224/ Vie sauvage
On conçoit à peine jusqu’où l’économie mal entendue des propriétaires peut laisser pousser ces privations. Elle abandonne sans pitiés les chevaux dans les marais, et les oblige d’y chercher leur unique nourriture, quelle que soit la saison et le temps. l’hiver vainement ils effeuilles les plantes et suspend l’activité de la végétation, les chevaux n’en sont pas moins obligés de se suffire à eux mêmes. Aussi, depuis le commencement de janvier jusqu’à la fin de mars, ils luttent sans cesse contre la mort. On en a vu même qui, d’une dent affamée, fouillent l’herbe jusques sous le sol, avalaient avec la racine, la terre adhérente, et perdaient la vie atteints du Lourdige ou vertige abdominal, d’autres qui succombaient absolument de besoin et de misère. Un peu de paille et un abri contre le froid les eussent conservés pour de nouveaux services
Dans cette saison rigoureuse, les juments sont pleines pour la plupart et ont de plus à leur suite un poulain à nourrir, le fœtus, le poulain et la mère , souffrent alors à la fois et, s’ils ne périssent pas tous, le premier d’ordinaire vient au jour par un avortement.
Aussitôt toute fois que le printemps réchauffe la terre, et que les marais voient reverdir leurs Roussette, ceux des chevaux qui ont résisté à la faim et à la froidure, trouvent tout à. coup des fourrages généreux et abondant. Ils réparent en peu de temps toutes les pertes, l’embonpoint qu’ils prennent pendant trois mois, affine leur poils, arrondit leurs formes, les rend vraiment méconnaissables. Mais, cet état n’est pas de longue durée, il est bientôt altéré par des chaleurs brûlantes de l’été, par les fatigues auxquelles les chevaux sont alors assujettis, par le tournant qu’ils éprouvent de la piqûre des insectes, enfin par la diminution sensible des pâturages, dont le soleil assèche une partie. Ce qui reste de fourrage suffit néanmoins pour faire vivre les manades ou haras, sans trop de peine, jusqu’au mois de janvier.

225/ Développement du corps
Dès ce temps, comme je l’ai dit, arrivent l’extrême maigreur et des souffrance cruelles. Ces souffrances dans le cheval fœtus encore, et celles qu’il éprouve étant poulain, rendent son développement lent et incomplet. Ce n’ ‘est qu’à l’âge de cinq à six ans que les chevaux de la Camargue peuvent servir avec avantage, tandis qu’ils commenceraient à être utiles à l’âge de trois ou quatre ans, si la dure nécessite, ne contrariaient pas chez eux la nature.

226/ Longévité
Ce qui étonne, c’est que leur durée, puisse s’étendre jusqu’à 25 ans et au-delà. La liberté plaine et entière dont ils jouissent dans les champs, semble être la cause de cette longévité, en ce quelle les exempte de la foule des maux que l’état domestique fait naître.

227/ Maladies
A l’exception de la gourme qui n’est pas dangereuse, et du néquiliment ou maladie vermineuses, les chevaux de la Camargue ne sont exposés qu’à quelques maladies accidentelles. Telles sont le vertige abdominal déjà cité, et les maladies charbonneuses, ni contagieuse, ni mortelles. On peut encore désigner une maladie non classée dans les ouvrages vétérinaires, qui a été observé par Mr Meyer, et dénommée par lui fièvre bilieuse inflammatoire. Du reste, l’œil de l’animal, cet organe si délicat, ne connais point en Camargue la fluxion périodique, si commune ailleurs, la Pousse, dans cette contrée est également très rare. Mais les fatigues multipliées et sans mesure auxquelles on y soumet les chevaux , ceux de selles surtout, mettent ces animaux hors de service de très bonne heure.

228/ Le caractère
Le caractère commun des chevaux de la Camargue est la liberté et l’indépendance, ils dédaignent l’habitation de l’homme, ils ne respirent que les champs. Il en est qu’après de longs efforts, on croit vraiment avoir domptés
Dans un moment inattendu, leur colère s’enflamme, ils renverses leur cavalier, s’échappe en bondissant, et, même durant la nuit obscure, guidé par un instinct admirable, ils rejoignent leur pâturages accoutumés. Dans ces fuites soudaines les harnais, s’ils en ont conservés, sont mis en pièces, ils se servent adroitement de leurs pieds pour s’en affranchir.