Aujourd’hui il n’y a plus « d’esperaïre ».(3) Autrefois, tous les hommes solides et un peu bétrimets (4) attendaient au trident. Mon grand-père était un « esperaïre » de première force. Dès qu’un melon sortait du toril, et avant même qu’on ait crié : « au ferre ! »il était à l’écurie, demandait des tridents, et, seul avec un ami ou mon frère, il allait châtier le taureau manso qui méritait un ou deux coups de trident.

Le père Paquet était aussi un bon homme le trident à la main. C’était un des meilleurs gardian de l’époque et ils étaient nombreux à ce moment là. Les Chabaud, les Dayan, et les Raynaud ont été les derniers esperaïre du Languedoc. Fernand Granon était un maiîre et ne craignait pas de se présenter seul devant ses plus gros taureau. Avant la guerre, il me souviens de l’avoir vu attendre, à Lunel, au Cailar, Marius Favier le gardian d’Arnaud et Reynaud, attend encore quelques fois aujourd’hui.

Ce qu’il y a de bien certain, c’est que le maître incontesté du trident à été le père Chabaud. Ce baïle-gardian (5) avait le sens de la place, une maîtrise qui ne le trahissait jamais. Très calme, il attendait toujours le bon moment et je ne pense pas qu’un taureau l’ait jamais pris au dépourvu. Il y a deux ans, à Saint Gilles, attendit et moucha de main de maître un vieux briscard qui n’en était sûrement pas à son coup d’essai .le gardian Chabaud a certainement plus de 70 ans aujourd’hui . Il monte encore à cheval comme un jeune homme, tient sa place dans les abrivados et peut être attendait-il encore un taureau au trident.