Le mas de Rey est un démembrement d’une propriété très importante : le mas de Boche ou Boschon [1], exploité dès le XVIème siècle en céréales dans la partie nord du domaine et en pâturages dans la partie basse.

Dès cette époque, une prise d’eau édifiée en robuste maçonnerie sur le Petit Rhône permettait l’apport d’eau douce.
A noter que l’on y trouvait aussi des plantations de mûriers pour l’élevage du ver à soie, mûriers importés d’Italie.

Cette famille Boche était l’une des plus fortunées du Pays d’Arles et pourtant elle se ruina à vouloir plaire à son Roi.
On était à l’époque de la cour de Versailles et plus d’un gentilhomme de province brûla sa fortune à l’éclat du Roi Soleil. Ce qui arriva aux Boche qui durent se résoudre, en 1668, à vendre le mas, à le démembrer ; la majeure partie du domaine fut achetée par un riche bourgeois Arlésien nommé Rey.

Un Rey établissait son patrimoine grâce à la servilité des nobles pour le Rey de France !

A Henri de Boche, aide de camp aux gendarmes écossais de la Maison du Roi, succédait un marchand d’Arles !
Les armes des de Boche représentaient trois voiles déployées avec comme devise : «  A maï reles, Maï fortunes  » — A plus de voile, plus de fortune.

Mais le temps des naufrages avait succédé à celui de la fortune !

En 1843, après une série de reventes, le mas devenait la propriété du Marquis d’ Alauzier qui sut mettre en valeur les lieux et plus particulièrement la chapelle devenue le symbole du mas.
C’est à cette époque que fut mise en place la porte cloutée de la chapelle, porte provenant de l’illustre demeure des Porcellets, une grande famille Arlatenco qui est intimement mêlée à l’histoire provençale.

Mais revenons à la chapelle : la façade est remarquable par une niche en pierre sculptée d’époque Renaissance.
Des pampres de vigne s’enroulent en délicats rinceaux autour des colonnettes à demi engagées dans la pierre, tandis que le cintre arrondi est du plus gracieux effet [2].

Aujourd’hui, les propriétaires actuels ont eu le bon goût de restaurer l’intérieur ouvert au public et ce n’est pas sans émotion que l’on pénètre en ce lieu saint où des générations de gens de mas sont venues prier autour de leur " pelot ".

Le mas de Rey, symbole de la pérennité des grands domaines camarguais, n’a rien à envier aux châteaux des grands crus du Bordelais.
Le palais et l’œil y trouvent leur compte et c’est bien normal lorsque l’on sait que les fins gourmets sont aussi des gens de goût et de culture ; et la vigne n’est-elle pas la plus noble des cultures !

P.S. - On lira avec intérêt dans le " Livre d’Or de la Camargue ", de nombreuses notices consacrées à l’historique des mas de Camargue. Ce qui fait de ce fort volume un document précieux pour ceux qui désirent connaître l’histoire de notre terroir camarguais !

Art manuélin :
Arts qui s’est développé au Portugal à la fin du XVè siècle et au début du XVIè qui associe à des structures gothiques traditionnelles aux sculptures ornementales d’inspiration romane, mauresque ou orientale, il mêle une structure gothique à une inspiration exotique presque baroque.
Cet art se traduit par une abondance de motifs décoratifs liés aux découvertes et à la marine portugaise :

  • coquillages, coraux, vagues, poissons, ancres, instruments de navigation et cordages se mêlent à la sphère armillaire et la Croix du Christ, symboles personnels du roi Manuel Ier du Portugal

[1Au début du XVIIème siècle, les DE BOCHE, puissante famille catalane, y cultivèrent les céréales et les vers à soie. Ils installèrent un système d’irrigation très novateur et reconstruirent la chapelle sur les fondations du Temple.

[2A noter que le même motif se retrouve à Batalha, au Portugal (art manuélin).