Enfin la spéculation ne s’était pas bornée à bâtir dans le cirque et sur les gradins, lorsqu’on eut comblé les fossés, elle avait envahi le pourtour de l’édifice et adossé des constructions de toute sorte contre les arceaux.
L’arrêt du conseil d’état de 1786 donne une fâcheuse opinion de ce cartier condamné à disparaitre. On y parle de « cet édifice célèbre, dont l’antique magnificence est en quelque sorte déshonoré par de vile constructions élevées dans un siècle de barbarie ». On y signale « les maladies meurtrières que leur insalubrité occasionnait fréquemment dans la ville ». Menard, qui en parlait de visu, accusait l’existence de 13 maisons dans le cirque, de 65 enclavées dans sous les portiques et de 72 à l’intérieur en tout 150 habitations sous valeur « vraies masures qui menaçaient ruine, et que la police aurait dù faire abattre depuis longtemps » Pourquoi faut-il que Clérisseau, dans son bel ouvrage sur nos antiquités, ait donné de cet ensemble hétéroclite et misérable des vues pittoresques qui feraient presque regretter les restaurations subséquentes ?

Lorsqu’on eu estimé et démoli les maisons bâties autour de l’édifice, on s’aperçut qu’on avait déjà dépensé 74500 livres. On continua par jeter à bas quelques maisons à l’intérieur de l’édifice et l’on vit qu’on arriverait bientôt à dépenser le tiers des sommes votées. C’est qu’au lieu de remettre aux propriétaires expropriés la valeur de leurs moellons, avec la faculté d’aller bâtir ailleurs, comme le leur accordait libéralement l’arrêt du conseil, on avait trouvé une solution plus équitable. On paya en effet les maisons à leurs prix d’estimation, on indemnisa même les seigneurs de la perte de leurs droits de directe, comme on avait remboursé le Roi de la perte des siens, on offrit de plus aux propriétaires des emplacements gratuits dans les quartiers neufs qu’on projetait de construire.
La révolution interrompit achats et démolitions, mais le régime impérial, renouant les traditions du passé, poursuivit activement et termina l’œuvre commencée. Le Conseil Général du Gard, se substituant aux états du Languedoc, décida en 1807, dans sa délibération du 16 et 21 octobre, qu’il prendrait à sa charge le tiers des dépenses, et le préfet ordonna qu’il soit procédé à l’estimation des maisons par des experts nommés par le maire et les intéressés. Le 13 mai 1808, le conseil municipal déclara qu’il interviendrait également pour un tiers, mais qu’il solliciterait du gouvernement l’abandon des matériaux.

Le procès verbal des ventes, rédigé le 15 décembre1805, par Maître Gidde, notaire impérial, montait à 237 050 francs, pour les maisons de l’intérieur des Arènes, et à, 40 000 francs pour l’acquisition des immeubles nécessaires au dégagement de l’édifice. Parmi les considérants du contrôleur sur la manière de procéder recommandée aux experts, je relève le suivant, qui a une saveur administrative toute particulière. Il y est dit que, dans ses estimations, on ne devra pas entrer dans la discussion de l’origine du droit fût-il fondé, on doit croire que bien des usurpations ont été faites.

Le décret impérial du 2 février 1809 approuva ces dispositions et fixa à 147 378 francs le montant de la dépense à faire pour la restauration du monument et ordonna que la somme de 424 428 francs serait payée, un tiers par le trésor, un tiers par le département et un tiers par la ville (4). On accordait à celle-ci les matériaux pour compenser les 74 000 francs dépensées par elle à l’origine.

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