TRANQUILLE de Fabre-Mailhan

J’avais un simbèu merveilleux qui s’appelait Tranquille.

Un simbèu de conduite qui prenait la tête du troupeau et qui obéissait à la voix pour tourner à droite ou à gauche.
Il nous était très utile quand on voulait conduire et rentrer les bêtes jeunes dans le bouvaou qui comportait une entrée étroite et difficile.

Un jour, nous ramenions des bêtes et Tranquille était là en tête comme toujours, montrant le chemin.
Nous avions avec nous un jeune amateur qui montait un cheval fougueux et sans savoir ni pourquoi, ni comment et sans que j’en ai donné l’ordre, ce jeune garçon, fait une pointe de vitesse et se porte a hauteur du simbèu pour le faire avancer plus vite.
Cela traînait sûrement un peu trop à son goût.

Pour se dérober au coup de bâton que voulait lui donner ce jeune homme, le simbèu fit un terrible écart, si brusque qu’il se fractura net la patte arrière.
Instantanément il se retrouva sur 3 pattes, et à ce moment-là par souffrance et pour rétablir son équilibre, il fit encore un effort surhumain sur l’autre patte qui se cassa net à son tour, presque a la même hauteur.
C’était affreux.

Nous n’étions pas encore arrivés au bouvaou quand cet accident est survenu et à partir de là, ce qu’a fait cette bête a été héroïque.
Avec des efforts inouïs, il s’est mis à ramper sur ce qui lui restait de valide des pattes arrières. En se traînant littéralement, il a continué de conduire le troupeau en direction du bouvaou, comme dans un calvaire, il a pris l’aile de triage, le couloir ensuite pour enfin rentrer dans le bouvaou.

Là les bêtes tournoyaient dans tous les sens, lui, il a pris la diagonale pour aller, toujours en se traînant, tout droit s’enfermer au toril.