Aujourd’hui, Saint Jean, Saint Roch, Saint Eloi et quelques autres patrons de paroisse sont associés à la course de la Carreto Ramado, tradition aux sources lointaines et incertaines.

carreto ramado

Il s’agissait d’abord, et uniquement pour la Saint Eloi, d’un exercice d’habileté de la part des charretiers, ainsi que d’une fière présentation des animaux de labour, le tout lié à des fêtes villageoises.

Si l’on se réfère à Frédéric Mistral, la sortie de la Carreto Ramado est tout d’abord associée à la Fête de Saint Eloi, et la première appellation en serait sans doute Carreto de Sant Aloi.

Il faut savoir que ce personnage canonisé, surtout connu comme le ministre des finances du roi Dagobert, était originaire du Limousin. Patron céleste des orfèvres mais aussi de tous les travailleurs sur métaux, il est donc celui des maréchaux-ferrants. De là à ce qu’il devînt le protecteur des chevaux de labour, il n’y avait qu’un pas, vite franchi. Sur la lancée, on le fit aussi, en Provence, patron des "ménagers", c’est à dire des fermiers.

Mais, très curieusement, les laboureurs de la Grèce antique célébraient, bien avant notre ère, une fête qui portait le nom d’Aloa... Le rapprochement phonétique est à faire.

Un autre indice permet de penser que l’origine de cette coutume n’a rien de religieux : jadis, en Provence, "faire Sant Aloi" (faire Saint Eloi ou Aloa ?) signifiait faire du tapage, s’enivrer et même... battre sa femme !

D’ailleurs, le fait n’est pas exclusivement provençal et la carreto de Narbouno parcourait les rues des villages en fête, dans le sud de l’Aude, au siècle dernier. Il s’agissait là d’une charrette décorée et tirée par cinquante mulets.

Au caractère de célébration de la nature nourricière de cette fête s’ajouta, peu à peu, une tendance corporatiste, avec les confréries de charretiers. La course de la Carreto Ramado devint donc une véritable démonstration de savoir-faire. On prenait des risques en faisant courir très vite les chevaux et en négociant des virages acrobatiques.

Mais l’occasion était trop belle aussi, pour les propriétaires des bêtes de trait, pour ne pas montrer leur richesse.

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Les harnachements rivalisaient de beauté et c’était un grand honneur que de pouvoir atteler un cheval parmi les 25 ou 30 qui tiraient la fameuse charrette. Un dicton nous reste encore, lorsque l’on veut parler des riches atours d’une femme ou d’une personne vêtue avec ostentation : "semblo un davans de Saint Aloi" (elle ressemble au cheval de devant de la charrette de Saint Eloi).

Tout comme pour la préparation d’un char de carnaval, celle de la Carreto Ramado ne s’improvise pas la veille de sa sortie. On désigne pour l’année des responsables : des bailes.

Des mois à l’avance, on discute. On retient les plus beaux colliers, les plus belles parures pour harnacher "à la mode sarrasine" les bêtes de l’attelage.
La veille, on "arrame" la charrette c’est à dire qu’on pare de feuillage les brancards, les roues, les ridelles... On fleurit les colliers, on cire le cuir, on fourbit les grelots...

Il arrivait parfois que, le samedi, on fit faire un petit galop d’essai à l’attelage, mais c’était surtout le dimanche matin qu’avait lieu la grande sortie.

La messe se célébrait ensuite et l’après-midi, la carreto parcourait à nouveau les rues en fête. Les joueurs de tambourin et de galoubet prenaient place au milieu de la verdure et des fleurs pour rythmer son avancée...

La coutume s’était peu à peu perdue, et l’apparition des tracteurs agricoles paraissait lui avoir asséné le coup de grâce. Mais la Provence, terre de maintenance, a réagi depuis. Lors des fêtes votives, la longue file des chevaux parcourt toujours les rues et les mots du poète sont d’actualité

... ai vist la Ramado ... J’ai vu la Charrette Ramée
Faire en vilo sa passéjado Faire en ville son parcours
E cinquanto miols pla parats Et cinquante mulets joliment parés
Montas pèr cinquanto goujats Montés par cinquante garçons
Atalats à-n-uno carreto. Attelés à une charrette.

Portfolio

im caretto