Dans le petit monde de la course libre on connaît bien les manadiers et les taureaux de leurs élevages. On admire et on estime ceux-là, on apprécie la valeur de ceux-ci. Mais on ignore bien souvent, tout de celui qui est le moteur de tout ce petit monde : LE GARDIAN.
Dans son mas, au milieu des marais, il veille à la bonne marche de la manade. Quel que soit le temps il est là, pour soigner, trier, marquer, bistourner, arriber les taureaux.
Il plante des piquets, tire des barbelés pour faire les clôtures.

René BARBU, gardian de Camargue

En hiver, il casse la glace des roubines, afin que le bétail puisse boire. Inlassablement, il fait son métier obscur mais nécessaire, et si par hasard un taureau remporte un prix, il nous est alors donné de le voir furtivement en piste, recevoir un bouquet et une modeste récompense.
C’est lui qui bien souvent (pas toujours) conseille le manadier sur les sélections à faire, ou sur le choix des éléments qui composeront une course.
C’est encore lui qui encocarde les taureaux avant leur entrée dans l’arène, et qui le moment venu, de l’intérieur du toril les poussera en piste. Là, le coeur serré, anxieux, il suivra le déroulement du combat, souhaitant ardemment que le taureau, son taureau sorte grandi de cette confrontation, avec les honneurs qui lui sont dus.
Car il les connaît bien ses bêtes, leurs qualités, leurs défauts, il les a vues naître et grandir et il est très malheureux lorsqu’une d’elles le déçoit. Par contre, il rayonne de joie et abonde d’éloquence si le soir raccompagnant sa course à la manade, il emporte avec lui le bouquet et la coupe qui ont sacré l’un d’eux.

Vous qui voulez connaître la vie des manades de taureaux, c’est à lui qu’il faut s’adresser. ll vous en racontera des histoires qu’il a vécues dans la solitude des marais parmi la faune et la flore camarguaises. Sa vie est un film passionnant, mais ne vous y trompez pas, c’est une vie très dure où tous les jours ne sont pas roses. Ses longues journées en selle n’ont rien d’une promenade à cheval. Bien souvent il doit chevaucher, sous la pluie, le froid, dans l’eau bourbeuse des marais en évitant les pièges qu’ils recèlent, ou encore sous un soleil torride et ce 365 jours par an.
Avec sa petite famille, il est parfois isolé du monde avec pour seuls voisins : ses taureaux.
L’immensité des paluns est son royaume.
Mais me direz-vous : c’est son métier. Oui, un métier que beaucoup envient mais que très peu voudraient ou pourraient faire. II faut être né dans ce métier, on ne s’improvise pas gardian du jour au lendemain, car si le métier apporte d’immenses joies, il apporte aussi du tourment et de la peine.
Aussi, quand juchés sur les gradins d’une arène, nous vibrons aux exploits d’un grand cocardier, nous nous devons d’avoir une pensée pour celui qui tout au long de sa vie, l’a aidé à devenir cette grande vedette.
Ce modeste hommage devait être rendu à l’homme vaillant et courageux que l’on nomme tout simplement : LE GARDIAN.