"Il était une fois un petit taureau Camarguais qui répondait au gentil prénom de « Jental ». Il faisait partie de la lignée de « Goya », taureau de légende, et constituait l’espoir de la manade pour son Pelot.
Considéré comme le gâté du troupeau, il bénéficiait au quotidien d’un traitement attentionné. Les gardians veillaient à son arribage, il arranquait bien quelques touffes d’herbes fraiches, mais il se délectait davantage de son avoine.

Mais Jental n’avait pas la patate depuis quelques jours, il faisait la trougne à tout le monde. Le simbéu, grand sage du troupeau s’inquiétait de son attitude et décida de lui parler.

« - Oh pitchou, c’est pas trop la pétélègue en ce moment, mais qu’est ce qu’il t’arrive ?

- Boudiou, l’hiver est un peu longuet, J’en ai le récoulige de ce temps tristounet, pas un seul pèlerin qui se promène pour nous divertir, et cette pluie qui ne fini pas de nous estourbir !!!

  • Oh pauvre, il me semble que tu te mets la rate au court-bouillon pour pas grand-chose. Bientôt la saison va reprendre, profite un peu pour te reposer, on n’est pas bien là ? Tous réunis pour pâturer, plan-planette ?

- Si bien sûr, mais tu sais la saison arrive et j’ignore si je serai à la hauteur de vos espérances, je crois que je préfèrerai encore labourer les terres !

- Oh pignoufle, tu fais un drôle de Cagaïre toi !
Moi j’ai connu ton grand père, le plus grand cocardier du monde, une magnifique carrière, on était très fier de lui !
Ton papet avait la fougue et l’intelligence, c’était l’idole de la Camargue.

Si tu deviens boucas, tu le calomnieras…
Arrête de rouméguer et mets toi à la tâche, tronche d’api ! »." (...)

Jental se sentait tellement bédigas, Simbeòu avait raison, son grand père avait certainement beaucoup travaillé pour obtenir un tel palmarès. C’est vrai qu’il ne pouvait pas refuser le raset, ça marque mal, l’honneur des Goya était en jeu.

Dès lors, il décidait qu’il devait se donner la peine d’essayer d’être combatif.
Il savait que le chemin serait long et douloureux avant de devenir un brave. Jour et nuit, il courait, fonçait, s’élançait, définissait des stratégies, Il avait la gagne.
Il en avait le tréfouli de voir tous les jours les gardians arriver pour le tri.

Mais gagner devenait une obsession, il devenait agressif envers les siens, il n’avait cesse de vouloir bugner les autres et de leur mettre la rouste.
Il envoyait méchamment tarabuster tout le monde, et mettait la tête comme une coucourde à tout le monde avec son « Biòu d’or » ! Les gardians avaient bien noté ce changement de comportement excessif, il dispersait le troupeau et ne supportait plus personne.
« Oh Coullègo, il va falloir s’occuper du péquélet ! »

Simbeòu connaissait le sort qu’il lui serait réservé s’il continuait com’aquo !

Un matin de grand froid, les gardians et leur monture arrivèrent aux pâtures, l’humeur badine :

« - Allez Rocco, nous allons nous occuper de toi, c’est un mauvais moment à passer mais c’est le prix à payer pour devenir un grand Seigneur ! ».

Jental ne savait pas ou on l’emmenait ni même pourquoi, mais c’est avec une grande fierté qu’il partait pour la gloire.
Immobilisé par terre et attaché sur la piste des arènes il attendait sereinement son bizutage. Il senti une agitation certaine autour de son arrière flanc, on lui patchéguait ses roubignoles.

Oh macarel !
Un puis deux tours de manège des valseuses… Il en devint tout estoufégué de douleur… La loi des pinces a sévi.
Naseaux fumants, le mufle gonfle, il prit des allures de l’ange bouffarel pour beugler de toutes ses forces.

Le Tau est devenu « Biòu » sous l’acclamation populaire !

C’est à vive allure qu’il s’échappa des mains de ses castrateurs, pour se rapprocher tout penaud de son troupeau.

Simbéòu l’attendait « Jental tu es un Biòu désormais, ton destin dépend de toi, sois fort maintenant ! »

En toute humilité Jental retrouva le bonheur d’être parmi ses pairs.
Mais il s’est juré ce jour-là de décaniller tous ces ensuqués de fadas qui oseront à nouveau s’approcher de lui.

Une véritable graine de champion !

NB : Au fait, « Bistourner », pour ceux qui cherchent à comprendre, ce n’est pas faire la virée des bistrots !