze, petit village des bords de la Seille, sans se douter en obtempérant ainsi aux ordres, de la formidable campagne de dénigrement dont allait injustement pâtir, à travers un régiment soudain abhorré, toute une région de France.

Cet ordre que nul ne peut contester (il le fut à l’époque) et qui convainc le général Duchêne avec lequel Valdant s’entretint à ce sujet, se trouve d’ailleurs consigné dans un rapport aux archives du 55°.
Un autre officier supérieur, le général Sarrail, commandant de la III° armée à la Marne et par la suite commandant des forces françaises d’Orient, se rendit en personne sur le terrain pour juger par lui-même du comportement au combat de " ces gens du Midi " comme on les appelait alors péjorativement.

Et il avoua tout aussitôt, au spectacle de leur courage et de leur détermination, avoir été trompé par d’odieuses et viles insinuations.
Devant la Chambre des députés, ce fut ensuite le général de Gallieni, ministre de la Guerre et ancien gouverneur de Paris, qui rendit à son tour, le 25 mai 1916, un vibrant et solennel hommage à l’héroïque XV° Corps.

Et en 1936, un petit village voisin de celui de Dieuze, Bidestroff, éleva un monument commémoratif à la gloire des soldats outrageusement calomniés.
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