Semblavo un rias espetaclous qu’encapelavo lou Bos. Li Senglié, que d’efèt èron aqui, esvedela sout la ramo à la bouco d’un pichot clar, li Senglié espavourdi d’aquéu rouge nivoulas
que ié degrunavo dessus à la subito emé de bram esfraious e un rounfle de mistralado, li Senglié, proumié, bourro-bourro s’èron auboura sus si cambo pèr se leva de davans. Mai entre s’avisa qu’èro en d’aucèu e pas mai qu’avien à faire, en se revirant tant-lèu s’èron mai vengu aligna. A cop de maisso, à cop de crouchet, founçavon au mitan d’aquéu mouloun d’alo e de plumo.
Uno part di Flamen entrava dins lou fourni, trevira de la laido caro di Porc Sóuvage e pièi en s’entrepachant entr’éli, èron just bon à brama coume de perdu e en arpatejant sus plaço fasien que crèisse l’emboui. Mai lis autre, amoulouna sus lou clar fasien bàrri de car e bataiavon de voio. Lou vièi Croua butavo en tèsto.
Tau coume lou Ratié l’avié marca, li Porc Senglié èron gaire. Fourmavon sus Radèu Long tout bèu-just uno nisado : lou paire, un gros verre ragot e espeloufi, la maire-trueio e cinq pichot poucèu qu’adeja se fasien galant.
Sus lou péu ruste di Senglié espinous coume li cardoun de la mountiho, rede que rede, li bequejado s’amoulissien e lis alo, à la perdudo, en picant e en tabassant, mandavon que de tapinado. De soun coustat, acarnassi, li Senglié fasien ravage. Chasque cop de dènt durcissié soun trau, chasque cop de crouchet dounavo uno viro-passo. Entre li gaugnasso s’entendié cracina de cambo e d’os, e di coui sepa lou sang regisclavo.
En vesènt si paire couta ansin e pièi tira pèr tout aquéu fum de carnasso, li poucèu tambèn s’èron bandi. Lou Croua feroun, la ràbi dessenado di Flamen, un cop passa lou proumié esfrai
ié fasié plus rèn. E parié coume si paire, abrama pèr la rapino, esquichavon quauque long coui, póutiravon quauco cambo à la devinaio, retourdien ’mé si dènt uno alo que bacelavo. Lèu-lèu lou clar fuguè clafi d’aucèu matrassa emai de mourènt. Lou vanc dis atacaire moulavo.
Pamens, un di poucèu, en avènt recassa dins l’iue uno pounchounado, s’encourreguè en bramant e plantè aqui la batèsto. Es au meme moumen que Croua faguè signau pèr la retirado. Tout ço que di Flamen se mantenié libre o qu’à tout lou mens se sentié de s’envoula, s’aubourè, virejè e prenguè mai sa velo en tirant de-vers Mournès.

… Lou vòu di Flamen, un pau mai clar qu’en partènt, s’agandissié au camp emé sis endeca, aquéli tout lou mens que se poudien teni sus sis alo e tout en voulant, adeja se charravo de la batèsto…
— Mournès a gagna ! Cridavon deja li que d’un biais o d’un autre restavon valide. Mai li maca noun mutavon e se languissien d’èstre rendu.

On aurait dit un énorme filet posé comme un chapeau sur le Bois. Les Sangliers qui étaient là en effet, vautrés sous les feuillages à l’embouchure d’une lagune, les Sangliers apeurés par ce gros nuage rouge qui leur tombait subitement dessus avec des cris effrayants et un bruit de mistral, s’étaient d’abord relevés précipitamment pour s’enfuir. Mais sitôt qu’ils s’étaient rendus compte que ce n’était qu’à des oiseaux et pas plus qu’ils avaient à faire, s’étaient retournés pour faire front. A coup de mâchoires, à coup de défenses, ils fonçaient au milieu de ce tas d’ailes et de plumes.
Une partie des flamants était empêtrée dans les buissons. Effrayés par la laideur du museau des Porcs Sauvages, se gênant entre eux, ils étaient juste bons à crier comme des perdus et piétinant sur place, ne faisaient qu’augmenter la pagaille. Mais les autres, rassemblés sur la lagune, faisaient un rempart de chair et bataillaient avec ardeur. Coua à leur tête donnait l’exemple.
Comme l’Epervier l’avait indiqué, les Sangliers n’étaient pas nombreux. Sur le Long Radeau ils constituaient à peine une nichée : le père, un gros verrat de trois ans, ébouriffé, la maman-truie et cinq marcassins qui se faisaient déjà beaux.
Sur le poil rude des Sangliers, épineux comme les chardons de la dune, plus que raide, les coups de becs s’amortissaient et les ailes, en cognant et frappant éperdument ne portaient que de faibles coups. De leur côté, les Sangliers excités par l’odeur de la chair faisaient des ravages. Chaque coup de dent faisait une plaie profonde, chaque coup de défense provoquait une chute. Entre les bourbiers on entendait craquer des jambes et des os et le sang giclait des cous tranchés.
En voyant leurs parents ainsi frappés par cette foule de mauvaise chair, les marcassins aussi s’étaient élancés. Une fois passée la première peur, le féroce Croua et la rage insensée des flamants ne les effrayaient plus. A l’image des adultes, enflammés par la rapine, ils serraient quelques longs cous, tiraient quelques jambes au hasard, tordaient des dents une aile qui battait. Rapidement, la lagune fut remplie d’oiseaux massacrés et de mourants. L’élan des attaquants mollissait.
Pourtant, l’un des marcassins ayant reçu une pointe de bec dans l’œil, s’enfuit en hurlant et abandonna la bataille. C’est à ce moment-là que Coua ordonna la retraite. Tout ce qui des flamants pouvait bouger ou tout au moins se sentait capable de s’envoler se releva, fit demi tour et prit son envol en direction de Mornès.
Le vol de flamants un peu plus clair qu’au départ atteignait le campement avec ses estropiés, tous ceux du moins qui tenaient sur leurs ailes et tout en volant, déjà on parlait de la bataille…
— Mornès a gagné ! Criaient déjà ceux qui étaient plus ou moins valides mais les blessés ne disaient mot et avaient hâte d’être arrivés.

La laie soigne son marcassin. Le verrat trouve que les flamants sont des idiots mais que les victimes leur serviront de nourriture et se met à en goûter une parce que le combat lui a ouvert l’appétit.
Il n’y a que les orgueilleux flamants de Mornès qui continuent d’affirmer qu’ils ont gagné ce jour-là !