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Cette théorie est, aujourd’hui encore, la plus communément admise, en Camargue.
Certains auteurs font remonter l’origine de l’espèce chevaline en Camargue à l’introduction par les Romains de chevaux numides dans les provinces méridionales de la France. Cette assertion implique qu’il n’y ait pas eu de chevaux en Camargue avant cette invasion, ou bien que la race qui existait, disparut au profit des cavales numides.
Ces chevaux auraient été introduits en l’an 626 de Rome lors de l’installation de Flavius Flacus dans la région d’Arles et la race aurait été renforcée par l’établissement de la colonie Julia.

D’autres auteurs, et c’est la majorité, imaginent une origine plus récente :
Les Sarrazins qui occupèrent le midi de la France entre le huitième et le neuvième siècle auraient abandonné dans leur retraite un grand nombre de leurs montures ancêtres de la race actuelle.
Tous fondent leurs déductions sur la ressemblance, plus ou moins grande, qu’ils ont observée entre les chevaux orientaux et les chevaux à demi-sauvages de la Camargue.

Les contradictions qui permettent d’écarter définitivement cette théorie d’une origine orientale sont trop nombreuses pour mériter d’être toutes citées.
Signalons seulement que la présence des chevaux en Camargue semble être bien antérieure à la conquête romaine.
« Les Phéniciens » qui colonisèrent l’estuaire du Rhône trouvèrent ce cheval pâturant les maigres joncs qui croissent au bord des étangs. La tradition rapporte que Jules César, séduit pas les qualités merveilleuses de ces coursiers, fonda deux haras à Arles et à Rhodanisia ( Lyon) , où Quintus Tullius et Publius Sulpicius tentèrent d’effectuer des croisements avec des étalons des marais Pontins »
(Diffloth 1923)

En 399, Symnaque, préfet de Rome, écrit à un certain Bassus "de bien vouloir accorder à un convoi de chevaux une hospitalité de trois ou quatre mois dans les pâturages qu’il possède sur le territoire d’Arles, et il lui demande, en outre, de guider son fils, et les gens qui l’accompagnent dans les acquisitions supplémentaires qu’ils devront faire sur place.
Au bas empire la physionomie de la Camargue est celle d’une contrée d’élevage aux mains des clarissimes. Il n’y a pas de doute lorsqu’on lit cette lettre de Symmaque à Bassus qu’Arles n’ait été le centre d’un grand commerce de Chevaux »
« Annius Camars-Jérome Carcopino, mémoire de 1922 »

Si les séjours des Romains et plus tard le passage des Sarrazins sont indéniables dans le midi de la France on en possède pas moins aucune preuve que ces derniers aient abandonné des chevaux.
Cette idée paraît même inconcevable, quand on sait le rôle prépondérant de la cavalerie à cette époque, l’amour que portaient les musulmans à leurs montures.
Mais l’argument décisif, qui permet de réfuter cette théorie est fourni par la prétendue ressemblance du Camargue avec l’Arabe.
Elle ne semble pas fondée sur des faits bien rigoureusement observés, et s’expliquerait seulement par l’examen rapide de sujets issus de croisement récent avec l’étalon Arabe.

Rien n’autorise tant dans la conformation, les mensurations, les indices, que dans le caractère du cheval Camargue, à prétendre une parenté avec l’Arabe.
L’étude zootechnique signalera, au contraire, les nombreux critères qui dissocient d’une façon rédhibitoire ces deux races.
Les différences qui existent entre ces deux chevaux ne sont pas passées inaperçues aux yeux des auteurs de la théorie orientale. Ils les ont expliquées par l’influence du milieu . Mais en admettant que le cheval arabe domestiqué, transplanté dans le milieu hostile de la Camargue, en retrouvant une vie sauvage, ait subi la loi de réversion des métis, on imagine difficilement qu’il ait, en quelques siècles, perdu toutes les caractéristiques essentielles de sa race millénaire.

Quand on sait l’état de déchéance dans lequel se trouve un étalon étranger après un hiver passé dans les marais de Camargue, on incline à penser que les chevaux déjà très perfectionnés des cavaleries numides et sarrazines se seraient trouvés dans de très mauvaises conditions pour remplacer « une race à demi sauvage, très rustique, habituée à une nourriture grossière et à des disettes périodiques »

En 1886, J.Pader, un des premiers à s’opposer à cette théorie d’une origine orientale, écrit :
« Que plusieurs de ces chevaux aient été mis dans des manades pour y servir d’étalons et qu’ils s’y aient fait sentir momentanément l’influence de leur sang, sur les produits des haras, rien de plus probable. Mais les conditions d’existence restant les mêmes, la nature n’a pas tardé à reprendre ses droits et a imposer son cachet de la race du pays.  »

Il faut donc éliminer cette théorie et admettre une origine plus ancienne à la race Camargue