• Mai 1919 — Ce sont les débuts — Ça se passe à Aigues - Vives (pays que défend aujourd’hui, avec passion, notre éminente amie Madame Carretero).
    Ce jour-là le taureau est « moyen ».
    Sa corne est rognée par un choc avec des tonneaux. Le morceau de corne laissé par « Le Sanglier », sur les lieux du combat, est recueilli par un ardent aficionado : Charles Dejardin.
  • 30 octobre 1919, Lunel. — Cette fois, c’est fameux ! « Le Sanglier » est en bonne compagnie : Scorpion, Artilleur, Lansargois notamment.
    Fernand a assisté à la Course, contrairement à ses habitudes.

Nous oserons emprunter ici une comparaison à une discipline moderne du sport, en disant : de même que Georges Bayrou [1] ne voyait pas jouer les Dauphins, de même Fernand Granon s’abstenait de suivre ses cocardiers. Mais Fernand annonce à sa mère qu’un grand taureau est en train de se révéler.

  • L’année 1921 sera mémorable car il y aura la Course des cocardettes * du 20 novembre à Lunel.
    Ce 20 novembre, bien des raseteurs étaient engagés, mais l’on ne s’attendait pas à l’arrivée de quelques Marseillais notoires tels Massel et Michelet, qui venaient avec l’intention de faire perdre tout prestige au taureau.

Lorsque Boutefin l’eut décocardé, la pression des hommes aux cocardettes se fit sans merci.
Mais, en pure perte le taureau, tel un lion, ne refuse aucun raset malgré le déchaînement des Marseillais et ce fut l’ovation.

  • 1922 : Nîmes, grande affluence le 16 juillet.
  • 1923 : Quatre sorties dont trois à Lunel. Succès de l’Arlésien Benoit.
  • A partir de 1925, à la révélation du taureau s’ajoutera la révélation de « l’homme du Sanglier », le Beaucairois Julien Rey.
    Et, dès lors, l’on court de succès en triomphes. Des succès qui ne feront pas plaisir à tout le monde.
  • En 1927 l’on essayera de préparer un « mauvais coup »... du côté d’Arles.

Ecoutons ici Tamarisso [2] :
« L’année 1927 est marquée d’une pierre noire par les admirateurs et le propriétaire du biòu. C’est en 1927 qu’il y eut l’odieuse course d’Arles.
Ganon sachant combien il est peu aimé et jalousé en Provence, ne voulait pas fournir cette grande course. Il céda cependant.
J’ai écrit à l’époque que le taureau en Arles avait fait ce jour-là une très grande course. Il tint tête, et comment, à trente hommes qui n’y allaient pas pour rire. Il ne fit qu’une petite faute d’une ou deux minutes quand il quitta sa place pour le milieu du Rond où il tourna comme une toupie. Mais, ce fut bref et « Le Sanglier », en très bon cocardier, se ressaisit et revint vers les planches où il se garda.
Pas trop cependant puisqu’il vint sur tous les rasets de Rey, le seul qui, ce jour - là, ait travaillé sérieusement !
Raoul Fabre et moi-même fûmes pris à partie.
Résultat positif : depuis ce jour-là le manadier Granon n’a plus fourni une seule course aux directeurs Arlésiens
 ».

Si nous avons voulu être authentiques dans ce que nous rapportons ci-dessus (Gide disait qu’il fallait préférer l’authenticité au conformisme) ... laissons là, cependant, les « mauvaises choses » et citons plutôt la journée du 22 mai 1921 à Vauvert où Laplanche qui, lui aussi, avait été un « homme du Sanglier », cita plusieurs fois le Cocardier de face, fit quelques rasets et après l’avoir décocardé, plaça au « Sanglier » un magnifique Garrot.

Et Tamarisso, de noter : « Ce fut le chant du cygne de ce raseteur entre tous sympathique » [3]

Il faudrait des pages et des pages pour dérouler tant de péripéties.
Nos clubs taurins vont célébrer avec éclat le cinquantième anniversaire de la disparition du Sanglier ».
Le Cailar est le foyer de la devise Verte et Rouge. La maison aux volets verts [4] est celle de notre idéal. Notre club taurin est le club taurin « Le Sanglié » auquel nous avons l’honneur d’appartenir.

Alex Guiraud, l’animateur du club taurin « Le Sanglier » a l’art d’organiser des festivités, aidé d’une équipe dynamique.
Nous lui prédisons un nouveau succès auquel nous voulons contribuer.

Si « Le Sanglier » est le taureau de Camargue, il est aussi, pour nous, le taureau des Vidourlais. Bien des Vidourlais ont concouru à sa gloire : d’abord son propriétaire authentique fils du Cailar et, ajouterai-je, notre amie Madame Carretero aussi « d’Aigues-Vives », ce qui est incontestable.

Les gardians qui ont veillé jalousement sur « Le Sanglier » étaient Vidourlais : Gallou (Aigalent), Etienne Nourrit, Octave Granier (Trente-neuf), Thiers.

Etaient Vidourlais : le vétérinaire Franck Vedel, d’Aigues-Vives ; Francis Valette, qui rivalisait avec Julien Rey ; Francis, un bon camarade de toujours, un authentique St - Laurentais, toujours aussi jeune au moment même où nous le mentionnons ; les impresarii Lunellois de la grande époque du taureau : Albert Ducros, de Marsillargues, Ernest Pignan, de Calvisson : et tant d’au-
tres : Emile Tourreau, d’AiguesVives ; Gabriel Brun, d’Aimargues ; Paul Pattus, maire d’Aigues-Vives ; Jonquet, de Marsillargues ; Guivaudon, les Matte, de Lansargues et de Baillargues, ainsi que le mainteneur de la manade : le glorieux Jean Lafont.

« Le Sanglier » était, certes, à tout le monde et, d’abord, à nous Vidourlais.
Préparons - nous à honorer, comme il se doit, son souvenir... parce qu’il appartient à « notre patrimoine spirituel » et que la gloire de ce taureau fait partie de notre fierté.

[1né le 21 décembre 1883 à Sète et mort le 5 décembre 1953, joueur de football français - ailier - devenu l’un de ses principaux dirigeants de la première moitié du xxe siècle.

[2Tamarisso (Marcel Salem) « Le Sanglier, Taureau de Camargue », Toulouse — « Les « Edition du Toril » 1933 — 38, rue Roquelaine.

[3Tamarisso (Marcel Salem) « Le Sanglier, Taureau de Camargue », Toulouse — « Les « Edition du Toril » 1933 — 38, rue Roquelaine.

[4[ André Chabaud , secrétaire de mairie du Cailar, descendant d’authentiques gardians, habite « La Maison aux volets verts » où sa mère a soigné, avec foi et dévouement, Fernand Granon à ses derniers moments. André Chabaud entretient d’autant mieux «  la flamme du souvenir » qu’il est un aficionado d’une compétence indiscutable.