La tradition du feu, nous la retrouvons dans " Lou Cacho-fiò " * , c’est-à-dire, la bénédiction de la bûche qui apporte fécondité et abondance sur la maison.
" Cacho-fiò, bouto fiò
Calen vèn, tout bèn vèn ".

Le soir de Noël, il était de coutume que l’on apportât un tronc d’arbre fruitier (à noyaux) mort dans l’année.
L’aïeul et le " cago-nis " (le plus jeune) lui faisaient effectuer à trois reprises le tour de la pièce, tandis que les mains de tous les présents se tendaient pour le toucher. Puis la bûche était posée sur des sarments secs et le bois allumé avec un charbon de l’année précédente.
La cérémonie se terminait sur une libation avec du vin cuit (que l’on remplaçait suivant les lieux par du miel, du lait ou de l’huile d’olive).

Alors que montait la flamme, le chef de la maison prononçait les paroles sacramentelles :

" Alègre, alègre
Mi beùs enfant, Diéu nous alègre !
Emé Calèndo tout bèn vèn
Diéu nous fague la gràci de vèire l’an que vèn
E se nous sian pas mai
Que noun fuguen pas mens.
Alègre, alègre ".

F. Mistral (Mémorie raconte)

Cet appel à la résurrection de la nature par l’offrande de la bûche montre la solidité des liens noués avec ces temps antiques où des peuples de pasteurs accomplissaient ces rites magico-religieux, invoquant tout comme le père de Mistral, les forces fécondatrices :

Souche baudisse
Deman sera panisse
Tout ben ça y entre !
Fremes enfantan
Cabres cabrian
Fedes aneillan
Pron bla e pron farino
De vin une pleno tino ".

Que la souche se réjouisse !
Demain c’est le jour du pain
Que tout bien entre ici
Que les femmes enfantent
que les chèvres chevrotent
Les brebis agnellent
Qu’il y ait beaucoup de blé et de farine
Et une pleine cuve de vin.

Quant aux cendres, on avait garde de les conserver : répandues sur la table, elles apportaient l’abondance dans la maison ; serrées dans l’armoire à linge elle "enmasquaient" celui qui vous jetait des sorts et vous garantissant de l’incendie, elle vous assuraient la santé ;

" Fià de Calèndo e pan d’oustau
Per la Santa i’ a ren de tau "

Dans la cheminée la bûche se consume lentement : elle doit durer jusqu’aux Rois.

Recueillis autour de la crèche dans laquelle les santons d’argile peints représentent la nativité, les membres de la famille rayonnent de joie.
Joie de Noël, Joie du mystère joué dans la Palestine provençale, entre des pins de dentelle noire et des figuiers aux ramures grises, au cœur des collines odorantes brûlées par cette poussière glacée qui tombe du firmament...

N. P.