ffcc.info : le problème actuel des manadiers est lié à la terre. On trouve des gens avec très peu de terres, qui se disent manadiers, et qu’on accepte en tant que tels, sur le monde du marché, ce qui fait que le terme manadier me paraît galvaudé... Que faut il faire ?

Françoise Peytavin : Galvaudé ? Absolument !
La première des choses à faire, elle n’est pas nouvelle... Je me souviens il y a 37, 38 ans, j’accompagnais la grand-mère Thibaud aux réunions des manadiers dans lesquelles il y avait dix ou douze personnes à l’époque, dont très peu sont encore en activité actuellement. Déjà on disait «  Ne vendons pas de bêtes à des gens qui ne sont pas manadiers pour éviter que tout le monde ne s’installe dans n’importe quelles conditions ».

Malheureusement cela s’est fait.
Chaque dix ans, cycliquement, revient un coup de gueule disant « il ne faut plus vendre de bêtes », « on va mettre à l’index ceux qui en vendent »...
Mais sur le pas de la porte les plus grosses manades vendaient des bêtes alors qu’ils venaient de signer comme quoi il ne fallait pas en vendre...
C’est sûr que c’est plus tentant parce que les gens ont une vision à court terme de vendre bien cher une vache à un type qui veut se monter que de la vendre à l’abattoir. Le revenu est du simple au triple. Mais on ne peut pas non plus vendre des bêtes, (les moins bonnes que l’on trouve, on ne vend pas les meilleures), très chères à des gens et leur dire après de ne pas s’en servir.
Tout le monde dit «  oui, toutes ces jeunes manades qui viennent se monter... » mais ces jeunes manades, n’ont pas acheté les taureaux en Chine._

"ces jeunes manades, n’ont pas acheté les taureaux en Chine !"

Les gros manadiers leur ont vendu les taureaux. Alors maintenant il y a de moins en moins de terres, mais sans arrêt de nouvelles manades. Manades entre guillemets car avant d’avoir une manade il faudrait avoir un pays !

ffcc.info : Dans la diversification, quelle est la part de la Viande pour le manadier ?
Qu’apporte l’A.O.C. et pourquoi ne pas créer une espèce d’A.O.C. en tant que manadier ?
Françoise Peytavin : La part de la viande, c’est sûr que ce n’est pas un revenu énorme, mais cela fait partie de l’écomomie d’une manade. Raisonnablement, même si on en voit qui ne font pas tuer depuis des années, on tue ce qui naît, en gros. On tue 60% des naissances pour rester toujours sur un même nombre de bêtes, par rapport aux terres que l’on a. Donc, ce n’est pas négligeable.

ffcc.info : cela représente quel ratio pour obtenir un équilibre ?
Françoise Peytavin : Une tête par hectare, en affourageant pendant les trois mois d’hiver, mais c’est la bonne mesure. La réglementation est de 1.4 UGB [1] par hectare. Mais pour que les bêtes soient à l’aise, dans de bonnes conditions d’élevage, il faut compter un ratio d’un hectare par bête.

Il faut voir aussi que 1 UGB sur du Limousin du Maine Anjou cela représente 3 UGB chez nous, mais je pense qu’ils ont une qualité d’herbe supérieure à la notre. Il faut penser que chez nous c’est souvent des enganes, des salants, etc....
L’A.O.C. a été une très bonne chose. Il est tombé pile poil au bon moment. En Décembre 96, en pleine crise de la vache folle (ESB), l’A.O.C. tombe, tous les cours des marchés des races à viande s’effondrent, et nous, au lieu de vendre 10 Francs le kilo on vend à 25 Francs le kilo.

C’est une très bonne chose. Souvent les éleveurs vous disent que quand même les prix n’ont pas augmenté, mais il faut penser que des viandes de qualité, je ne dirais pas supérieure, mais de qualité différente, parce que la viande de taureau est très bonne,

"la viande de taureau est très bonne"

et des viandes qui se vendent 25 Francs le kilo, même à l’heure actuelle, il n’y en a pas beaucoup.
Donc, le gros problème c’est qu’au niveau de l’A.O.C., l’appréciation a été très mauvaise. On n’a jamais su se mettre en valeur, ni se vendre comme il faut. C’est clair. Cela commence un petit peu, des jeunes ont intégré la commission maintenant comme Guyot, Saumade etc... qui font bouger tout cela. Parce qu’il faut savoir se vendre.
Donc, cela commence un petit peu, mais les gens en voulaient, mais on ne savait pas où les envoyer. On n’arrivait pas du tout à mettre en adéquation nos capacités de vente. Par contre ce qui se fait de plus en plus c’est que bon nombre de gens se tournent vers la vente directe.
Ce qui marche très bien.
Moi, je le fais depuis l’automne, et je n’en tiens pas, Pour des questions d’organisation par rapport au nombre de têtes que j’ai, on fait tuer une ou 2 bêtes tous les deux mois. Ca part à l’atelier de découpe, on nous les ramène sous vide, les gens viennent acheter leur barquette de viande directement.

ffcc.info : Très juste car, via le site, nous avons reçu nombre d’emails nous demandant où trouver de la viande de taureau Camargue.
Françoise Peytavin : L’association qui gère l’A.O.C. est le Syndicat de Défense et de Promotion de l’A.O.C.. Ils sont passés, lorsque l’on était au salon de l’Agriculture, des bouchers étaient intéressés pour en avoir...
Mais la réponse qui leur a été faite, hélas trop restrictive, est on ne peut en trouver que chez nous en Camargue. Alors que plusieurs bouchers étaient intéressés....
Pas tout le temps, mais sur des villes comme Paris ou Lyon, on pourrait faire le « Mois du taureau » en Octobre. C’est ce mois là qu’on fait tuer, mais on ne peut pas les écouler parce que les abattoirs sont saturés. On pourrait créer l’évènement ainsi.

[1Unité Gros Bétail