— Hòu ! Lou Boufaire !
Lou Boufaire es un faus-noum que li bèstio an mes à la Serp : sufis qu’entre que bisco, s’arrèsto pas de boufa.
La Serp s’avancè à la chut-chut, sourtiguè soun nas pounchu entre lou joncas e, tant-lèu nifla lou frescun de la Granouio, se boutè à lengueja.
— Quau me souno ?
— Es iéu, la Granouio. Mai arrèsto-te de lengueja e me claves pas tis iue dessus em’un èr de me voulé pivela. Vène pèr te rèndre un gros service. D’eiço se vos prouficha, me fau faire, sèns bataia, lou sant sarramen di Serp, jura que me manjaras pas, que me bandiras pas à ti pichot, que me rabalaras pas dins toun trau e iéu, franc d’acò, cabusse tout d’un tèms dins la roubino, te dirai pas ço que sabe e souleto, tu n’en patiras.
... (la Serp fai lou sarramen d’abord qu’uno rùssi i’avié fa peta soun ome e que li galejon i’avien estrassa uno nisado entiero) ...
.. Adounc arresounaras la Rùssi e ié diras : alin, dins la grand palun de l’Espitau, li Galejoun, à mouloun ié nison ; se ié regardon coume dins lou siéu e dison de pertout que, pèr sa lèi, ié revèn tout aquéu terraire. Vous vendrié pas à-comte, vautre li Rùssi, de vous ié tanca ras, à voste aise, dins lou sagnas, en dessus dis aigo e dis abime, mounte ges de cassaire vous pòu coucha e de ié nisa à vosto idèio ? Senso fourça, trouvarias à vosto pourtado uno biasso aboundanto e toujour lèsto. I’a tambèn, lou sabe, dins la palun, proun canard emai proun sarcello. Mai me refigure, lou mai, qu’un bon galejounet bèn moufle e bèn gras, quand coumenço de carga si plumo, o pièi un pau pus tard quand se sort dóu nis, grèu e desgaubia, mai tant-lèu gaiard coume un paire, fai pèr vautre un meiour manja qu’un marrit tros de serpatas o la car mourvelouso d’uno granouio. E aqui, pèr vous alassa, ges d’espero, ges de voulado nimai de peno. Coume lou pescaire dins sa servo, aurias que de pesca dins voste galejounié.

— Hòu ! Le Souffleur !
Le Souffleur est un faux-nom que les bêtes ont donné au serpent car dès qu’il s’enrage, il souffle.
Le Serpent s’avança en silence, sortit son nez pointu entre les joncs et, sitôt avoir reniflé la fraîcheur de la Grenouille, se mit à remuer la langue.
— Qui m’appelle ?
— C’est moi, la Grenouille. Mais arrête-toi de remuer la langue et ne me plante pas tes yeux dessus avec un air de vouloir m’hypnotiser. Je viens pour te rendre un grand service. Si tu veux en profiter il faut me faire, sans batailler, le saint serment des Serpents, jurer que tu ne me mangeras pas, que tu ne me lanceras pas à tes enfants, que tu ne m’entraîneras pas dans ton trou, sinon je plonge tout de suite dans la roubine, sans te dire ce que je sais et seul, tu en pâtiras.

... (le Serpent jure parce qu’une buse lui avait tué son homme et que les hérons lui avaient détruit une nichée entère)...
... Donc, tu interpelleras la Buse et tu lui diras : là-bas, dans le grand marais de l’Hôpital, les Hérons nichent en nombre ; ils s’y considèrent comme chez eux et ils disent partout que selon leur loi, tout ce territoire leur revient. Ne vous serait-il pas profitable, à vous les Buses de vous y installer à votre aise, dans les roselières, au-dessus des eaux et des abîmes, là où aucun chasseur ne peut vous tuer et y nicher à votre idée ? Sans forcer vous trouveriez à votre portée une nourriture abondante et toujours prête. Je sais aussi que dans le marais il y a suffisamment de canards et de sarcelles. Mais je me rappelle qu’un bon petit héron bien dodu et bien gras, quand ses plumes commencent à pousser ou un peu plus tard quand il quitte le nid, lourd et maladroit mais bientôt gaillard comme un père, fait pour vous un meilleur repas qu’un mauvais morceau de serpent ou que la chair gluante d’une grenouille. Et là, pas d’affut, pas de chasse ni de peine pour vous fatiguer. Comme le pêcheur dans son vivier vous n’auriez plus qu’à pêcher dans votre réservoir à hérons.
...

Vous pouvez imaginer la suite... mais le Héron qui pleure ses petits n’hésiterait pas à avaler ceux des Canards si les Buses lui en laissaient un peu...