MAGALI SAUMADE

Voici une des personnes qui fait partie de la nouvelle génération des gens de bouvine.
Notre choix ne s’est pas porté sur Magali SAUMADE, uniquement parce qu’elle est la fille du Manadier Claude SAUMADE, mais plutôt parce qu’elle sera peut-être un jour une des ces rares femmes qui évolue dans le monde de la bouvine, contrôlé comme chacun le sait exclusivement par des hommes.

Participes-tu activement à la vie de la Manade ?
Le fait d’habiter à la Villa Marcelle au Cailar où se trouvent nos pâturages d’été, me permet de participer quotidiennement à la vie de la manade.
Je monte à cheval dès que cela m’est possible et je participe aux triages et aux ferrades. Je regrette seulement que mes activités professionnelles ne me permettent pas d’être présente en permanence à la Manade.

Tu as donc une vie professionnelle en dehors de la Manade ?
Quand on naît fils ou fille de manadier que l’on est élevé dans un foyer dont pratiquement la raison d’être est la passion des taureaux, je crois que l’on arrive tôt ou tard à un moment où l’on a envie de nouveaux horizons.
C’est ce qui c’est passé en ce qui me concerne.
J’ai eu dans ma vie une période où j’ai eu besoin de me prouver que je pouvais faire autre chose que d’être fille de manadier. J’ai donc choisi après avoir passé un Bac de travailler.
Je suis documentaliste au Comité Régional du Tourisme à Montpellier. Je tiens tout de même à préciser que ce choix je l’ai fait en sachant très bien que je serais malgré ce, présente quotidiennement dans la vie de la manade ce qui était une condition indispensable au fait que je travaille.

1998, photo : X...

Que représente pour toi la Manade SAUMADE ?
C’est quelque chose de vital.
Je crois que c’est la Manade qui me procure ma joie de vivre. Si la vie est faite de passion, je suis pour ma part totalement passionnée par la Manade et je crois que je le resterai longtemps.

Parle nous de tes taureaux !
Tout d’abord il faut je dise que parmi mes taureaux, il y en est un qui est dans mon esprit complètement à part des autres. Tout le monde aura compris qu’il s’agit de SAMOURAI.
J’ai de la peine à exprimer ce que je ressens pour ce taureau, c’est un sentiment bizarre, j’ai beaucoup d’admiration et d’affection pour lui un peu comme si c’était un animal domestique, mais en même temps j’ai l’impression qu’il est plus qu’un animal.
Il est pratiquement un « complice », en ce sens que j’ai le sentiment des fois, qu’il nous a aidé consciemment à faire connaître la.manade.
Je suis convaincue du fait que ce taureau qui est à mon avis beaucoup plus intelligent que ses semblables, à totalement compris le jeu qui devait être le sien dans une arène et qu’il fait tout son possible pour donner le meilleur de lui-même quand il est confronté aux raseteurs. J’en veux pour preuve que celui que de nombreux aficionados ont longtemps traité de « fou furieux, sanguinaire », est on ne peut plus paisible lorsqu’il se trouve dans la manade.
En ce qui le concerne, je regrette simplement le fait qu’il n’ait plus à cause de son âge les ressources physiques nécessaires pour lutter comme il le faisait par le passé.
J’ai d’ailleurs le sentiment, qu’il souffre maintenant d’avoir à plier et à subir les assauts des raseteurs qui ne le craignent plus comme autrefois ce fut le cas.
J’insiste sur le fait qu’à la Manade il y a bien dans mon esprit lui et les autres. Il nous a apporté de telles joies que bien souvent à la maison nous parlions de lui comme d’un compagnon et non pas comme d’un animal.

Deux mots des autres tout de même !
Je ne voudrais pas que l’on croie que je m’ intéresse uniquement à SAMOURAI ; les autres taureaux m’ont aussi apporté de nombreuses satisfactions.
Je suis régulièrement leurs courses, sauf à Beaucaire où j’évite de me rendre car vu le caractère de nos taureaux, cette piste est vraiment très dure pour eux et il leur est très difficile de s’imposer.

Vauvert, 6 mars 2020

Est-ce que tu fréquentes les gens de bouvine ?
Je connais pratiquement tous les gens impliqués dans la cause camarguaise, par la force des choses.

As-tu des amis parmi les raseteurs ?
Ceux qui sont mes amis l’étaient déjà bien avant d’être raseteurs.
Je ne pense pas que certains soient devenus des amis parce qu’ils sont raseteurs. Certains parmi eux sont même des amis d’enfance et je suis très heureuse qu’ils soient devenus raseteurs.

Tu fais partie de la nouvelle génération, crois-tu que celle-ci pourra apporter des idées nouvelles susceptibles de modifier le profil de notre folklore camarguais ?
Deux choses doivent être précisées ; tout d’abord je n’aime pas du tout le mot folklore qui me semble péjoratif, je préfère parler de traditions ; ensuite, je peux exprimer mon opinion personnelle mais en aucun cas parler au nom de ma génération.
Je me sens prête, s’il le faut un jour, à me « battre » pour défendre nos traditions mais je ne crois pas avoir une âme de militante révolutionnaire.

Ton point de vue sur l’état actuel des choses ?
Je regrette que la fédération n’ait pas les moyens de s’imposer et de diriger vraiment.
Je crois, que c’est un rêve un peu idéaliste que de penser que toutes les parties prenantes arriveront à s’entendre un jour, du fait que chacun « tire la couverture » à soi. Je crois tout de même qu’il faut être vigilant et essayer de rapidement faire quelque chose au niveau, au moins, de la limitation des raseteurs en piste chose qui me parait primordiale.

La pub pour les raseteurs ?
Dans les conditions actuelles cela ne me gêne pas, car c’est très discret mais gare à l’escalade.

Prendras-tu un jour la direction de la manade ?
Ce n’est pas une question que je me pose pour le moment.
Je déciderai en temps voulu. Je crois que d’ici là mon père aura fait le nécessaire pour me préparer au rôle qui sera le mien à ce moment là.
Mon rêve, en fait, est de me consacrer entièrement à la Manade, non pas toute seule mais plutôt, de travailler en coordination avec mon père. Une chose est sûre c’est que ma préparation se fera naturellement au fil des années.

1998, photo : X...

Mlle Fanfonne GUILLERME est la seule femme qui soit vraiment reconnue et respectée comme femme de bouvine, qu’en penses-tu ?
Je lui reconnais le grand mérite de s’être imposée dans un milieu totalement misogyne.
Ça n’a pas du être rose tout les jours pour elle, mais elle a prouvé en montant sa manade au niveau des meilleures, qu’une femme pouvait diriger un élevage. Le plébiscite qu’elle suscite à chacune de ses participations à une course, est la meilleure des preuves que l’on puisse lui donner, en reconnaissance de son mérite.

Et ton père dans tout cela ?
Je l’envie beaucoup car c’est quelqu’un de parfaitement heureux.
Il a complètement concrétisé son rêve de toujours en devenant manadier. Il en connait maintenant des joies quotidiennes. Il a la chance de vivre une passion qui ne s’estompe pas au fil des années.
La réussite de mon père je la mets sur le compte de sa persévérance
et de sa passion. Je dois dire que je l’admire d’avoir su réussir en partant du plus bas.

La Grande Abbaye, 22 mars 2015

De nombreux manadiers se plaignent et prétendent avoir de gros problèmes financiers ?
J’entends trop souvent certaines personnes « faire le compte » des manadiers en reprochant à ceux-ci de louer leurs taureaux à des prix exorbitants.
Les prix sont régis par la loi de l’offre et de la demande en ce sens que tout ce qui est rare est cher et cela ne regarde que les organisateurs et les manadiers.
Une chose est évidente c’est qu’il faut aux manadiers une grande passion et beaucoup de travail pour persévérer et réussir dans leur entreprises.

EN CONCLUSION être fille de Manadier, ça rend heureuse !
J’ai une vie très heureuse à la Manade malgré quelques mauvais moments.
J’ai beaucoup souffert, notamment quand SAMOURAI a reçu le Biòu d’Or, de la bêtise de certaines personnes qui m’ennuyaient en critiquant mon taureau.
Je l’ai toujours pris avec philosophie, mais c’est tout de même dur d’encaisser des critiques de gens à qui on ne doit rien.
De toute façon cela n’est pas important car seuls les bons souvenirs sont présents dans ma mémoire et surtout celui de SAMOURAI recevant le prix du meilleur taureau de la finale 1983.
Cela m’a rendu plus heureuse que d’avoir réussi mon BAC...