On ne signale pas d’incident notoire, sauf la fuite d’un taureau par-dessus la barrière et qui divagua jusqu’au pont où le tramway de Villeneuve lui barra heureusement le passage [1]
Enfin, aucune interdiction n’ayant pu amoindrir le goût de la population pour ce genre de spectacle [2] l’autorité préfectorale céda et, à partir de 1886, les arènes de Bagatelle s’ouvrirent de nouveau au public qui sera véritablement comblé.

Les représentations se déroulent à un rythme rapproché :

  • 11 en 1886 ;
  • 13 en 1887 ;
  • 14 en 1888,
  • 11 en 1889 ;
  • 12 en 1890 ;
    et accusent une très grande variété.

Comme nous l’avons tenté dans la première partie de notre exposé, il nous faut maintenant revenir légèrement en arrière pour écrire l’évolution qui se manifeste dans les courses à partir de 1860 environ.

La tauromachie moderne commence à prendre corps et, en s’épurant, une classification plus nette s’opère entre les genres jusqu’alors quelque peu mêlés.
La course Provençale, qui répond à une expression purement locale et dont l’origine se confond avec les plus anciennes traditions, reste toujours en grand honneur mais elle est réservée désormais à des hommes exercés qui seuls pénètrent dans l’arène pour pratiquer le razet.

L’art des toreros inspirèrent bientôt un second type , échelon intermédiaire entre la corrida et la course Provençale, empruntant aussi quelquefois des éléments à la landaise et dont le véritable créateur, le Pouly de Beaucaire, parcourut en triomphateur pendant de longues années toutes les places du Midi et même les capitales étrangères [3].

Connue sous le nom de course de quadrille, elle consistait essentiellement en un jeu élégant de cape et de banderilles, agrémenté de sauts avec et sans perche par dessus la bête et terminé par une mise à mort simulée par la pose d’un ruban sur le cou du taureau.

Par exemple, le quadrille du Pouly comprend des mantellistes, un sauteur à la perche, le célèbre et fidèle l’Aiglon, un sauteur razeteur et un écarteur à la mode landaise.

Les toréadors qui la pratiquaient adoptèrent le costume espagnol, mais s’ils se coiffèrent de la montera, ils lui préférèrent souvent une résille de laine, semblable à celle que l’on voit sur les estampes de Goya.
Les exécutants de courses landaises portent le béret blanc ou bleu, la veste navarraise en velours brodé, la culotte blanche serrée au genou par un ruban. [4].

Si l’on peut faire remonter à 1853, comme nous l’avons vu, la date de la première « capéa » à Avignon, la grande fortune, de cette forme de spectacle se situe entre 1874 et 1890, à la suite du Pouly [5] et son fils Pouly II.

Il débuta en 1891, aux arènes de la Barthelasse où se produisent des quadrilles espagnols réputés tels ceux de Larosa dit "Frascuelo" [6], de Martin Frutos, d’Angelo Pastor, de Metodo de Lombrosos, des Niños Valencianos, ou français, comme ceux d’Hélias, de Laurent Guillot, dit "le laid", du Pouly d’Aiguemortes, de l’Arlésien Bayard, de Castagnier de Beaucaire, dit l’homme caoutchouc.

Mais des jeux plus fantaisistes égayent encore ces temporadas.
En 1889, un certain Gomez présente des taureaux Andalous qui exécutent sous le fouet des exercices variés [7].

Le 14 juillet 1891, un dénommé Orillon se vêt d’une peau d’ours pour se présenter devant le taureau qui d’ailleurs le piétine [8].
La lutte d’un nègre assisté de deux espagnols contre des bouvillons ne recueille pas l’adhésion du public, qui proteste et ce d’autant plus que pour cette duperie : le prix des places a été augmenté [9].

Les animaux sont le plus fréquemment fournis par les manades Bancel, du fort d’Emblas près de Mas Thibert, de Tey de Bénice, de Yonnet [10].
On commence à connaître par leurs noms les taureaux cocardiers [11].

Bien entendu des génisses ou des taurillons sont fournis aux amateurs, mais avec des cornes emboulées.
Vers 1882, une musique apparaît et accompagne les toréadors qui font le tour de ville en landaus [12] avant d’entrer dans les arènes.

Les spectateurs ne se recrutent plus exclusivement dans la classe populaire.
En 1889, se crée la première société taurine d’Avignon, le Frascuelo-Club, en hommage au grand torero, et ses membres font partie de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie de la ville [13].

Cette société organisera des courses « intimes », où chacun pourra faire ses premiers pas, mettra sur pied des ferrades en Camargue [14] et offrira des prix aux plus habiles raseteurs [15].

On peut se demander s’il ne faut pas voir dans cette mutation sociologique une des conséquences de la renaissance provençale, qui exalte les jeux taurins comme parmi les plus anciennes traditions de la race.
Les voyages outre-Pyrénées, d’autre part , ont rendu familier, à des privilégiés, l’art tauromachique espagnol.

[1"L’Union de Vaucluse" 16 juin 1882 N° 1494

[2lettre du maire d’Avignon au préfet de Vaucluse, 27 mars 1886

[3sur la dynastie des Pouly "Gloires camarguaises"

[4compte rendu de la course landaise du 3 mai 1875 ( bibliothèque Calvet)

[5le Pouly donne sa première représentation à Avignon en 1877

[6il toréa à Avignon en septembre 1886 et en mai 1887

[7"Le Courrier du Midi" 29 mai 1889 N° 200

[817 juillet 1891,

[91er juillet 1891

[10cet éleveur introduisit en 1869, 7 vaches navarraises dans sa manade pour croiser ses purs produits Camarguais, "Bretheau"

[11par exemple Guillaume et Sigoulette gagnants du concours d’Arles "L’Union du Vaucluse" 21 octobre 1871 N° 766

[12voiture hippomobile

[13"Le courrier du midi" 10 mai 1889 N°192

[14à la manade de l’Etourneau ou au mas de l’Igagneau

[15" le courrier du midi" 19 mai 1889 N° 196