Amis du courrier, bonjour.

Nous voici donc rentré au pays.... Quelle aventure !

J’ai cru comprendre que notre Pelot avait eu des problèmes avec la base... Je n’en suis pas surpris, vous savez, nous les chevaux de Camargue nous avons un sacré instinct pour pressentir les choses ou les événements...
Mais allez donc faire admettre cela à notre grand naïf de poète ...
Heureusement qu’il garde le moral...

Quoi qu’il en soit, nous venons de vivre une aventure formidable et je suis fier d’avoir pu y participer. Je vais essayer de vous donner mon point de vue, bien que, notre vécu ayant été tellement exceptionnel, je crois que j’aurais besoin de beaucoup de recul pour rester objectif.

A Kajaani, nous avons passé des vacances de rêve. Deux adorables jeunes filles à notre dévotion pendant que le pélot était parti préparer la suite du voyage. Je crois bien que j’étais un peu amoureux...
Une région toute en douceur.

Un lac immense, des chemins de rêve et des amis si gentils...
Nous habitons dans une charmante écurie toute en bois, avec litière de sciure de bois toute parfumée, que nos jeunes amies changeraient tous les jours. Beaucoup de monde venait nous voir, nous sommes devenus célèbres.

Nous tournons un film pour la télé, peut-être qu’il sera diffusé en France un de ces jours ...
C’est marrant de jouer les stars ...
Notre pelot lui, prends cela très au sérieux, il dit que c’est très important...
Nous on rigole en douce...

A son retour, il est venu nous réveiller pour nous raconter son voyage. A-t-on idée...
Pour se faire pardonner, il nous à donné une ration supplémentaire de foin et d’avoine...
Et force caresses, il était heureux, j’aime le voir ainsi, je me doute qu’il va y avoir du pain sur la planche . Mais il peut compter sur nous.

Ma dernière lettre vous annonçait notre prochain passage au cercle polaire . Nous l’avons franchi.
Bof... Pas de quoi en faire un roman, un tout petit panneau, au bord de la route, c’est tout. Notre pélot, lui, par contre, dans un état pas croyable... il riait, pleurait, nous embrassait, nous félicitait conne si nous avions marché sur la lune... (parfois, je crois qu’il en fait un peu trop... ce grand couillon)

Nous avons posé pour la photo de famille et le voyage à continué. Et quel voyage...
Imaginez : une nature comme mes ancêtres ont dû connaitre. Libre, sauvage, si pleine d’odeurs vraies et subtiles, avec tellement d’animaux que je ne saurais les énumérer tous. Ici, peu ou pas d’homme, tout un programme. Nous avons marché pendant des jours et des jours seuls, ivres d’espaces et de liberté.,
Le seul point noir, rien à manger... Des herbes insipides et un peu étranges, du lichen. Les feuilles amères des myrtilles, quelques fois, les rameaux des sapins... Mais le soir et le matin, notre pélot nous offrait un peu de foin et surtout de l’avoine...
Quel délice. Nous dormions tous les quatre.....Le bonheur...

Un jour, nous avons traversé une étrange vallée, Robert, pendant un long moment à tripoté ses cartes, visé des points sur l’horizon, je l’ai senti très inquiet. Il a longuement vérifié nos charges et nous a engagé sur un sentier humide. Très vite plus de sentier, un vague layon plein d’odeurs de rennes et d’élans qui louvoyait entre les bouleaux nains. Et le sol qui se transformait en marécage.

Nous nous engagions dans la traversée d’une tourbière.
Une terre noire, putride, gorgée d’eau, instable et puante. Quand nous avons commencé à nous enfoncer, parfois jusqu’aux ars, j’ai senti le pélot sur mon dos prendre la main, juste l’appui, et me laisser prendre la direction des événements. Les copains qui avaient tout compris, se sont mis à ma suivre au mm. Trois heures à "ramer" dans ce magma . Heureusement que je sais sentir le sous sol...Et mon odorat m’a bien aidé pour repérer le passage des rennes et élans habitués à cet endroit.
Mais là où j’ai bien eu le pélot, c’est quand, trois heures après, je l’ai senti à côté du rocher repère qu’il s’était fixé ...
Fallait voir sa tête.

Comme si, depuis le temps que je regarde par dessus son épaule, j’étais, incapable de lire une carte....
Le soir tout de même nous avons bien dormi.

Et ainsi, pendant des jours nous avons, tous les quatre, vécu en parfaite symbiose. Je vous retrouverai très prochainement sûr, dans un prochain courrier

Bises à tous

Monsieur Salinié