Bassin de l’Ebre

En effet, pour " l’édition " 1984 de la Féria du Pilar, que connaissent bon nombre d’afeciouna français, la municipalité avait eu l’heureuse idée " d’officialiser ", dans le cadre des arènes prestigieuses, les jeux taurins pratiqués par les villageois des bords de l’Ebre.

C’est ainsi que le " ruedo " accueillit un concours original de " dobladores ", où les hommes devaient à deux " doubler " [2] les vaches menées par des éleveurs du pays ; en effet, chaque " ganadero " avait eu à charge de fournir trois vaches plus une de réserve !

Une foule énorme assista aux exploits des amateurs qui, en seconde partie de l’épreuve, devaient " à l’aide d’un fil de fer recourbé " enlever les anneaux enfilés sur les cornes, anneaux garnis de rubans aux couleurs de la Cité !

Si je ne me trompe, il s’agit bien là de rasets, et pour compléter la similitude, il convient de noter que des prix étaient offerts aux lauréats.
Le premier prix consistait en une somme de 100.000 pesetas [3] et ce furent deux garçons, un de Peralta en Navarre et l’autre de Soto en Rioja, qui se partagèrent le prix.

Quant aux " manadiers " du terroir, ils ne figurent certes pas parmi le Gotha des éleveurs de toros bravos mais ils sont un peu les " cousins " de nos éleveurs.
Voici leurs noms : Félix Ozcoz de Fuentes de Ebro, Jesus Alvarez de Sobradiel, les frères Larraz de Taiste et José Maria Armilalas de Casetas.

A noter que ces " mainteneurs " fournissent depuis fort longtemps les fêtes de village avec encierro et concours de dobladores et que ce ne fut qu’en 1975 que l’Autorité reconnut ces jeux taurins !
Pourtant ancestraux...

De plus, ces éleveurs fournissant de temps à autres à nos Landais, des " vaquillas " qui vont grossir les troupeaux composés aujourd’hui souvent de Camarguaises et toutes confondues, ces vaches font les beaux jours des " courses landaises " !

Un mot encore, d’autres jeux sont pratiqués en Aragon.
Le jeu du panier qui consiste pour des jeunes gens occupant au centre de la piste une surface déterminée par un rond tracé à la craie, à citer les vaches et à leur enfermer les cornes dans un panier d’osier nommé Celso.
Il y a là une analogie avec le jeu de la botte de paille pratiqué dans nos plans.

Enfin, chaque village termine sa fête avec un toro de fuego en chair et en os, aux cornes duquel on a fixé des brandons enflammés. Inutile de vous dire quelle est l’ambiance sur le parcours !

Nous voilà donc loin de la corrida de toros mais combien plus près de notre tauromachie ; ces garçons des bords de l’Ebre, qu’ils soient " face à la vaquilla " ou qu’ils l’élèvent, sont bien nos parents en aficion !

Pour en avoir la preuve, allez donc une année dans ces hameaux aragonais.
Le vin de la Rioja y est fameux, et si le cœur vous en dit, vous pourrez essayer d’enlever les anneaux ; que vous y réussissiez ou non, je vous garantis la chaleur de l’accueil !

Tauromachies d’instinct, tauromachies de race, qu’elles soient camarguaises ou aragonaises, elles puisent leur raison d’être dans le terroir et c’est bien ce qui les rend sympathiques.

D’ailleurs, devant le succès de cette première " introduction " dans le cadre de l’une des plus importantes férias d’Espagne, les organisateurs ont décidé pour l’an prochain (1985, NdR) de renouveler ces prestations taurines.

Bravo !
Et souhaitons que cet exemple soit suivi dans d’autres régions d’Espagne... La tauromachie a tout à y gagner !

[1Dobladores : appelés parfois "recortadores con anillas

[2doblar : peut se traduire par tourner

[3100.000 pesetas = 601€ actuels