"Ce mardi 27 février 2018, la Camargue pleure Pierre Aubanel, figure emblématique, dernier chevalier d’une famille qui a voué sa vie pour défendre nos traditions.
Oui, Pierrot était un chevalier du XXIème siècle dans toute l’acception du terme : homme de cheval avec du courage à revendre, téméraire, généreux, élégant, courtois.

En cette très froide journée d’hiver, ses amis, ses gardians, tout le peuple « afeciouna » l’a accompagné à sa dernière demeure. A Barjac, dès 10h, les taureaux « acampés » dans le clos de tri attendaient « leur pelot ». Sur une musique de Vivaldi, le cercueil porté sur les épaules passa devant le troupeau ébahi, accompagné par les gardians qui faisaient une haie d’honneur. Il fut déposé près du « bouaou », face au troupeau.
Moment simple, recueilli et grandiose à la fois.

Béranger, soutenu par Réginald, prit la parole soulignant le caractère « battant », pourfendeur, de ce père qui leur disait toujours « Avant ! » .

Michel Gontard, cavalier amateur de la première heure, adressa un hommage soutenu à son ami de plus de 50 ans ; un autre ami, cavalier amateur aussi, malgré son âge avancé, Robert Bourguet de Saint Géniès de Malgloires, assis sur un fauteuil, dit toute sa reconnaissance et un grand merci à celui qui lui avait permis de partager cette vie gardiane et d’en connaître les émotions.
Gérard Doustaly, le célèbre « Pissou  », rendit hommage à Pierrot, en rappelant des souvenirs et déclamant « La preguiero dòu gardo bestio » de d’Arbaud.
Monsieur le maire de Saint-Gilles, M.Valadier dit tout le bien qu’il pensait de ce manadier local, homme plein de volonté, d’abnégation, de gentillesse et de courtoisie.
Patrick Gontard, avocat au barreau d’Avignon, cavalier chez Pierrot pendant de nombreuses années, s’adressa directement à celui qui avait choisi de continuer « le mestié de glori », métier difficile, qui demande beaucoup d’endurance et d’obstination.

Le convoi prit ensuite la direction des Saintes Maries de la mer. Il traversa cette Camargue battue par le vent, sous un ciel limpide, mais dans un froid sibérien. Les roseaux dans les étangs gelés, saluaient au passage.

Au mas du Simbéu, les cavaliers, les arlésiennes dans leur costume de deuil, les amis, se rassemblèrent autour du tombeau du Marquis, tombeau sur lequel fut déposé le cercueil du défunt.
Image émouvante, forte par sa symbolique…

Béranger prit la parole : « Voilà papa, tu voulais revenir aux Saintes, tu y es ! ». Là, il évoqua le nom que lui avaient attribué les indiens « Zit’kala ouitika », c’est-à-dire « l’oiseau qui fait de l’avant » .
Rémi de Montgolfier, cousin de la famille rappela des souvenirs partagés et termina par quelques vers – en français - du poème de Baroncelli « Lou biòu ». Michel Gontard reprit la parole.

Entouré par les cavaliers sur leur monture, le convoi mortuaire se dirigea vers le village où une foule de gens l’attendait.
Devant les arènes, le cortège se forma pour regagner l’église.
Derrière la voiture mortuaire, marchait le cheval de Pierrot, la selle drapée de noir, de chaque côté, ses fils tenant leur monture en dextre, la famille avec les quatre petits-enfants : Charlotte, Pauline, Maxime et Théo, tous en tenue gardiane, de part et d’autre les gardians à pied, « fer en bas » avançaient lentement.

Sur le parvis de l’église, le Père Jean-Rémi, curé de la paroisse, le Père Xavier de Roux, ami de la famille, le Père Michel Desplanches, vicaire général d’Aix et majoral du félibrige, accueillirent le défunt. La messe fut concélébrée.

Le cercueil drapé du drapeau français, rappelait que Pierrot avait été soldat en Algérie.
L’église s’est révélée trop petite pour contenir toute la foule ; c’est dehors et debout, en essayant de se protéger du vent glacial, que de nombreuses personnes ont « suivi » la cérémonie.
Le père Desplanches dans ses paroles rappela qu’en ce jour, Pierrot allait retrouver sa maman Riquette Aubanel, son père Henri et sa sœur Galou (de son vrai nom Laurencie). Tantôt la chorale, tantôt les tambourinaires intervinrent. L’homélie fut donnée par le Père de Roux – ami de la famille -qui, en soulignant l’espérance que nous devions avoir , nous, chrétiens, parla des qualités du cavalier qu’était Pierrot et le souvenir du cheval Camérone qu’il lui avait donné.
Toute l’assemblée chanta « le pater » de Mistral.

Avant la fin de la messe, Guy Chaptal pour la Nacioun Gardiano intervint, suivi par Jean Lafon pour les manadiers d’abrivado, M. le maire Roland Chassaing, Claude Chaballier pour M. Marcel Raynaud.
Fils et petits-enfants se levèrent pour un dernier hommage.
Le Père Desplanches entonna le cantique aux Saintes : « Voyez ô Saintes Maries, nos pauvres âmes qui prient, nous tous enfants du terroir, en vous nous avons espoir ».
Avant la bénédiction finale, « l’Avé Maria » fut chanté par Régine Pascal.

A la sortie de l’église, le cortège se reforma pour se rendre au cimetière. Le soleil déclinait, le vent n’avait pas cessé, le froid était mordant.
Le jeune Florent Lupi, petit-fils du manadier Chapelle adressa un message d’amitié à Pierrot.
Patrick Gontard s’adressa une dernière fois à lui : « Le jeudi 22 février, tu rejoignais le Bon Dieu et il a dû te dire (comme le renard au Petit Prince qui voulait qu’il lui dessine une fleur), dessine-moi un taureau !
Aujourd’hui, 4 jours après, c’est une manade que tu as dû Lui dessiner ! »

Les prêtres récitèrent une dernière prière et le voyage de Pierrot se terminait là, comme il l’avait souhaité, dans cette terre « santenco », si chère à son cœur.
« Adéussias Pierrot e gramaci, la Camargo noun t’oublidara ! » "