Il y a quelques années, pendant cette courte période d’or pour les organisateurs, elle passait en vedette dans toutes les arènes les plus importantes, et Nîmes l’applaudit au moins deux fois, Beaucaire, Châteaurenard, Saint Rémy et Arles aussi sans doute l’annoncèrent à grand fracas.

J’ai eu l’occasion de revoir la Butarde deux fois cette année. (1933, NdR)
A la Calmette et à Sainte Anastasie, deux tout petits pays près d’Uzès qui organisaient pour leur fête une course libre.
Les manadiers Languedociens, tenant encore leurs prix, on s’adresse aux Provençaux qui mènent pour pas grand-chose trois vaches et trois taureaux dans ces plans in-copiables.

Voulez-vous la description de celui de Saint Anastasie ?
La voici :
Une place macadamisée très mal, bien entendu, bordée d’une muraillette en pierre, contre laquelle on appuie les amphithéâtres. Ça et là quelques bancs de pierre et une dizaine de platanes verts et beaux ombragent les spectateurs et font l’admiration de tous. C’est le plus joli coin du pays disent les habitants, fiérots.
Au milieu de cette place, se trouve « le griffe  » familier à tous nos villages.
On a arrêté le jet d’eau, mais il reste encore assez de flotte dans le bassin pour que le maladroit qui saute tout à l’heure à coté des planches y prenne un bain de pieds. Ce plan ressemble à beaucoup de plans de villages, et c’est là que j’ai revu le Butarde, il y a une quinzaine de jours.

Les organisateurs et quelques aficionados firent monter la cocarde à 150 francs, environ, mais aucun razeteur ne passa.
Le brave Merlusse, à peine remis de sa blessure de Calvisson, me dit « Le premier qui rasete est poussé jusque sur les charrettes  ».
Les braves gens du pays ne comprenaient pas qu’on ne travaille pas une bête paraissant si pacifique.

La vache de Mistral, en effet, ne s’en faisait pas et se baladait tout doucettement sous les frais ombrages des platanes.
Cependant, lors d’une excursion vers une charrette ou un « Russanais » était resté un peu à la traine, elle le monta bel et bien jusqu’au-delà des tréteaux, juste assez pour faire voir ce dont elle était capable.

Il y a quatre ou cinq ans, la Butarde attirait des milliers de personnes aux arènes ; aujourd’hui les meilleurs cocardiers des manadiers languedociens, ne peuvent même pas retenir « 4 excellents aficionados Saint Laurentais qui aiment mieux aller voir jouer au football ».
C’est à mourir de rire, à moins qu’il vaille mieux en pleurer.

Je suis bien convaincu maintenant que la crise n’est pour rien dans la désertification des arènes.
Des milliers de gens se pressent tous les dimanches sur les touches des terrains de foot. Le prix des places est plus cher, le déplacement est le même pour nos amis de la Vaunage, de la Vistrenque.
Ce n’est donc pas par manque d’argent que l’on ne vient plus aux arènes, c’est tout simplement par manque d’aficion, par désintéressement.

Que faire pour ramener vers nous tous ceux qui pour des raisons diverses délaissent la tauromachie camarguaise ?

Photos de Gilbert Mistral :

Dans les près de la Girafe à Eyragues
Un amateur, Mr Lazare, lui donnant à boire