31/ La Camargue a été habitée depuis bien longtemps
La Camargue ne paraît pas avoir dû ses premiers habitants à des siècles modernes.
Des urnes antiques, un sceau, des médailles, des lampes, ont été rencontrées sur divers points de l’Isle, des ruines d’édifice enfouies par le temps entre, les Frignans et Méjanes, sont découvertes par le battement des flots de l’étang du Vaccarès.
D’autres débris de constructions anciennes se montrent, à la seule inspection ou dans les fouilles, près de la Tour du Valat, au domaine de Signoret à deux lieues d’Arles, entre les marais de Palun Longue et de la Grand Mar, les vestiges d’établissements dont on a perdu la mémoire, se sont multipliés.

32/ Position présumée de la ville latine d’Anatilia dans cette Isle.
D’après l’opinion émise par Mr Papon, que les Anatiliens étaient établis autresfois dans la Camargue, d’après les décombres ensevelis dans le domaine précité, d’où parmi d’autres objets, on a extrait le tombeau d’une dame Romaine, Mr Veran a pensé que la ville d’Anatilia fût bâtie en ce lieu.

33/ Conséquences qui naissent de cette présomption.
Cette conjoncture, qui n’est pas dénuée de fondement, semble prouver, ou que les Anatiliens comprenaient les habitants d’Arles, ou, dans le cas contraire, qu’ils furent un très petit peuple, puisqu’ils ne pouvaient alors occuper qu’un pays très peu étendu. En effet, si on les isole des Arlésiens, et qu’on leur abandonne toute la Camargue, en quoi consistait le territoire d’Arles ?
Le Plan du Bourg était peu de chose, la Crau n’a dû sa culture qu’aux canaux dérivés de la Durance. Les eaux couvraient plus de terrains qu’aujourd’hui dans le Trébon.
Arles était cependant une ville populeuse. Festus Aviénus assure qu’au temps où les Grecs l’habitaient , elle était surnommée nourrice à cause de ses productions, Strabon en fait une place importante de commerce, Ausone l’appelle la Rome des Gaules. Quels eussent été les avantages d’Arles pour mériter de si beaux éloges, si la plus belle, ou pour dire la seule partie de ses possessions lui eut été enlevée ?
Ce ne peut être son commerce étranger, Marseille, à cet égard, a toujours eu la prééminence.

34/ Temple de Diane construit par les Marseillais dans la Camargue
Ce qu’on peut regarder comme certain, c’est que les Marseillais aient construit dans l’Isle un temple à Diane d’Ephèse, quand ils furent devenus possesseurs des fosses de Marius. On pense communément que cet édifice religieux fut élevé dans l’emplacement qu’occupe le bourg de Notre Dame de la Mer, autrement dit Les saintes Maries de la Mer.
Mr Michel d’Eyguières, dans sa statistique du département des Bouches du Rhône, page 110, prétend que Strabon fait arriver par là le christianisme dans les gaules. A ce sujet, il attribue au géographe un conte assez moderne, mais Strabon qui, suivant ce qu’on sait de lui, naquit à Ourasie en Natolie, fleurit sous Auguste, et mourut sous Tibère, ne parle point et n’a pas pu parler d’événement postérieur à son siècle.

35/ Villes et villages anciens détruits, villages modernes abandonnés
C’est une chose bien digne de remarque, qu’à mesure qu’on s’éloigne de ces temps jusqu’après la renaissance des lettres en Italie, tous les faits historiques sont enveloppés dans un nuage sombre qui n’en laisse apercevoir que des parties décousues.
Aussi ne sait-on rien sur les peuples de la Camargue. On fait tomber leurs villes et leurs villages sous le fer des Sarrasins, dans le VIIIème siècle, et c’est par une induction assez juste tirée du système destructeur de ces hordes à la fois barbares et policiers.
Les fréquentes incursions des Maures sur le bord du Rhône, et dans l’Isle formée par ses deux branches, firent sans doute établir les places de Malmussane, de St Férréol, de Sourbêtes et d’autres, dans les territoires du Baron, de Boismeaux des Saintes, qui existaient au XIIIème siècle.
On trouve encore dans les notariats d’Arles des actes passées dans ces lieux devant des notaires y résidant.
Ils prouvent, sans réplique, que la Camargue a possédé au moins plusieurs villages.