A mesure d’autre part que celle-ci se perfectionnait, le tonnage des navires et par conséquent leurs dimensions augmentèrent. Il leur devint impossible de franchir les nombreux seuils d’un fleuve, aux rives souvent mouvementées et surtout la barre très dangereuse, constituée par des apports d’alluvions que l’endiguement rendait de plus en plus considérables.
Cette barre, déjà, on l’a vu plus haut, forçait souvent à de longues quarantaines, à l’entrée du fleuve, les cotres et caboteurs à fond plat construits dans les chantiers d’Arles et à qui leurs voiles latines, les voiles triangulaires, envergées sur de longues antennes, permettaient de louvoyer sur le large estuaire, en profitant des vents d’est et du sud, les plus favorables à la remontée.

La grande voie de pénétration naturelle du Rhône, par laquelle les produits méditerranéens étaient acheminés depuis des siècles vers Lyon, le bassin de la Saône, le Suisse et même le Rhin, risquait donc de devenir inutilisable, faute d’un débouché praticable vers les eaux libres de la mer. Le port, la veille encore florissant, d’Arles, privé de tout trafic, allait disparaître.

1802 : Ainsi se confirmait la célèbre parole de Vauban : «  les embouchures du Rhône sont incorrigibles » Ni sa canalisation sur une seule embouchure, ni le creusement du canal d’Arles à Bouc, décidé en 1802, sous l’impulsion de Napoléon, n’avaient pu sauver son antique navigation fluviale.
Alors fut conçu le projet grandiose de lui créer une embouchure artificielle qui le ferait communiquer avec la mer en évitant la barre et qui permettrait aux navires des plus forts tonnages d’accéder jusqu’à lui, grâce a un nouveau port de transbordement.

1856 : Premier plan d’un canal, dit canal Saint- Louis, fut proposé en 1847 par Perret et Bonardel comme l’unique solution rationnelle du problème. Il fut repris en 1856 par la chambre de commerce de Lyon qui « considérant que la navigation du Rhône n’intéressait pas seulement à un très haut degré la ville de Lyon, mais aussi la France entière et une partie de l’Europe centrale, et que la perte de cette magnifique voie naturelle de communication serait une véritable calamité pour le commerce et l’industrie », demanda son exécution dans les plus bref délais.

Mais Lyon ne fut pas la seule à comprendre que nul autre emplacement ne pouvait être plus favorable que l’embouchure du Rhône à un grand port de transbordement, qui lui offrait d’incomparables facilités de trafic. Les conseils généraux d’Alger et d’Oran, les chambres de France et d’Algérie appuyèrent de leurs efforts une requête qui réunit près de 5000 signatures des principaux industriels et commerçants des 22 villes de la vallée du Rhône.

1864 : Les travaux décrétés d’utilité publique le 9 mai 1863, commencèrent en 1864, d’après les directives de l’ingénieur Sureil, qui avait dressé le plan d’un canal reliant le Rhône en amont de la barre au golfe de Fos. Malgré des difficultés de tout ordre et les fièvres paludéennes qui dévastaient les chantiers, le canal fut achevé en 1871 et le port ouvert en 1873.

1873 : Ainsi naquit, par la seule volonté de l’homme, au point de contact entre le canal et le fleuve, Port-Saint- Louis-du-Rhône, qu’on projeta un moment d’appeler Port Napoléon, et qui finalement emprunta son nom à la dernière tour-vigie qui défendait l’estuaire contre les corsaires barbaresques.

Aujourd’hui 3ème port de la Méditerranée, 5ème port de transbordement maritime et fluvial, 10ème port de France, et puissante cité industrielle, il naquit, cependant il y a moins de 70 ans, sur une morne plaine battue par les vents, avec de grands étangs çà et là, et où ne poussaient que de rares touffes de salicornes.

Seules quelques manades de chevaux et taureaux sauvages hantaient ces solitudes isolées, semblables exactement à la Camargue à laquelle le Rhône les unissait, et où l’ont se sentait véritablement au bout du monde.

1876 : En 1876 encore, il n’y avait, sur ces terres de désespoir, autour de la chapelle en ruines et de la tour, que quelques chaumières et une centaine d’habitants sans éclairage, sans école, sans église, sans commerce, et à quarante kilomètres de tout autre lieu habité.
La mairie était à Arles. « Tout est vide, écrit un témoin de l’époque ; pas un bateau, pas une marchandise, sur les deux rives le silence, la fièvre, le désert ». Une chapelle provisoire fut alors aménagée, qui dépendait de la cure de Faraman.

1881 : Quand la Compagnie Nationale de Navigation décida d’y créer son port de transbordement, le trafic atteignait à peine 30 000 tonnes.

1885 : La voie ferrée qui relie le port à Arles, ne fut construite qu’en 1885. On peut donc dire sans exagération que Port-Saint-Louis-du-Rhône, véritable miracle de l’audace et de la ténacité française, est parti exactement de rien. Mais, si ses débuts furent difficiles, il se développa bientôt à un rythme sans précédent. En 1913, son trafic total était déjà de 438 000 tonnes et en 1934 de 1 210 288 tonnes.
De même son trafic intérieur passait de 146 000 tonnes en 1886, à 350 000 tonnes en 1913 et 594 000 tonnes en 1930. Même course ascendante des recettes de douanes qui, de 3 388 913 francs en 1910, avait doublé en 1920 et étaient en 1930 soixante fois plus importantes 191 000 000 francs.

Le chenal maritime long de 4 kilomètres, large de 65 mètres, avec 7.5 mètres de tirant d’eau, débouche dans le vaste golfe de Fos, en toutes saisons praticable, sur un rivage aussi nu que ceux d’Afrique. Annoncé en mer par le phare Saint-Louis, qu’une digue relie à la terre ferme, il pique droit, à perte de vue, entre les baraques exotiques du petit bourg de pêche de Gloria, lui aussi de création récente, et, sur l’autre rive, le hameau aux cabanes camarguaises où habitent les pilotes chargés de guider les plus grands navires dans ce long chenal, à travers des étendues désertiques, qui rappellent , d’une façon saisissante, la traversée du canal de Suez.

A mesure qu’on s’approche de Port-Saint-Louis, ses bords se couvrent, au milieu des mêmes solitudes toujours, d’immenses usines et d’entrepôts qui sont là, les uns à la suite des autres, leurs quais et leurs débarcadères particuliers, et l’on peut évaluer aux vastes espaces qui restent libres encore le nombre d’entreprises nouvelles qui peuvent venir profiter des facilités uniques de ce splendide estuaire artificiel, en y créant de nouveau points d’accostages en darse.

Le bassin du port a une superficie de 12 hectares, et offre à la manutention 858 mètres de quai. Il communique avec le Rhône au moyen d’un second chenal et d’une écluse de 184 mètres de long sur 22 mètres de large. Sur le fleuve même , un port fluvial s’étend sur 700 mètres de quais, accessibles aux péniches, voiliers, moto-voiliers et navires à faible tirant d’eau.

1904 : Port-Saint-Louis fut érigée en commune. Sa gestion, qui avait été confiée en 1876 à la Chambre de Commerce de Marseille,

1909 : Sa gestion passa, à la Chambre de Commerce d’Arles, qui approfondit le chenal et les bassins, améliora les voies des quais, y établit des égouts, pava les terre-pleins et construisit le grandiose pont levant pour l’époque, reliant , au-dessus de l’écluse, la rive sud au reste du port.

1915 : : L’augmentation du trafic pendant la guerre 1914-1918 nécessita l’installation de 8 grues de 10 tonnes, fixes ou flottantes, qui équipaient encore le port.

1932 : Port-Saint-Louis devint chef lieu de canton.

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