S’ouvre désormais une période faste pour les amateurs de jeux taurins.
En 1825, un sieur Vernet, fermier, et habilité par le maire de Villeneuve à ouvrir un spectacle gymnastique au quartier de Bagatelle dans un cirque répondant à certaines règles de sécurité et à condition que vingt-cinq francs fussent versées dans les caisses de la commune par représentation qui comprendra luttes et courses de taureaux. [1]
Cet accord sera suspendu le 8 novembre de la même année après les rixes et les scènes tumultueuses qui émaillèrent la réunion du 30 octobre. [2]
Repris, ces divertissements furent interdits définitivement à la suite des batailles rangées qu’ils déclenchèrent entre Avignonais et Villeneuvois qui vidaient ainsi en ce champ clos d’anciennes querelles. [3]

Ce court intermède a cependant son importance dans l’histoire des courses de taureaux puisqu’à cette occasion furent édifiées à Bagatelle, les "premières" promises à un bel avenir dans la dernière partie du XIXe siècle.
Pour l’instant, le public Avignonnais restait fidèle aux installations sommaires du quartier du Blanchissage qui attirèrent la foule des dimanches d’été pendant une dizaine d’années, sans autre péripéties notables [4]

La solidité des constructions laissaient aussi à désirer, car le 6 juin 1830 plusieurs personnes, poursuivies par le fauve, voulurent escalader l’amphithéâtre qui s’écroula sous leurs poids. [5]

En 1837, un accident encore plus grave se produisit.
Un homme fut blessé et emporté mourant de l’arène.
Le peuple exaspéré exerça sa vengeance sur un taureau inoffensif et l’assomma sur place.

Malgré le rapport accablant du conseiller de préfecture sur ce genre de spectacle révoltant pour nos mœurs et pour l’humanité et qui depuis un mois a lieu tous les dimanches à Avignon, [6] le préfet accorda un sursis en raison des frais importants engagés par le directeur du théâtre municipal Béfort, qui trouvait dans l’organisation de courses un supplément de recettes que ne lui fournissait pas l’art lyrique. [7]

L’interdiction définitive n’interviendra que le lundi 25 septembre , mais s’appliquera même aux ferrades qui, quoiqu’en pense le préfet du Gard [8] présentent les mêmes inconvénients et les mêmes dangers.
"Ici tout est livré à la maladresse et à la rage aveugle d’un peuple plus grossier et plus barbare encore que dans aucune autre partie du Midi"…
A Avignon, la férocité populaire n’a point de frein... [9]

Mais les amateurs ne se découragent pas pour autant.
Forts de la tolérance dont leur sport favori jouit dans le département voisin [10], ils se transportent pour la saison 1838 dans l’ île de la Barthelasse, à deux cents mètres de la porte de l’Oulle, mais la Barthelasse est en territoire Gardois.

Malheureusement pour eux, les 7 et 14 juillet 1839, eurent lieu de véritables scènes de carnage, si l’on en croit un rapport du commissaire de police d’Avignon.
Les animaux furent frappés à l’aide de bâtons, lardés de coup de couteaux par une populace déchaînée qui alla jusqu’à couper la queue des taureaux vivants pour l’emporter comme trophée [11].
A la demande du préfet du Vaucluse, le préfet du Gard consent à inviter le maire de Villeneuve à promulguer l’interdiction de ces spectacles à la Barthelasse [12]

Mais les organisateurs, soucieux de satisfaire une clientèle Avignonnaise de plus en plus friande [13], ne se tiennent pas pour battus et trouvent à l’île Piot, alors partie de la commune des Angles, un terrain tout aussi propice.
Une course s’y déroula le 12 juillet 1940 [14] sous la direction de Marc Dame et Méger [15].

Pour complaire à son collègue, le Préfet du Gard étend sa prohibition au territoire des Angles. [16]

Enfin le 19 janvier 1841, la même personnalité interdit totalement les courses dans le département du Gard [17], ce qui mettait Avignon et sa proche banlieue d’outre-Rhône à l’abri de toute tentative.

[1archives municipales de Villeneuve les Avignon, registre d’arrêtés du maire, 8 août 1825

[2novembre 1825

[302 avril 1826

[4Vincent Pérre demande au maire d’Avignon qu’il interdise l’exhibition de Franconi, au profit de la ferrade qu’l organise le 26 septembre 1826.] qu’une émeute en sept 1926, provoquée par la médiocre qualité du bétail de l’imprésario Vincent Pétre ainé.[[lettre anonyme

[5L’ Echo du Vaucluse, 10 juin 1830 N°186

[6lettre du conseiller de préfecture, septembre 1837

[7lettre du maire d’Avignon au préfet 21 septembre 1837 :
"Mr Béfort m’a promis de prendre toutes les précautions capables de garantir autant que possible de tout danger, les personnes qui sont poursuivies par le taureau qu’elles ont excité".

[8bien que les ferrades ne soient pas susceptibles de présenter autant de danger que les courses, je les avais défendues à mon arrivée parce qu’alors la politique n’était pas étrangère aux réunions, mais aujourd’hui que les passions sont amorties, ces spectacles sont, sinon autorisés, du moins tolérés.
Lettre du préfet du Gard au préfet du Vaucluse, qui avait sollicité l’avis de celui-ci, lettre du 31 janvier 1838.

[9rapport confidentiel du conseiller de préfecture 1838

[10il semble que à Nîmes durant la période 1830-1840 les courses aient été moins fréquentes. Sans les interdire totalement, l’administration en la personne de M de Jessaint, champenois d’origine, s’y montrait hostile (journal "Le Feu" 15-09-1854

[11archives départementales du Vaucluse

[12lettre du préfet du Gard du 18 juillet 1839

[13de nombreuses sollicitations se font jour, toutes refusées.

[14"L’Indicateur d’Avignon" 12 juillet 1840

[15Marc Dame est syndic de portefaix, on voit par là que les imprésarios se recrutent dans des professions les plus diverses.

[16archives départementale du Vaucluse

[17le préfet du Gard malgré sa mansuétude à l’égard des courses n’avait pu supporter plus longtemps les graves incidents survenus dans sa circonscription, en particulier l’incendie des arènes de Nimes le 04 août 1839