Déjà, en 1461, ce lieu était désigné sous le vocable : "Salinœ de Peccaysio" (salin de Peccatius), c’est tout dire !
Une chapelle, aujourd’hui disparue, y avait été édifiée et était desservie par un père Capucin d’Aigues-Mortes !
Probablement construit sur un édifice plus ancien datant du XIVème siècle, le fort actuel dont il ne reste que des ruines, est commandé vers 1560 par le duc de Montmorency, connétable de France et construit dès 1568. Dans une région soumise, dès 1560 aux troubles religieux, il assurait un contrôle sur les salines voisines et les canaux servant au transport du sel (et aussi sur la gabelle, taxe du sel pour le roi) où sévissait une contrebande effrénée.
Les Salines de Peccais fournissaient à l’Etat le septième de l’impôt sur le sel qui était, on le sait, une des grandes ressources de l’ancien régime. Les contrebandiers étaient condamnés aux galères et parfois même, lorsqu’ils étaient pris les armes à la main, à la peine de mort !
En 1598, le fort fut au nombre des places de sûreté laissées aux protestants avec un effectif de dix-huit hommes. L’un des gouverneurs protestant fut en 1627, Jacques Gautier, Amiral du Levant, et qui mourut lors du siège de l’Ile de Ré.
Plus tard, Charles de Saint-Simon, l’oncle du célèbre mémorialiste, fut à son tour responsable du fort et il y resta de 1634 à1644.
En 1636, le Roi avait ordonné la levée d’un impôt sur les contribuables du Languedoc pour un montant de 36 000 livres et qui devait être utilisé pour les réparations nécessaires au fort. Malgré l’opposition des Etats du Languedoc, on fit au XVIIIème siècle d’importants travaux, mais en 1775 la garnison était composée d’invalides, et au dix neuvième siècle l’ouvrage fut déclassé !
Plusieurs fois réaménagé, notamment dès le XVIIIème siècle, il servit de prison lors de la guerre de 14-18 et de défense allemande contre un débarquement allié en 39-45.
Aujourd’hui, il est complètement à l’abandon.
Son plan était un quadrilatère flanqué aux quatre angles d’un bastion. Un large fossé complétait la défense et il était doublé d’un contre-fossé.
Ses dimensions étaient respectables (plus de cents mètres entre les pointes de deux bastions). Il fut certainement construit sur pilotis, les pierres furent amenées de fort loin par barges. Il se peut que les carrières de Beaucaire aient fourni la matière première.
..."L’entrée se situait au Sud, où un pont de bois franchissant le fossé conduisait au tambour défensif de la porte, dispositif augmenté, entre 1716 et 1776, d’un redent et d’une « communication crénelée ». La porte présentait au rez-de-chaussée un encadrement appareillé en harpe et deux pilastres soutenant un fronton à l’étage. Les trois bastions subsistants sont reliés par des courtines conservées sur les fronts Nord et Est, en partie au Sud. Un cordon de magistrale couronnait le mur taluté des bastions et courtines, dont les différences d’appareillage témoignent de divers remaniements. Une coursière, déjà comblée lors de la visite de l’ingénieur militaire Mareschal en 1775, reliait le sous-sol de la tour Sud-ouest aux chambres de tir du bastion Nord-ouest, où sont encore visibles les embrasures de tir.
Les bâtiments agrandis et remaniés après 1716 comprenaient les logements du Gouverneur, du Lieutenant du Roi, du Major et le casernement, soit trois corps de bâtiment de deux étages disposés en U ouvert vers le Nord, autour de la cour centrale, et dont il ne reste que les vestiges de quelques murs. Des annexes (chapelles, citernes, glacières et magasins) complétaient cet ensemble. Seules les deux citernes, de plan trapézoïdal, ont été conservées"...
A l’intérieur du quadrilatère s’élevaient des bâtiments autour d’une cour centrale, des hangars, magasins, le logement de l’officier commandant la place des casernes. Tout cela servi de carrière au siècle dernier pour les habitants des environs et rien ne subsiste de cet aménagement intérieur.
Actuellement on peut voir à la pointe d’un bastion, un cul de lampe mouluré servant à supporter une échauguette. Proue d’un navire de pierres à jamais engluée dans le marais.
Ce qui reste de Peccais mérite d’être conservé et mis en valeur car il y a là le témoignage d’une architecture militaire qui, Sylvéréal ayant disparu, est unique dans notre Camargue.
Peccais, un de ces lieux qui ont participé à notre histoire régionale, vaut bien une visite.


Voici ce qu’en dit le Ministère de la Culture* :

Historique :

  • Fort construit sous Louis XIII pour assurer le monopole royal sur le sel alors que la ville d’Aigues-Mortes est placée de sûreté protestante.
  • 1838 : autorisation à Maxime Baragnon et Cie (Cie des salins de Peccais), pour une fabrique de soude ; arrêt probable lors de la mise en activité de la soudière de l’usine Pechiney à Salindres vers 1858.
  • 1942 : casemates dans 3 des bastions du fort et plusieurs blockhaus autour près du canal, actuellement à l’état de ruines.
  • un bâtiment assez important construit contre le flan sud-est a été détruit il y a quelques années
  • Description : 2 fours industriels à soude dans l’ extrémité du bastion sud, cuves trapézoïdales en béton à gros graviers enduites de tuileau avec coupole un peu irrégulière en pierres de taille calcaires probablement récupérées du fort ; casemates en béton rajoutées dans les autres bastions.

L’accès actuel se fait à partir du centre ville d’Aigues-Mortes en direction du sud-est.
Pas de parking prévu mais possibilité de se garer près du fort, à droite après le pont (visite seulement) ou à la première barrière après le Mas du Bosquet.