A ses pieds, une charrue et une gerbe de blé.

Il est généralement admis qu’il a été haut perché pour cacher le caractère bœuf agricole du monument...

1937 ou l’année du don du taureau par Paris. par Joël Bartolotti

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En mai 1937, Nîmes connut une semaine de festivités qu’elle devait à la capitale.
La ville de Paris lui expédia en effet la statue en bronze d’un taureau provenant du château d’eau du Trocadéro ancienne formule.
Un don nécessitant des formalités administratives et juridiques jugées excessives, il s’agissait d’un « prêt » ou d’une « mise en dépôt » que l’on qualifia de « largesse révocable », malgré l’adage du droit ancien suivant lequel « donner et retenir ne vaut  » [1].

En fait, ce taureau n’était qu’un… bœuf, foulant aux pieds une charrue, dont l’allure conquérante faisait peu de cas de la disgrâce sexuelle qui lui avait été infligée.
La municipalité de la ville des Antonins choisit de placer la statue taurine au point de rencontre des boulevards Sergent Triaire et Jean Jaurès où elle se trouve toujours et qui, depuis, se nomme «  Carrefour du taureau  ».

Le maire de l’époque chargea l’architecte nîmois Blanc, de réaliser le support. Aficionado averti, il choisit de percher haut l’animal pour dissimuler le plus possible la charrue.
Ce faisant, il ne faisait que mettre plus en évidence la disgrâce, mais chez nous combien de taureaux de course à la cocarde les plus célèbres ont été bistournés (castrés à la mode camarguaise).

Les fêtes de l’inauguration se déroulèrent du 8 au 16 mai 1937.

Elles comportèrent une exposition à la Galerie Jules Salles, une journée de bouvine, des concerts, une soirée littéraire, les représentations de Britannicus et Œdipe Roi, la réception du président du Conseil de Paris Raymond Laurent, l’inauguration du monument par Hubert Rouget, maire de Nîmes, une Cour d’amour et enfin, bien sûr, une grande corrida le 16 avec au cartel : six Antonio Perez (assez braves en 22 piques) pour Marcial Lalanda facile, Domingo Ortega excellent de la main gauche (trois oreilles et une queue) et Victoriano de la Serna aux détails de génie mais déficient à l’épée.

Dans son ouvrage Nîmes sans visa, Christian Liger rapporte quelques moments croustillants à propos de ce « taureau ».

La statue en question avait donc été abandonnée dans les jardins du Trocadéro à Paris. Le maire de Nîmes, Hubert Rouget, l’avait remarquée et avait exposé sa convoitise pour l’œuvre.

Lorsque la décision fut prise de l’Exposition Universelle de 1937 sur le site du Trocadéro et que l’on décida d’y bâtir le Palais de Chaillot, le maire de Nîmes tenta sa chance.
Il se heurta d’abord à un refus du conseil municipal de la capitale. Mais en 1936 avec le changement de conseil municipal et l’arrivée à sa tête d’un Nîmois d’origine Raymond Laurent, l’affaire se présenta mieux et le maire de Nîmes sous prétexte d’une visite protocolaire au nouveau pouvoir parisien, réitéra sa demande qui cette fois obtint un plein succès.

Et le taureau fut offert à Nîmes par Paris.

L’arrivée du « fauve de bronze » dans la capitale du Gard provoqua un vif émoi.
On prétendit (à juste titre) que ce taureau n’en n’était pas un : ni de Camargue, ni d’Espagne : un taureau du Nord, un taureau de ferme.

On scruta ses flancs et on découvrit que c’était un bœuf.
Mais d’autres, enthousiastes, répondirent qu’il s’agissait de la quintessence du taureau, une sorte de réconciliation, si besoin était, entre la corrida et la course dite libre (à la cocarde).

On répéta même son entrée en ville pour donner à l’événement tout le faste nécessaire, avec une maquette grandeur nature en carton pâte que l’on promena sur les boulevards.

L’inauguration en grandes pompes (sic ! NdR) eut lieu avec une garde d’honneur des gardians qui devaient s’y connaître en matière de… bistournage !

[1Ou comme disent nos gamins : "Donné c’est donné, reprendre c’est voler !"