85/ Autres motifs de plainte et leur réfutation.
Les allégations ci-dessus n’ont pas été les seules.
On a cru les cotes compromises, en les déposant aux mains d’un percepteur unique.

Il n’est pas difficile de sentir que , moins l’adjudicataire d’une perception aura de recouvrements à faire, moins il fera de rabais et partant moins d’économie en résultera pour les associations.
D’une autre part , l’on conçoit sans peine que ces mêmes décrets mettent ces travaux du bassin du Rhône, sous l’inspection immédiate de ceux qui sont chargés de la navigation intérieure. L’on voit, pour les propriétaires dans cette mesure, une garantie de la durée de leurs ouvrages et pour le gouvernement celle de la liberté de la navigation qui, soit par l’élargissement du fleuve, soit par sa déviation, peut être à chaque instant compromise.

L’ordonnance du roi en date du 30 octobre 1816, sur les travaux de la Durance, qui sont sans contredit bien moins important que ceux du Rhône, prouve qu’on est loin encore de regarder cette inspection comme illusoire.

86/ Importance du règlement qu’on attaque.
Pour plus de conviction à cet égard, que l’on examine, abstraction faite de la navigation, quels sont les intérêts des riverains séparés par le cours du Rhône.
Il est manifeste que non seulement ils n’ont rien de commun , mais encore qu’ils sont totalement opposés.

Les ouvrages de défense faits sur une rive, sont presque toujours offensifs pour la rive contraire. Ils tendent d’autant plus vers ce but que les propriétaires qui les exécutent ont plus de latitude pour rejeter loin d’eux la force du courant.
Des épis cachés, sous les eaux, des enrochements, des plantations furtives sont employés illégalement et, parce que leur effet, n’est pas instantané, ils concourent impunément à préparer des ravages que les lois existantes mais oubliées ont voulu prévenir l’intérêt public et particulier peuvent-ils s’accommoder d’un tel ordre des choses ?

Je ne parcourais pas tous les articles inclus aux décrets précités. Ils forment un recueil assez connu où l’on peut voir, sans peine, qui l’enchaînement qui les lie est moins vicieux que sage.
J’ai cru devoir m’arrêter seulement sur ceux qui ont paru le plus exciter la plainte.
Mais, de même que de grands avantages sont attachés à leur observation, de même toute négligence dans leur exécution, peut traîner avec elle les inconvénients les plus graves.

87/ Comment se font aujourd’hui les réparations des chaussées.
La commission centrale envoie à l’approbation du préfet, les travaux proposés par les associations particulières.
Malheureusement elle n’examine jamais aucun projet, persuadée que les associations en votant un impôt sur leurs propres deniers, ont avisé d’avance aux moyens de les employer le plus utilement possible.

D’une autre part , les syndics de ces corporations, insouciants pour la plupart ou occupés de leurs affaires domestiques, se reposent de l’emploi des cotes sur ceux d’entre eux qui plus intrigants ou plus oisifs semblent pouvoir tout faire (1).
De là, quels abus ne doivent pas naître ?

Un syndic probe d’ailleurs, n’a pas toujours des idées saines, des idées même élémentaires sur le régime du Rhône, mais il s’en rapporte au bayle, c’est à dire au chef ouvrier de l’association.
Ainsi les récoltes des particuliers, la navigation dans le lit du fleuve, dépendent de l’intelligence ou de l’ineptie d’un ouvrier subalterne qui, souvent illettré ne voit et ne pense que suivant l’impulsion calculée qu’on lui donne, ainsi l’on exigera que des hommes une capacité authentique soient seuls admis à plaider les intérêts particuliers, même les moins important et lorsqu’il s’agira d’ouvrages qui peuvent compromettre le bien public, les fortunes privées, et jusque à la vie des individus, on les confiera, sans choix, aux premières caprices du caprice.

Des chaussées mal assises, mal construites, ou mal défendues, sont constamment le résultat de cette infraction aux règlement existants.

88/ Vices principaux des chaussées
Ces chaussées sont généralement trop faibles en épaisseur, les terres, pour leur formation, sont prises trop près de leur pied, dans les Ségonnaux, ce qui procure à l’eau une chute dont les affouillements sont l’effet inévitable.

Les plantations contre et sur les chaussées mêmes sont multipliées et très nuisible ? On conçoit sans peine, que les racines des arbres peuvent traverser le corps des ouvrages, donner lieu à des filtrations et par suite à des ruptures. Ces accidents sont préparés d’ailleurs par les terres remuées qu’on emploie, presque toujours, sans tassement préalable.

Les systèmes de défense, par enrochement au pied des digues est excellent, mais il est suivi sans intelligence. Les trop petits blocs qu’on y emploie, culbuté a chaque crue, exigent des rechargements couteux et laissent la chaussée nue, au moment du péril.
Les fascinages étant faits au hasard sur le sable, sans liaison des matériaux, sont affouillés et n’offrent qu’un obstacle éphémère à la rapidité du courant , dans certaines parties, dans d’autres parties, les chaussées sont trop près d’un bord coupé à pic et profond, à la moindre corrosion de la berge, elles s’éboulent par leurs poids.

La police n’en est pas toujours régulière ?
J’ai vu, pendant et après la crue du mois d’Aout dernier, un large trou, pratiqué dans l’épaisseur de l’une d’elle, resté quinze jours ouvert

89/ Accidents produits pas ces vices.
Avec un pareil système, on ne doit pas s’étonner de la ruine récente de la chaussée de Boisviel qui a falli livrer un passage au fleuve à travers la plaine où se trouve le troisième partie de canal d’Arles.(6 )
Il ne faut pas non plus attribuer à d’autres causes les deux brèches qui se sont manifestées dans les premiers jours du mois d’août 1816, l’une sur le grand Rhône l’une sur le grand Rhône à l’Atilon, l’autre sur le petit Rhône au mas de l’Abadier. (2)

90/ Brèche de la chaussée de Labadier.
Cette dernière, sur laquelle on m’a fait l’honneur de me consulter, fera l’objet d’une petite digression relative à l’administration des chaussées et qui ne sera peut être pas déplacée ici.

La chaussée de Labadier est, dans un rentrant de la rive droite du petit Rhône, sur 550 mètres de longueur, exposée au courant rapide du fleuve, au vent Mistral qui y précipite quelques fois les flots avec fureur.
Sa position, et la nature sablonneuse du sol y ont causé plusieurs fois des avaries. Cette destruction réitérée et l’inspection des lieux, annoncent que les eaux ont une tendance à se porter sur la droite pour couper le domaine de Labadier et les propriétés inférieures. Par ce moyen, on économise plus de la moitié de la somme portée dans mon estimation, mais on ne préviens aucun des inconvénients que fait appréhender la déviation ou tout au moins l’élargissement du fleuve, car en livrant à sa corrosion un terrain sablonneux déjà attaqué, on pourra voir les eaux pénétrer jusqu’à la nouvelle chaussée en sable, et celle çi ne pourra pas en état de leur résister, dans une forte crue poussée par un vent violent .

Cependant, le membre de l’association obtient de ses collègues l’adoption du projet qu’il a fait rédiger, l’économie qu’il en résulte dispense d’un examen sur l’état futur des choses.

Pour écarter même cet examen, on provoque une délibération futile sur des sommes dues et contestées. Les copropriétaires de Labadier s’aperçoivent seul qu’ils sont lésés , leurs réclamation trop tardives éprouvent des difficultés à être entendues, le membre de l’association triomphe. Ce triomphe vient-il de la certitude qu’il a d’avoir paré au danger, ou bien, de ce qu’étant riverain du fleuve , et le plus a portée de jouir du lit abandonné, il espère que les limites de sa propriété seront un jour plus étendues ? Je suis loin de m’arrêter a cette dernière idée.
C’est à des personnes plus exercées a connaitre les hommes qu’il appartient de prononcer sur une matière aussi délicate(9) sont pas les seules qui existent dans la Camargue.
On voit, au sud-est et au sud-ouest de l’isle, des lévadons ou petites chaussées qui, sur une étendue considérable, préserver les terrains bas des inondations des étangs et de la mer , quand celle-ci s’enfle par les grands vents du sud.
On trouve encore de ces lévadons, sur les bords d’une foule de marais, pour en contenir les eaux et pour empêcher que les vagues, en hiver,ne soient jetées sur les pâturages, ou sur les terres labourées du voisinage. Ces faibles digues n’offrent rien de bien essentiel, mais on peut leur appliquer, à peut près, tout ce qui concerne les ouvrages établis sur les rives du fleuve.(3)

91/ Dépense approximative de l’entretien annuel des chaussées du Rhône à la Camargue
Je reviens au système général des chaussées. Leur entretiens et d’autant plus dispendieux qu’il se fait plus mal. Comme le bayle sur qui tout repose en définitive est à la nomination des syndics, qui peuvent le renvoyer à volonté, il s’en suit qu’il veut se les attacher., par une conséquence nécessaire, il néglige les réparations essentielles pour en faire de moins importantes, si elle sont plus utile aux syndics.
Dès lors, un mal qu’une pelletée de terre aurait arrêté d’abord, fait des progrès, et peut devenir incurable. Pour remédier a cette désorganisation que des intérêts illégitimes tendent à maintenir, il suffirait de faire revivre les règlements existants , d’en bien faire constater les vices, de les réformer à mesure, et de ne laisser rien changer trop légèrement . Si ce moyen, ou tout autre plus efficace, n’est employé pour prévenir les abus de l’ignorance et de la servilité des bayles, il est a craindre qu’on jette encore sans fruit bien de l’or au Rhône
L’entretien des chaussées sur chaque branche du fleuve dans la Camargue, coûte moyennement, par année, deux francs par mètre de longueur sur la moitié de leur développement, et un franc seulement sur sur l’autre moitié. Il en résulte que la réparation annuelle de ces chaussées, occasionne une dépense de 1,50 franc pour chaque mètre courant, pris au hasard, ou de 148 029,00 francs pour les 9866 mètres courant quelles occupent.

92/ Autres chaussées et lévadons
Les chaussées sur le bord du Rhône, ne sont pas les seules qui existent dans la Camargue. On voit au sud-est et au sud-ouest de l’ile, des lévadons ou petites chaussées qui, sur une étendue considérable , préservent les terrains bas des inondations des étangs et de la mer, quand celle-ci s’enfle par des grands vents. On trouve encore de ces lévadons, sur le bord d’une foule de marais, pour en contenir leurs eaux, et pour empêcher que les vagues en hiver, ne soient jetées sur les pâturages, ou sur les terres labourées du voisinage.
Ces faibles digues offrent rien de bien essentiel, mais on peut leur appliquer, à peu près, tout ce qui concerne les ouvrages établis sur les rives du fleuve.