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Ce premier samedi d’août, alors que l’on prépare la fête du Cailar, Michel Lagarde est avec ses taureaux, au Pont de Chaberton, à Saint-Laurent d’Aigouze. Il a beaucoup à dire, cet homme chez qui la passion paraît compter davantage que la renommée. Et il l’avoue lui-même : " Peut-être je ne pense pas assez à me montrer... Peut-être je suis un peu réboussié."

C’est vrai, on ne connaît sans doute pas assez Michel Lagarde et c’est dommage, car le manadier du Mas du Petit Jonquières est quelqu’un de fort attachant.

La volonté de continuer

La grande joie du jeune âge de Michel Lagarde était d’aller chez le maquignon de Saint-Césaire et de tenir un cheval par la bride, l’espace d’un instant, pour le changer de stalle. Puis, à treize ou quatorze ans, malgré les réticences parentales, il monta chez Aubanel et chez Barin. Si ses frères achetèrent le fer de ce dernier manadier, lui-même put acquérir, voilà vingt ans, quelques bêtes de même origine. Il acheta aussi, à François André, les taureaux de race Camargue venant du docteur Valin et d’origine Laurent. Quelques autres acquisitions vinrent compléter le cheptel.

" Je n’ai pas une grosse maille de taureaux, mais ils sont vifs et toujours en mouvement. Ce qui leur manque un peu, pour sortir, c’est de faire le coup de barrière. "

On en vient ainsi à évoquer la tendance qui a fait qu’on demande de plus en plus de spectacle, au détriment de l’authenticité. Mais d’autres préoccupations sont présentes dans les pensées de l’éleveur.

" Pour des manadiers qui, comme moi, ont tout créé en travaillant depuis une vingtaine d’années, le point essentiel est celui des pâturages. Sans superficie importante, rien ne peut se faire. C’est difficile d’arriver à ce que l’on veut, mais il faut se débrouiller tout seul pour être fort. Ce n’est pas en demandant des aides que l’on sort la tête hors de l’eau. Et s’il se monte toujours des petites manades, c’est seulement avec la volonté qu’elles pourront tenir. "

L’origine et l’individu

Du potentiel des pâtures découle directement la façon de procéder à la sélection. Michel Lagarde sait traduire cela en quelques mots " Il faut laisser la place aux jeunes ! "

Et, pour expliquer, il ajoute " Lorsque je vends une vache qui est bonne, on dit : "Lagarde .s’est trompé. "Non, je ne me trompe pas. La sélection, c’est bien sûr la race, mais il y a aussi l’individu. "

Sélectionner, c’est faire évoluer, en tenant compte des types d’individus au sein d’une lignée. Il faut faire des choix stricts et aller toujours en renouvelant. Mais selon quelle méthode ?

" Dans bien des manades importantes, on a peut-être perdu de vue que les courses de nuit (sans piscine), où l’on voit courir ses vaches, sont un bon critère pour la sélection. Pour moi, c’est un point très important. En fait, c est un peu a l’exemple des ganaderos espagnols qui "tientent" leurs vaches en petit comité. "

La chose semble effectivement payer aujourd’hui. Michel Lagarde est fier de posséder quelques bons cocardiers... et il est demandé. C’est de là que naît la satisfaction qui fait aussi qu’un manadier continue sur une voie pas toujours facile.

Article écrit par Alain LABORIEUX et publié dans la FdB de septembre 1977.