Le brillant conférencier revistero J.-C. Dufau, connaissant à fond le sujet sut passionner l’auditoire composé d’Amis du Vieil Arles et d’afeciouna.

Après la création de ce quadrille Pouly composé de sauteurs avec ou sans perche et de toreros travaillant à la cape, nous avons appris avec surprise que dans un long périple, il avait parcouru une grande partie de l’Europe.
Quand on songe aujourd’hui (1985, NdR) aux moyens de transport de l’époque et toutes les difficultés venant s’y ajouter, on peut dire sans crainte que c’était une véritable performance que ce saut dans l’inconnu.

Mais revenons au titre de cet article.
Il est certain que beaucoup d’afeciouna d’Arles ou de la région, à part quelques-uns du 3e âge, ignorent qu’au début de ce siècle les gros taureaux de la manade Pouly * pâturaient une partie de l’année à Fourgues, dans un quartier que l’on appelait alors " La Palun " où ils disposaient d’une centaine d’hectares ; aujourd’hui son nom est " les Pébrières ".

C’étaient des terres incultes composées d’enganes, de roseaux et de tamaris. Le bouvau était situé en dehors, depuis le fossé d’assainissement des terres Longues jusqu’au colateur et au Nord longeait le chemin communal.
De temps à autre, les grands de l’école, furtivement, les jours de vacances, allaient voir les taureaux, mais les gardians les faisaient courir craignant un accident.

Nous arrivons à ce fait qui s’est passé autour de l’année 1910.
Nous étions bien une dizaine de jeunes en train de jouer autour des tranchées creusées pour le compte de Sud Electrique à l’entrée du village, entre la route et la digue pour la construction d’un poste à Haute Tension aujourd’hui démoli.

C’était vers 9 heures du matin.
Soudain nous entendîmes du côté de la Mairie une clameur, des cris et nous vîmes arriver au petit galop un taureau suivi d’un cavalier à cheval. C’était Coustellier, le bayle-gardian de la manade qui avait vu l’échappée depuis le bouvau.

Il criait : " aguès pas paoù, boulègues pas, es lou Paré " qui venait de traverser la Grand-Rue semant l’effroi parmi les ménagères en train de balayer les rigoles.
Il passa devant nous sans regarder et arriva jusqu’au petit chemin conduisant au Rhône qu’il traversa, causant une grande frayeur aux bugadières en train de laver leur linge dans le lit du fleuve, puis alla se réfugier dans les oseraies du côté de Câseneuve.
Le soir venu il reprit son chemin et le lendemain matin il arriva à la Tour du Vallat pour revoir les vaches qui étaient restées à la manade.

De cet événement on n’en parle plus aujourd’hui, et pour cause ! mais pendant des années aux cafés, sur la promenade ou au " cagnard " l’hiver, il a fait l’objet de nombreuses conversations en raison de la renommée de ce taureau.

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Parlons maintenant du Paré * , ce taureau prestigieux.

Au centre : Pierre Ladreyt
à droite : le gardian Jacques Coustelier

C’était un croisé, sa mère étant une vache espagnole, il n’avait d’égal à cette époque que le Prouvenço * du Marquis.
Ils étaient craints de tous les raseteurs pour leur vitesse.
Un jour au cours d’une course du Paré dans les arènes d’Arles, un raseteur amateur surnommé " Lou Pintre ", voulut de loin faire un raset, il n’arriva pas à la barrière, bousculé, renversé il reçut un coup de corne à la gorge et succomba.
Cela ne fit qu’accroître son renom.

A cette époque il n’y avait pas comme aujourd’hui un règlement au sujet des courses, il n’y avait pas de sonnerie après la sortie du toril pour annoncer l’attaque et les raseteurs placés à une vingtaine de mètres profitaient du grand jour qui éblouissait les taureaux pour faire un raset de surprise, raset qui était souvent fructueux.

Le père Pouly " Brésillon ", qui était à la fois manadier et organisateur de courses, avait son caractère.
Il imagina de supprimer les crochets des raseteurs en remplaçant la ficelle du cocardier par un fil de laine qu’il fallait saisir du bout des doigts. Cela ne dura pas, les raseteurs firent grève.

Pour les fêtes, à cette époque à Fourgues, c’était la manade Pouly qui fournissait le bétail qui était amené par un char tiré par des chevaux. Au retour arrivé au Pont du Mas de Mérard, sans se soucier de rien, les gardians ouvraient les portes du char et pour nous les jeunes qui avions suivi, nous grimpions dans les arbres, nombreux à cette époque, c’était pour nos yeux un régal que de voir passer dans un nuage de poussière, taureaux et gardians.
Quel agréable souvenir j’ai gardé de ce qui serait impossible maintenant !

Faisons maintenant un peu d’histoire locale.
Ces terrains où pâturaient les taureaux étaient communaux ; sous l’ancien régime, ils n’étaient pas assainis comme maintenant et incultes.

Sous le premier empire, ils furent vendus par la municipalité de Fourgues de l’époque pour le prix de 5 F l’hedare, cela paraît incroyable.
L’hiver c’était le paradis pour les chasseurs et avec le recul du temps, il faut reconnaître que cela a été une mauvaise affaire.
Ajoutons qu’après le coup d’état du 2 décembre, des Républicains connus comme tels, vinrent s’y cacher, craignant leur arrestation, et ils étaient ravitaillés par des amis et y restèrent tant que le calme ne fut pas revenu dans le pays.