B et T : donc un président peut tirer une course vers le bas ?

C. P. : Exactement, et c’est ce qui s’est passé lundi et le jour du Congrès.
Son rôle c’est de la tirer vers le haut. Un jour, un manadier dont je citerai le nom, Claude Saumade, m’a dit « Tu sais faire croire aux gens que cela en est même quand cela n’en est pas  ».
C’était suite à une course de la manade Lafont aux arènes de Lunel avec Furet, frères et sœurs.
Je ne parle pas de hier. Ce sont des souvenirs qui remontent à la surface…
Claude m’avait fait cette réflexion à la fin de la course ; c’était toute une ambiance et j’avais su, ce jour-là, mettre ce qu’il fallait quand il le fallait.
Bon, parler ainsi de moi c’est un peu gênant….

B et T : Certes mais c’est aussi dans la spontanéité des discussions après course qu’on reconnait un bon président de course.
Un président anime mais, depuis quelque temps, on lui demande d’être « chef de course » en lui demandant d’appliquer moult règlements et de jouer l’arbitre en capacité de distribuer des cartons jaunes, rouges, etc…

C. P. : c’est une évolution qui survient car on a, peut-être, donné des responsabilités à des gens qui ne sont pas en mesure de les prendre.
On me parle des juges de piste qui maintenant sont nommément désignés.
Tous les spectateurs, les raseteurs que les juges de piste sont là, à tel endroit et compagnie.
Moi, de tout temps, j’ai eu des juges de piste mais qui n’étaient pas nommément désignés. Donc ces gens-là me donnaient un coup de main. Grâce à eux, et je peux en citer comme Jeannot Cabanis qui se mettait entre le toril et la buvette aux vestiaires des raseteurs à Lunel. Je me fiais à lui sur certaines décisions que j’avais à prendre.
Les gens disaient «  Chabanon il voit tout ! » mais mon Chabanon il ne voyait pas tout, ce n’était pas possible mais je me fiais au geste de Cabanis.
J’avais Patrice Meneghini aussi qui me donnait un coup de main. Roland Guerrero aussi mais personne ne le savait. Donc ils me faisaient un geste, moi je prenanais ma décision, je prenais mes responsabilités et la course se déroulait bien.
Actuellement on voit un juge de piste qui prend une décision et on lui crie dessus. On va même jusqu’à lui taper dessus.
Non, ce sont des choses que je déplore parce que pour moi le spectacle de la Course Camarguaise ce n’est pas un combat de boxe. Tout le monde va aux arènes pour se régaler.
Il est nécessaire que les manadiers, les raseteurs, le président de course et surtout les spectateurs prennent plaisir. Essayons d’aller aux courses de taureaux avec cette mentalité, essayons d’en retirer le positif et non pas l’inverse.

A la présidence...

B et T : Peut-on penser que pour pallier l’ennui sur les gradins on puisse voir apparaitre une frange de spectateurs qui espère y voir autre chose comme une dispute, un accident ou autre ? Crois-tu qu’il y ait une dérive ?

C. P. : Certainement mais qu’il y ait une ambiance tendue à cause de la compétition c’est inévitable.
Je ne sais pas s’il y a dérive. Marquer des points, ne pas marquer des points pour que les tourneurs rentrent…
Je lisais dernièrement un article qui date de très longtemps puisque c’était en 1988 ; une finale du Trophée Pescalune qui avait servi de support au jubilé de Patrick Castro où il y avait 17 raseteurs en piste et 8 tourneurs. Seulement à l’époque les tourneurs étaient aux ordres du raseteur.
Maintenant on a des raseteurs qui sont de plus en plus jeunes, de plus en plus physiques et qui ne sont plus à la commande du raseteur mais l’inverse, c’est le raseteur qui est à la commande du tourneur !

B et T : et en plus, un raseteur peut tourner pour plusieurs raseteurs

C. P. : En plus ! Avant, avec 8 tourneurs on n’avait pas plus le b…. en piste alors que maintenant lorsqu’ils sont 3 ou 4 on arrive à l’avoir.
Ce sont des chose incompréhensibles.
Alors, est-ce la faute des tourneurs, est-ce la faute à l’évolution de la Course Camarguaise ?
Les raseteurs ont évolué puisqu’il y a plus de préparation physique, ce sont des sportifs.
Prenons l’exemple de deux tourneurs Léo Dupont et Paul Garric. C’étaient des gars qui faisaient 120 kilos. J’en discutais avec Emile Dumas dernièrement et il me disait : « Moi, Paul si je l’avais envoyé au charbon comme le font les tourneurs maintenant il aurait fait un taureau mais il n’en aurait pas plus fait  ».
Dans l’arène Paul était à côté d’Emile et si ce dernier n’avait pas envie de faire un raset eh bien, Paul Garric n’en était pas à courir derrière les taureaux. Par contre quand Emile voulait partir il disait « Paul, maintenant ! » et Paul allait au taureau et l’appelait. Léo Dupont c’était la même chose. Ce n’étaient pas des garçons qui courraient comme des dératés pendant six taureaux.
Là-dessus, indiscutablement, il ya eu évolution. Comment l’arrêter ou plutôt, comment la gérer ? On ne peut pas arrêter une évolution mais pour la gérer il faudra une prise de conscience de tout le monde : allons aux taureaux pour se faire plaisir !
C’est le leitmotiv de mon retour au micro.

(A suivre...)