ffcc.info : On voit donc... Des hommes plus costauds, des arènes adaptées aux raseteurs. La multiplication du nombre de courses. Est-ce que cela n’étouffe pas le taureau trop jeune.

André Peytavin, manadier.

Françoise Peytavin : La carrière d’un taureau doit se gérer comme la carrière d’un artiste.

"La carrière d’un taureau doit se gérer comme la carrière d’un artiste"

Souvent on voit des taureaux qui entrent à peine dans l’âge adulte et qui sont déjà usés. Parce que c’est quelquefois difficile de résister à l’appel des sirènes...
Quand on a mangé des vaches maigres pendant 15 ans, que vous commencez à avoir un taureau qui bouge le bout de la queue, tout le monde le veut... C’est difficile de résister... Mais il incombe au manadier d’avoir un comportement raisonnable. Le taureau s’il n’a que 5 ans, ne lui faisons pas faire des choses d’un taureau de 10 ans, même s’il est très bon, laissons le venir progressivement. Ensuite, à 6 ans quand il entre dans le circuit des courses de l’Avenir, il y a des taureaux qui peuvent aller dans les grandes pistes, parce qu’ils sont plus à l’aise là qu’ailleurs, mais il y a beaucoup de taureaux qui ne tireront pas leur affaire du jeu dans les grandes pistes, laissons leur le temps de venir dans des petites pistes pendant une paire d’années, jusqu’à ce qu’il acquièrent suffisamment de maturité pour parvenir à gérer un autre terrain. Mais, malheureusement, il y a des taureaux qui courent trop.

ffcc.info : C’est quoi le maximum par an ?
Françoise Peytavin : Ça dépend du tempérament du taureau. Certains récupèrent en 15 jours, certains autres en un mois, je parle de récupération mentale, pas physique... C’est au manadier de savoir gérer cela. Quand il y a eu le truc de la Manade Raynaud aux Saintes, Régisseur devait courir trois jours avant en emboulés pour qu’il fasse une bonne course. Et il a été un taureau d’exception, mais sinon il ne faisait que courir autour de la piste, il était insupportable...C’est au manadier de gérer la carrière de son taureau.
Des taureaux comme Lopez, 12 ans de carrière sans jamais faire de mauvaise course... Il a couru 6 fois par an pendant 12 ans. Il ne faisait que les grandes pistes Nîmes, Lunel, Chateaurenard. Toute sa carrière a été comme cela.
Donc, ça dépend du taureau. Maintenant un taureau qui prend une grosse roustasse, le jour de la course la plus difficile de l’année, et qui sort 15 jours après, c’est clair qu’il n’a pas récupéré. Le louer 15 jours après, c’est le louer au détriment du Club Taurin qui l’engage, et au détriment du spectateur.
On sait qu’il ne pourra pas être opérationnel même s’il est vaillant, vaillant.. Quand il a pris une rouste à être carrément exsangue, il va lui falloir physiquement en plus de moralement un bon moment pour s’en remettre.

ffcc.info : Comment pouvez vous gérer ces engagements, vous ne savez pas qu’il va prendre une rouste...
Françoise Peytavin : Moi je n’en suis pas encore, hélas, à fournir des taureaux pour la cocarde d’Or mais on a deux bons taureaux qui sortent un peu du lot, et qu’on a énormément de mal à caser malgré ce car les Clubs Taurins préfèrent prendre un mauvais taureau dans une grande manade qu’un bon taureau dans une petite manade. Ils ont leur saison d’assurée, mais quoi qu’il en soit ils ne sortiront qu’une fois par mois.

ffcc.info : Vous voulez dire que les spectateurs viennent pour le nom de la manade...
Françoise Peytavin : Je ne suis pas sure de cela.

"Les spectateurs en ont un peu ras la casquette de se faire prendre pour des andouilles..."

Les spectateurs en ont un peu ras la casquette de se faire prendre pour des andouilles en allant voir des courses aux As qui ne valent que tchi. Et je pense que de plus en plus de spectateurs suivent les comptes rendus de presse et se disent : « ah tiens, là il y a ce taureau... on va plutôt aller voir celui-là.

ffcc.info : Est-ce que l’on peut dire qu’un taureau jeune sort suffisamment.
Françoise Peytavin : Il y a des manades où ils sortent trop d’autres où ils ne sortent pas assez....

ffcc.info : On a des règles, pourrait on s’en servir pour laisser une place juste aux petites manades ?
Françoise Peytavin : Ce serait une bonne chose. Il y a du matériel maintenant. Il y a vraiment du matériel. Dans notre association, il y a au moins 10 très bons taureaux. Je suis très modeste, il y en a sûrement plus, mais il y en a 10 que l’on trouve cités, qui ont déjà une paire d’années de course derrière eux, qui n’ont pas failli et qui ont énormément de mal à sortir. Je prends simplement de cas de Jeannot de la manade du Grand Salan, sélectionné par le jury pour aller à la finale de l’Avenir, mais l’organisateur a dit : « on va prendre un taureau à Lamista parce qu’il fait les abrivado toute l’année à Beaucaire »... J’ai appelé Henri. J’ai appelé à Beaucaire, en leur disant vous allez à l’encontre de ce que dit le jury qui a suivi les taureaux toute la saison. En plus cette course a été catastrophique, ou presque, c’est un peu dommage... C’était une petite manade.