La vérité est que chacun y trouve son compte :
L’état en donnant peu ;
Le département en ne donnant rien,
La ville en recevant tout, et, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Qu’importe après tout au voyageur qui s’arrête émerveillé devant le colossal édifice, qu’importe au citoyen Nîmois, si jaloux de la grandeur de ses ancêtres, que telle ou telle collectivité en réclame la propriété nominale, le peuple qui, les jours de fête, s’entasse sur ces ruines, s’en croira toujours le seul et véritable maître.

Maintenant qu’il est débarrassé de l’envahissement parasitaire qui voilait sa beauté et menaçait sa durée, notre amphithéâtre ne garde plus d’autres traces de ses transformations que celles que l’on a jugé digne de quelques intérêts, il semble qu’on ai passé l’éponge sur ces quinze siècles intermédiaires entre sa splendeur et sa restriction partielle. Si quelque jours, par un prodige de restauration complète, les précinctions interrompues renouaient leurs gradins sur leurs voutes écroulées, on se croira transporter au siècle des Antonins, on s’attendrait à voir tout à coup déboucher par les vomitoires la foule empressée des nobles et des citoyens. Mais pour le moment ces restes imposants reportent la pensée rêveuse vers des temps plus récents de notre histoire, et ce n’est pas sans un charme secret que je croirais entendre, sous l’ombre des portiques et sur les vieilles dalles de nos arènes, sonner les éperons d’or de leurs chevaliers.

Décembre 1895 ; Comte de Balincourt