"L’écrin du souvenir est encore notre seule richesse" ; (Anatole FRANCE)

« Lou biòu es mort !"

Le temps, grand fabricant de gloire, se chargera de tresser l’auréole lumineuse que mérite ce très grand cocardier.
Ce cocardier qui dépassa tous les autres — les meilleurs — de la hauteur d’une cathédrale, ce taureau qui a été le rénovateur de la Course libre, qui en a été pendant quatorze ans le symbole vivant, l’animateur.
Très grand, très beau, comme un demi-dieu, pour nous « Le Sanglier » entre dans la légende... ».

C’est en ces termes que Tamarisso, revistero à « L’Eclair », apprenait, à ses lecteurs, la mort du « Sanglier », en octobre 1933.
Nous ne rappellerons pas ici la naissance du taureau ; ce serait faire injure aux aficionados qui connaissent tous, par coeur, l’histoire du premier taureau de la manade de Fernand.
L’on nous permettra d’évoquer le souvenir du propriétaire de la manade par son prénom, toute notre famille ayant vécu, d’une génération à l’autre, dans la très grande familiarité de Charles, Laurent, Anna Combet, depuis les parents d’Albin Soulier et de son fils Edmond qui était notre père.

Tous les qualificatifs ont été employés pour exprimer l’admiration que tout aficionado avait pour ce taureau exceptionnel, ce cocardier de grande classe.

Louis Fourmaud : « Non pas le taureau-Roi, mais le taureau-Dieu ».

Le Sanglier

Pour notre regretté directeur Louis Abric : « Il fut l’incarnation du taureau-Roi, renouvelé à travers les âges, de ce taureau de légende dont parle Folco de Baroncelli dans son remarquable poème : Lou Biòu ».

L’on pouvait encore noter :
« Un taureau magnifique : Le Sanglier ».
Dans un texte que nous avions sollicité du félibre D’Elly, il remarquait : « Il fallait après l’obscurité de ces 4 années d’horreur (les hostilités 14 - 18), une flamme, une étoile à l’afición méridionale ; cette étoile fut Le Sanglier. Talisman et bouclier. ».

Louis Martin-Favier, le regretté directeur du « Torero », certes, bien plus familiarisé avec la mise à mort — (il fut consulté, notamment, par Henri de Montherlant à la veille de la publication des « Bestiaires ») — n’en notait pas moins, le 19 novembre 1933 :
« Pour nous, nous le répétons, la Course libre a conquis, avec ce taureau, un grade qui l’a classée au même rang que les grandes corridas et qui permet aux raseteurs professionnels d’avoir un état-civil...
Et cela c’est tout pour la Course libre.
 ».

A une rapidité extraordinaire "Le Sanglier" alliait la continuité et l’obstination dans la poursuite de l’imprudent qui osait l’affronter. Toutes les tentatives pour le distraire, pour le détourner de l’objet de son courroux étaient vaines. Aussi, pour pouvoir avec succès, l’attaquer, encore était-il nécessaire d’être à la fois : diligent, agile, adroit et de faire preuve de sang-froid au moment où l’on envoyait le coup de crochet.

En somme, il fallait être un torero complet et, peut-être, est-ce pour cette raison, que Julien Rey fut surtout l’un de ceux qui n’hésitèrent jamais à le braver ; ainsi que Laplanche et, plus près de nous, Francis Valette.

Non seulement « Le Sanglier » était dangereux, mais il était impressionnant, beau et robuste ; il avait fière allure et sa majestueuse entrée aux Arènes ne faisait qu’ajouter à la curiosité et à l’admiration des spectateurs et, surtout, à l’effroi des vedettes taurines.