Le Cailar : Café de Pays
Après plusieurs mois d’absence, le Café de Pays a fait son retour ce jeudi 20 avril, avec pour thème : Les Biòu d’Or de Jean Lafont. Et le public a répondu présent.
La qualité des intervenants était à la hauteur du sujet :
- Jean-Pierre Durrieu, l’historique baile-gardian de Jean Lafont.
- Gérard Barbeyrac, ancien raseteur.
- Yves Granier, fin connaisseur de la bouvine.
Michel Falguières, le maitre de cérémonie, a ouvert la soirée par un hommage « à celui qui nous rassemble ce soir : Jean Lafont. Manadier rouge et vert durant 52 ans, cavalier émérite, homme de lettres, grand amoureux d’opéra, floriculteur hors-pair qui soignait ses rosiers comme personne. Il a créé le monde de la nuit avec la Churascaia, et le monde du soleil avec ses Biòu d’Or. Nous allons retracer l’histoire en respectant l’ordre chronologique, même si chez Jean Lafont, il n’y avait pas d’ordre, sauf dans sa bibliothèque ».
La soirée a débuté par un diaporama d’Olivier Calleriza, consacré au mas d’Anglas, à ses pensionnaires, à ceux qui s’y dévouent. Et comme un clin d’œil, l’air d’opéra qui l’illustrait avait pour nom La campanella, en italien la clochette. Avant que Jean-Pierre Durrieu ne parle des Biòu d’Or.
Cosaque, Biòu d’Or en 1956 :
« C’était un taureau criminel à la planche. Il est mort à 14 ans, atteint d’une grave maladie ».
Jean-Pierre Durrieu a également évoqué le périple parisien pour faire naturaliser la tête de Cosaque : « avec Marcel Langlade, on se relayait pour conduire. En arrivant à Paris, il me réveille et me dit : ’’il faut que tu prennes le volant. Je sais conduire sur les chemins, et dans les prés, mais là, il n’y a que du goudron’’ ».
Mario, Biòu d’Or en 1963 :
« Son nom est celui d’un revistero. Jean Lafont a offert à Fernand Granon le bouquet du Biòu d’Or. Il a été tué lors d’un combat entre étalons à la tour d’Anglas ».
Cailaren, Biòu d’Or en 1967 :
« Pour sa première course, il gagne le prix de Meilleur Taureau de la journée. Il a fait sa dernière course à Lunel, sa piste fétiche, et sa despedida dans les arènes de la Glacière. Il a été tellement bon sur ces deux courses que Palavas l’a réclamé à cor et à cri.
Jean Lafont a longtemps hésité car il souhaitait que Cailaren termine au Cailar, mais il a accepté devant la détermination des arènes de Palavas, qui le voulait non pas pour faire un coup de pub, mais pour ses qualités en piste ».
Joinville, Biòu d’Or en 1972 :
« Il était très dur à encocarder car il remuait sans arrêt les cornes. Quand le camion roulait, il se tenait et j’en profitais ; c’était le seul moment. Il a fait partie des taureaux que nous avons emmenés à Paris. Il avait été question de faire une abrivado sur les Champs-Élysées, mais au dernier moment, les autorités n’ont pas voulu.
Avec Marcel Langlade et Julien Lopez, nous avons été invités à dîner chez les de Rothschild, que Jean Lafont connaissait bien. Chez eux, le personnel de maison change votre assiette entre chaque plat, ce que Julot ignorait. Il se tourne vers moi et me dit : ’’quelqu’un m’a fauché mon assiette’’ ».
Ventadour, Biòu d’Or en 1977 et 1979 :
« Son nom provient d’un troubadour du 13ème siècle : Bernard de Ventadour. Sa première course, il l’a fait dans les arènes de Saint-Anne, pour le rassemblement de la CGT. En tout, il est sorti en piste 105 fois durant sa carrière. C’est le seul taureau que je n’attachais pas dans le toril.
Nous l’avons séparé du reste du troupeau pour lui éviter la même fin que Mario ; ça lui a permis de vivre jusqu’à 25 ans ».
Furet, Biòu d’Or en 1986 :
« Il a été Biòu de l’Avenir à 5 ans. Lors d’une course du Trident d’Or, aucun attribut ne lui a été enlevé. On se souvient moins de lui, car il a été l’interface entre Ventadour et Barraïé ».
Barraïé, Biòu d’Or en 1988, 1989 et 1992 :
« Il de la même lignée que Furet : l’étalon Monferrat. Il a fait sa première course au Cailar. Il a réalisé 85 courses. Il était plus difficile à gauche qu’à droite. Il déstabilisait les raseteurs car il changeait d’endroit après trois rasets.
Lors d’une course à Nîmes, le toril avait été traité avec du grésyl, mais mal aéré ; on sentait encore le produit. Du coup, les taureaux avaient hésité à entrer.
Barraïé a refusé, et pour le forcer à entrer, j’ai dû l’arroser avec une lance. C’est la chose dont je suis le moins fier. Quand il est sorti, à cause des émanations, il était moins vaillant, et le public l’a sifflé sans savoir ce qui se passait dans le toril.
Jean Lafont n’a pas supporté qu’on manque de respect à un Biòu d’Or et à plus forte raison à Barraïé, qui était triple Biòu d’Or - ce qui était unique à l’époque -, et a décidé de le retirer de la course libre.
Comme pour Ventadour, on l’a mis à part du troupeau, et il est décédé à 27 ans ».
Gérard Barbeyrac a fait par de ses affrontements avec les Biòu d’Or de son époque :
- Cailaren : « Il ne sautait jamais derrière la barrière ; il gardait tout pour la piste ».
- Joinville : « Je n’ai jamais gagné grand-chose avec lui, tant il était brave au combat ».
- Ventadour : « Il faisait le tour de la piste pour la repérer. C’était le seul moment où l’on pouvait espérer lui prendre un attribut. Après le repérage, c’était plus dur ».
Monsieur le Maire du Cailar, Joël Tena, s’est fait gentiment chambrer à chaque taureau : « si on lui faisait une statue en plâtre, ça coûterait moins cher », « il est moins gros que son prédécesseur, le prix de la statue ne sera pas trop élevé ». Et a répondu par une pirouette : « s’il fallait faire une statue à chaque Biòu d’Or né au Cailar, les impôts augmenteraient ».
Malgré le sujet, d’autres grands taureaux de Jean Lafont ont été évoqués : Virgile, Ourrias, Lebrau, Gobelet, Diogène.
Avec beaucoup de respect, Jean-Pierre Durrieu a demandé à Michel Falguières que Virat soit évoqué un autre jour : « nous sommes là pour parler des Biòu d’Or de Jean Lafont, et Virat est un Biòu d’Or de Louis Nicollin, même s’il est né en 1995. Il a été sacré en 2002 et 2004.
Louis Nicollin n’a pas seulement racheté la manade, il a acheté des terres, il a rénové le mas, il en a fait ce qu’il est aujourd’hui. Sans lui, la devise rouge et verte aurait peut être disparu ».
Ce que le maitre de cérémonie a accepté, et parfaitement résumé : « Jean Lafont était un manadier atypique, et son successeur Louis Nicollin est un sacré personnage. Il faudra consacrer un Café de Pays à ces deux manadiers, à leurs personnalités, à leurs apports au monde de la bouvine. Et nous débuterons par Virat, qui est le trait d’union entre Lafont et Nicollin ».
Ce qui ne sera, cependant, pas le prochain sujet : « l’an dernier, le Café de Pays en plein air a été un franc succès, et notre maire est d’accord pour renouveler l’opération. Il ne manque plus qu’à caler la date, mais je peux déjà vous donner le sujet : la manade Raynaud, historiquement liée au Cailar. La famille Raynaud sera présente pour parler, entre autres, de ses deux Biòu d’Or, Régisseur et Ratis ».