Bernard et Frédéric Lautier à la Lieutenante

Les prés sont verdoyants, mais les grands arbres perdent leurs feuilles emportées par le vent marin d’automne et plus loin, de nombreuses mouettes volettent et piaillent derrière un tracteur qui retourne fa terre et découvre la pitance des goulus volatiles.

Au Mas Reboul, Bernard Lautier et sa famille nous accueillent gentiment, visiblement heureux qu’on s’intéresse un peu à eux. Un bon feu de bois flambe dans la grande cheminée et tout de suite la conversation est entamée.

Bernard Lautier nous exprime sa malchance.
Il vient de trouver quelques jours auparavant, trois taureaux morts sur le pays, très certainement tués par des mains malveillantes.

Puis il nous parle de son accident du 13 mai 1984, lors d’une ferrade.
Il amenait vivement un anouble avec son fils Frédéric et ses gardians vers le groupe des participants, quand soudain l’anouble fit un écart et fit broncher le cheval qui chuta violemment avec son cavalier.
Bernard Lautier resta au sol gravement blessé et fut relevé avec l’épaule et le fémur droits fracturés. Depuis ce stupide accident, il a la jambe raide et marche avec une boiterie qui l’handicape énormément.

Encore si cette grave blessure avait été la seule.
Mais non... et on peut dire que Bernard Lautier a payé un lourd tribut à sa passion des taureaux.

A 17 ans, alors qu’il était gardian amateur chez le manadier Saleou, il a eu la cuisse meurtrie par un profond coup de corne dans les pâturages.

En 1975, lors d’une autre chute à l’occasion d’une ferrade, il a eu la jambe fracturée avec plaie ouverte, puis en 1977, le bras droit aussi fracturé en encocardant un taureau sur le char.

En 1979, il a eu un ménisque endommagé en purgeant des anoubles puis le 14 juillet 1983, la cheville gauche abîmée qui dut être plâtrée au plus gros travail de la saison taurine.

Malgré ce, et bien qu’il raconte ses mésaventures, il paraît garder une certaine jovialité dans l’adversité. Trop c’est trop... et pourtant il faut bien vivre et espérer en des jours meilleurs.

Manadier depuis 1962

Ces jours meilleurs, il aimerait bien naturellement qu’ils lui viennent de sa manade et de ses taureaux, sa grande passion.
C’est que Bernard Lautier, né en 1931, a toujours vécu parmi les taureaux depuis son plus jeune âge.

Ainsi après avoir été " gardianoun ", il a été gardian salarié dans les manades Loumi, Saleou, Saurel et François André.

Enfin, c’est en 1962, quand le manadier François André prit la décision de se séparer de ses bêtes de race camarguaise, que Bernard Lautier créa sa manade à 31 ans, avec une quinzaine de vaches d’origine Laurent et Ferraud, achetées à François André.

Depuis, l’effectif de la manade Lautier a grandi et actuellement (1984 ; NdR), elle compte 150 bêtes dont 50 taureaux de travail.
Parmi eux, il y a Fourmilier (5 ans) qui a été très bon aux courses de sélection des étalons en octobre 1983 aux Saintes-Maries-de-la-Mer, puis l’étalon de cette année Samson (4 ans), Léopard (6 ans), Tomix (6 ans), Furet (5 ans) et les trois taureaux qui ont participé aux éliminatoires du Trident d’Or : Tétaïre, Mogon, Bramaïre plus quelques bêtes jeunes ou neuves.

Caballero sur G. Rado - St Martin de crau

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Cette manade de Raphèle a choisi comme marque : le "L" de Lautier,

comme devise : le noir, le rouge et le jaune, comme escoussure : l’oreille gauche coupée, l’oreille droite entière.

Ses pâturages se situent au Mas Reboul où se déroulent les ferrades, dans les marais de La Lieutenante à Saint-Martin-de-Crau, dans les Paluns de Villeuneuve et dans les bois d’Aureille pour les hivers rudes.

Quelques bons cocardiers

La manade Lautier dont les principales activités sont les ferrades, les encierros, les courses emboulées de jour et de nuit, a eu cependant, depuis sa création, quelques cocardiers qui se sont illustrés dans maintes arènes méridionales.
Ainsi Mario qui a bien couru au Trident d’Or en 1966 à Caissargues, puis Caballero, qui a gagné la Coupe des Espoirs du Trident d’Or en 1973 à Beauvoisin, et la Coupe des Melonniers en 1977 à Saint-Martin-de-Crau.

Il y a eu également Eyguiéren qui a gagné 3 coupes à Méjanes, Miramas, Saint Etienne-du-Grès puis Galantoun qui a reçu la Coupe de la ville d’Istres en 1978, Bison qui a gagné la Coupe des Commerçants à Aramon et Gendarme qui a remporté la Coupe de la Ville d’Istres en 1982.

Malheureusement ces bons cocardiers, toujours très combatifs à chacune de leurs courses, n’ont pas assez couru au gré de leur propriétaire pour atteindre la notoriété qu’ils auraient peut-être méritée.

Mais c’est le " lot " des petites manades et c’est dommage car il y a certainement dans ces " petites manades " bien des cocardiers qui pourraient faire de meilleures carrières.

Pourtant ces nouvelles manades ne manquent d’essayer d’améliorer leur sélection avec des apports de sang nouveau par des prêts d’étalons.

Ainsi la manade Lautier a eu ces dernières années des étalons prêtés par les manadiers Chauvet, Guillierme, Raynaud avec l’espoir de bons résultats.

1995 : Bernard Lautier reçoit le Trophée du meilleur cocardier de la Cocarde d’Or

Les gardians et amateurs

Bernard Lautier reste cependant, malgré ses infortunes, un fervent défenseur des traditions ancestrales de la bouvine et, plus jeune, avait été élu Capitaine de la Nacioun Gardiano en mai 1962.

Il est aidé dans sa manade par son fils Frédéric, 24 ans, ses filles Magali et Vivette et quelques gardians amateurs dévoués, tels Gérard Bellot, Alexis Brouzet, Maurice Génin, Alain et Roger Gerrieu, Jean-Claude Raymond.