I/ Origines

Le Rhône, avant d’être endigué, éclatait, à travers les étangs en de nombreux bras aux cours variables, surtout en périodes de hautes eaux, et qui communiquaient entre eux par des brassières. Son delta s’étendait alors du golfe de Fos à Aigues-Mortes et était soumis au régime que celui du Nil. Lessivant ses terres salées, les crues périodiques du fleuve y déposaient un limon bien faisant et la Camargue, que les anciens avaient nommée le grenier à blé de l’Armée des Gaules, justifia jusqu’au XVIe siècle, autour de ses riches abbayes et de ses châteaux, cette réputation de fertilité.
Situé entre le Rhône mort du Galéjon et le bras qui tour à tour s’appela Rhône de Passon et Bras de Fer, la région ou s’élève aujourd’hui Port saint Louis du Rhône, et qui est constitué par la partie la plus marécageuse de l’ile du Plan du Bourg, appartenait donc au delta. Ainsi s’applique que, bien que faisant en apparence partie de la Crau, puisqu’elle est aujourd’hui située sur la rive gauche du fleuve, elle reste cependant Camarguaise tant par sa fleuve et sa faune que par les mœurs de ses habitants et le caractère de ses paysages.

Xe siècle av JC
C’est une région dont l’entrée dans l’histoire est relativement récente. Le Bas Plan du Bourg représente une conquête de la terre sur la mer, qui s’est faite peu à peu, du Xe siècle avant JC au Xe siècle de notre ère. Aux époques Grecques et Romaine, le littoral suivait, des Saintes-Maries à Fos, une ligne qui peut être jalonnée par la Gachole, l’étang du Fangassier et les rochers de la Roque d’Odor, au nord-est de Saint Louis. Des îlots et Fos, où le Rhône tracera son embouchure.

Ve siècle de notre ère.
Mais depuis la plus haute antiquité, les escadres marchandes d’Orient, de Grèce et d’Italie, remontaient le dédale de voies d’eau du delta jusqu’au grand port maritime et fluvial d’Arles, véritable relais entre la navigation maritime et la navigation intérieure, où les marchandises étaient transbordées des bâtiments de haute mer à la batellerie fluviale et dont les vastes chantiers de constructions navales de la Roquette et de Trinquetaille, en pleine activité dès l’époque celtique, alimentaient en navire ces deux flottes.

XIIe-XI siècle
Cet immense trafic de denrées souvent précieuses devait fatalement tenter les pillards et la complication de ce vaste réseau de voies d’eau était particulièrement propice à leurs incursions. Il subit tour à tour l’assaut des corsaires normands et barbaresques ; les galiotes turques continuaient d’y pirater au XVIIIe siècle et un navire anglais attaquaient encore les barques, il y a à peine plus de 150 ans, au Grau d’Orgon.

 II/ Les temps modernes

Des tours et forteresse furent alors édifiées tant pour parer a ce danger, que pour guider par leurs feux les navires et percevoir les droits de douanes sur leurs cargaisons. Détruites et reconstruites, à travers les âges, elles suivaient dans leurs changements de cours les bras qu’elles avaient pour mission de défendre et que les atterrissements successifs détournaient de leur tracé primitif.

1572
C’est ainsi que le changement du lit du Rhône en 1588 fit abandonner la tour du Boulouvard, qu’occupaient trente soldats avec deux gros canons, deux fauconneaux, neuf arquebuses et quatre mousquets, pour le Fort du Grau d’Enfert, construit sur la nouvelle branche de Passon et pour la tour du Tampan, aujourd’hui Tourvieille, sur le Rhône du Bras de Fer.
Le fleuve s’en étant écarté de cinq kilomètres, celle-ci fut remplacée en 1658 par la tour de Saint Genest, construite comme les précédents aux frais de la communauté d’Arles, sur l’ils des Pougaudes, par l’ingénieur Jean Wortcamps et Antoine Paulet, pour les sculptures.

1720
Puis de nouvelles îles se créèrent et elle fut désarmée à son tour, après le changement de lit en 1711. Le nouveau bras dit canal des Launes, fut creusé et endigué et il fallut élever une nouvelle tour pour défendre l’embouchure de ce nouveau Rhône moderne, désormais prisonnier.

1737
L’ingénieur du Roi Senez fut chargé du devis. Les consuls d’Arles, après avoir revendiqué la faveur de l’élever, se ravisèrent en trouvant cette dépense trop onéreuse. M de Vacquières, subdélégué de l’intendant Latour, la donna alors à prix fait, en 17387, à Guillaume Pillier, Richard Peyre et Gaspard Brunet et elle fut payée
Par un impôt spécial de cinq sols par minot de sel débité dans les greniers de Provence, Dauphiné, Languedoc, Lyonnais et Auvergne. A la fois phare, poste de douane et poste de protection contre les Barbaresques, la tour reçut une garnison de quelques invalides avec trois canons. Elle fut baptisée Tour Saint Louis, du nom d’une chapelle dédiée au Roi Saint Louis et qui avait été érigée sur ses terres perdues, afin que les équipages qui attendaient parfois pendant plusieurs semaines, devant la barre, un temps favorable à son franchissement, fussent pas privés d’offices religieux. Encore cet ermitage battu par les vents étaient-il si irrégulièrement desservi qu’un particulier, un beau jour, déroba la clef et le changea en entrepôt.

1778
Baliseurs et pêcheurs durent, en 1778, s’adresser à Monseigneur du Lau, archevêque d’Arles, pour qu’il y envoyât chaque dimanche un chapitain de Saint Trophime.

1790
Les atterrissements du Rhône continuaient, cependant, qui devaient peu à peu porter son embouchure à dix kilomètre de la Tour. Celle-ci devint, sous la révolution, la Tour des embouchures, puis la Tour Monnaidière.
Mais l’apparition des chemins de fer allait porter un coup grave à la navigation, encore aussi prospère dans la première moitié du XIXe siècle que sous les Césars et qui était basée sur les échanges entre le Rhône maritime et le Rhône intérieur dans le port d’Arles, consacré ville frontière maritime par lettre patentes de Henry III, en 1577.

 III/ Epoque contemporaine.

1848
Le premier « bateau à feu », le Pionnier, bâtiment à aubes, à coque de bois et fond plat, avait été lancé sur le Rhône en 1829 et il accomplissait le trajet d’Arles à Lyon en quarante huit heures, avec un chargement de 115 tonnes. Mais la ligne Lyon -Marseille, dont Lamartine avait fait adopter en 1842 le tracé par Arles, fut inaugurée en 1848, elle offrait a bas prix des transports dont même la navigation a vapeur ne pouvait concurrencer la rapidité.
A mesure d’autre part que celle-ci se perfectionnait, le tonnage des navires et par conséquent leurs dimensions augmentèrent. Il leur devint impossible de franchir les nombreux seuils d’un fleuve, aux rives souvent mouvementées et surtout la barre très dangereuse, constituée par des apports d’alluvions que l’endiguement rendait de plus en plus considérables. Cette barre, déjà, on la vu plus haut, forçait souvent à de longues quarantaines, à l’entrée du fleuve, les cotres et caboteurs à fond plat construits dans les chantiers d’Arles et à qui leurs voiles latines, les voiles triangulaires, envergées sur de longues antennes, permettaient de louvoyer sur le large estuaire, en profitant des vents d’est et du sud, les plus favorables à la remontée.

La grande voie de pénétration naturelle du Rhône, par laquelle les produits méditerranéens étaient acheminés depuis des siècles vers Lyon, le bassin de la Saône, le Suisse et même le Rhin, risquait donc de devenir inutilisable, faute d’un débouché praticable vers les eaux libres de la mer. Le port, la veille encore florissante, d’Arles, privée de tout trafic, allait disparaitre.

1802
Ainsi se confirmait la célèbre parole de Vauban : « les embouchures du Rhône sont incorrigibles » Ni sa canalisation sur une seule embouchure, ni le creusement du canal d’Arles à Bouc, décidé en 1802, sous l’impulsion de Napoléon, n’avaient pu sauver son antique navigation fluviale.
Alors fut conçu le projet grandiose de lui créer une embouchure artificielle qui le ferait communiquer avec la mer en évitant la barre et qui permettrait aux navires des plus forts tonnages d’accéder jusqu’à lui, grâce a un nouveau port de transbordement.

1856
Premier plan d’un canal, dit canal St Louis, fut proposé en 1847 par Perret et Bonardel comme l’unique solution rationnelle du problème. Il fut repris en 1856 par la chambre de commerce de Lyon qui « considérant que la navigation du Rhône n’intéressait pas seulement à un très haut degré la ville de Lyon, mais aussi la France entière et une partie de l’Europe centrale, et que la perte de cette magnifique voie naturelle de communication serait une véritable calamité pour le commerce et l’industrie », demanda son exécution dans les plus bref délais.
Mais Lyon ne fut seule à comprendre que nul autre emplacement ne pouvait être plus favorable que l’embouchure du Rhône à un grand port de transbordement, qui lui offrait d’incomparables facilités de trafic. Les conseils généraux d’Alger et d’Oran, les chambres de France et d’Algérie appuyèrent de leurs efforts une requête qui réunit près de 5000 signatures des principaux industriels et commerçants des 22 villes de la vallée du Rhône.

1864
Les travaux décrétés d’utilité publique le 9 mai 1863, commencèrent en 1864, d’après les directives de l’ingénieur Sureil, qui avait dressé le plan d’un canal reliant le Rhône en amont de la barre au golfe de Fos. Malgré des difficultés de tout ordre et les fièvres paludéennes qui dévastaient les chantiers, le canal fut achevé en 1871, et le port ouvert en 1873.

1873
Ainsi naquit, par la seule volonté de l’homme, au point de contact entre le canal et le fleuve, Port Saint Louis du Rhône, qu’on projeta un moment d’appeler Port Napoléon, et qui finalement emprunta son nom à la dernière tour-vigie qui défendait l’estuaire contre les corsaires barbaresques.
Aujourd’hui 3e port de la Méditerranée, 5e port de transbordement maritime et fluvial, 10e port de France, et puissante citée industrielle, il naquit, cependant il y a moins de 70 ans, sur une morne plaine battue par les vents, avec de grands étangs çà et là, et où ne poussaient que de rares touffes de salicornes.
Seules quelques manades de chevaux et taureaux sauvages hantaient ces solitudes isolées, semblables exactement à la Camargue à laquelle le Rhône les unissait, et où l’ont se sentait véritablement au bout du monde.

1876
En 1876 encore, il y avait, sur ces terres de désespoir, autour de la chapelle en ruines et de la tour, que quelques chaumières et une centaine d’habitants sans éclairage, sans école, sans église, sans commerce, et à quarante kilomètres de tout autre lieu habité.
La mairie était à Arles. « Tout est vide, écrit un témoin de l’époque ; pas un bateau, pas une marchandise, sur les deux rives le silence, la fièvre, le désert ». Une chapelle provisoire fut alors aménagée, qui dépendait de la cure de Faraman.

1881
Quand la Compagnie Nationale de Navigation décida d’y créer son port de transbordement, le trafic atteignait à peine 30 000 tonnes.

1885
La voie ferrée qui relie le port à Arles, ne fut construite qu’en 1885. On peut donc dire sans exagération que Port saint Louis du Rhône, véritable miracle de l’audace et de la ténacité Française, est parti exactement de rien. Mais, si ses débuts furent difficiles, il se développa bientôt à un rythme sans précédent. En 1913, son trafic total était déjà de 438 000 tonnes et en 1934 de 1 210 288 tonnes.
De même son trafic intérieur passait de 146 000 tonnes en 1886, à 350 000 tonnes en 1913 et 594 000 tonnes en 1930. Même course ascendante des recettes de douanes qui, de 3 388 913 francs en 1910, avait doublé en 1920 et étaient en 1930 soixante fois plus importantes 191 000 000 francs.
Le chenal maritime long de 4 kilomètres, large de 65 mètres, avec 7.5 mètres de tirant d’eau, débouche dans le vaste golfe de Fos, en toutes saisons praticables, sur un rivage aussi nu que ceux d’Afrique. Annoncé en mer par le phare Saint Louis, qu’une digue relie à la terre ferme, il pique droit, à perte de vue, entre les baraques exotiques du petit bourg de pêche de Gloria, lui aussi de création récente, et, sur l’autre rive, le hameau aux cabanes Camarguaises où habitent les pilotes chargés de guider les plus grands navires dans ce long chenal, à travers des étendues désertiques, qui rappellent , d’une façon saisissante, la traversée du canal de Suez.
A mesure qu’on s’approche de Port Saint Louis, ses bords se couvrent, au milieu des mêmes solitudes toujours, d’immenses usines et d’entrepôts qui sont là, les uns à la suite des autres, leurs quais et leurs débarcadères particuliers, et l’on peut évaluer aux vastes espaces qui restent libres encore le nombre d’entreprises nouvelles qui peuvent venir profiter des facilités uniques de ce splendide estuaire artificiel, en y créant de nouveau points d’accostages en darse.
Le bassin du port a une superficie de 12 hectares, et offre à la manutention 858 mètres de quai. Il communique avec le Rhône au moyen d’un second chenal et d’une écluse de 184 mètres de long sur 22 mètres de large. Sur le fleuve même , un port fluvial s’étend sur 700 mètres de quais, accessibles aux péniches, voiliers, moto-voiliers et navires à faible tirant d’eau.

1904
Port Saint Louis fut érigée en commune. Sa gestion, qui avait été confié en 1876 à la Chambre de commerce de Marseille,

1909
Sa gestion passa, à la Chambre de commerce d’Arles, qui approfondit le chenal et les bassins, améliora les voies des quais, y établit des égouts, pava les terres plains et construisit le grandiose pont levant pour l’époque, reliant , au dessus de l’écluse, la rive sud au reste du port.

1915
L’augmentation du trafic pendant la guerre 1914-1918 nécessita l’installation de 8 grues de 10 tonnes, fixes ou flottantes, qui équipaient encore le port.

1932
PSL devint chef lieu de canton.

IV : essor de Port Saint Louis
Port Saint Louis importe les essences, las phosphates, les pyrites, le blé, le bois, le charbon, la pâte à papier, les minéraux, l’alfa, les huiles minérales, le bitume, les goudrons, les nitrates, le crin et surtout les vins d’Afrique du Nord, dont le trafic de plus en plus important a fait décider la création d’un nouveau par de stockage des futs et l’agrandissement des bassins.
Ses principales exportations sont la chaux, les ciments, les essences, les farines, les foins, le sel, les terres et sables réfractaires, les huiles minérales et les nitrates.
Grâce a l’étendue sans limite de ses terres-pleines, d’énormes stocks qui ne pourraient être que coûteusement entreposés sur les quais de Marseille, peuvent séjourner sans inconvénient et à peu de frais, à Port Saint Louis, que ces commodités désignent tout naturellement pour devenir un port spécialisé dans les marchandises encombrantes, le port à près de 9 kilomètres de quai au total.
De nombreuses compagnies de navigation s’y sont établies, car les taxes de péages y sont notablement plus faibles qu’ailleurs. Sa situation exceptionnelle à l’embouchure même du Rhône, en outre, permet l’acheminement des marchandises par la voie fluviale qui est, de beaucoup, la plus économique, et il offre encore le bénéfice qu’on y paie pas de droits d’allège, car le transbordement des marchandises s’y fait directement des cargos sur les péniches qui remontent le Rhône, où vice-versa.
Mêmes avantages, d’ailleurs, pour les transports par fer. Sur tous les quais, le rail va jusqu’aux navires et les wagons eux-aussi sont chargés directement. Quarante kilomètres de voie ferrée à travers la pampa cravenque les conduisent alors jusqu’à Arles sur la grande ligne ; Tarascon, plaque tournante de tout trafic vers le sud-ouest, ou Miramas pour la côte d’Azur et l’Italie, se trouve ainsi à une distance bien moindre de Port Saint Louis que de Sète que de Marseille.
Immense, apparait l’avenir de Port Saint Louis, à la lueur de ses considérations. Avant-port naturel de Lyon, il deviendra de plus en plus ; le port franc de la Suisse ; l’ouverture de la navigation entre Lyon et Genève doublera le trafic fluvial, qui se reliera par la Saône à celui du Rhin et le Rhône redeviendra, comme dans l’antiquité, la grande artère du commerce méditerranéen avec l’Europe centrale.
Port Saint Louis atteindra alors à la prédominance maritime qui, pendant tant de siècles, appartint à Arles ; mais la capitale Constantinienne verra du même coup renaître une activité florissante dans son port qui, exclusivement fluvial désormais, gagne au développement de Port Saint Louis une importance croissante comme port de triage des barques et des péniches.

Au fur et à mesure, cependant, que des cargos d’Afrique du Nord, d’Egypte, de Syrie et même d’Amérique et de Scandinavie amenaient de nouvelles marchandises dans ses bassins de transbordement, des usines, profitant des vastes terrains immédiatement utilisables à Port Saint Louis, s’élevèrent des steppes, hier encore désertes, pour traiter les marchandises importées. Ici les arrivages de blés ont donné naissance à la minoterie la plus vaste et la plus moderne de France. Là, en plein Far-West Paludéen, d’énormes usines de produits chimiques extraient des goudrons de brai, la naphtaline et la benzine, entreposée dans des réservoirs de 10 millions de litres. Plus loin, 5 raffineries, rivales par l’importance, traitent les huiles que nous envoie l’Empire et régénèrent celles qui sont usagées. Les bois alimentent de colossales papeteries régionales, dont les machines sont uniques dans notre industrie nationale.
Au même rythme que cet essor industriel, une ville ouvrière est née, isolant près de 6000 ouvriers sur ces terres perdues, où il semblait qu’âme qui vive jamais ne dût s’aventurer.
Tout a été si vite qu’il a fallu souvent se contenter d’improviser, dans cette ville inattendue, qui a eu le développement soudain d’un comptoir colonial et qui en garde les aspects pittoresques.
Il n’est pas rare, au faubourg Foch, de se retrouver nez à nez, en rentrant chez soi, le soir, avec quelques taureaux et chevaux sauvages. Tel autre quartier qui rappelle la zone des anciennes fortifications de Paris, touche aux Salins de la Compagnie du Midi et presque peut-on se livrer, dans les rues mêmes à la chasse au marais, sur le faubourg bien nommé de Venise, que borde l’étang de Mallebarge.
Là, l’ingénieur n’a pas encore réussi à faire pousser un arbrisseau au tour de sa maison toute neuve, qui ressemble à un bungalow et l’on se rend par une passerelle à une sorte de tennis lacustre, coulé en plein marais.
Il y a même à Port Saint Louis un village nègre, où, tout comme a Tombouctou, les cases sont construites avec des tôles hors d’usage, des bidons, de vieilles caisses et une totale négligence de tout plan préconçu. Des Berbères n’y semble nullement dépaysés devant des étendues seulement peuplées de mirages et étrangement évocatrices de la Hammade Marocaine.
Car toutes les races ont contribué à la formation de cette population, elle aussi réunie artificiellement, et qui a été recrutés sous les climats les plus divers ; russes annamites, espagnols, italiens, roumain, turc, grecs, portugais donnent à chaque quartier où ils se sont regroupés, en gardant leur façon de vivre, le pittoresque d’un pays lointain.
Une importante colonie grecque habite le faubourg Hardon, qui porte le nom d’un des premiers pionniers de la cité, auquel sa réalisation est due pour une grande part, et Port Saint Louis a solennellement reçu en 1942 sa petite fille, Madame la Maréchale Pétain, revenue sur ces lieux où elle fut témoin de ces travaux.
La reconnaissance publique a dédié à cet ingénieur hardi le quartier neuf, où de vraies rues ont été aménagées et percées, à travers l’ancien maquis de bicoques de fortune.
Car d’importants travaux d’urbanisme et d’assainissement sont poursuivis à Port Saint Louis, où tous les habitants ont participé aux miracles. Et tous y sont au travail pour bâtir quelque chose de plus grand encore ; cette résolution se lit sur les visages d’une jeunesse exceptionnellement saine, solide et nombreuse.
Le mélange du sang français avec de tous les peuples de la Méditerranée y a créé une race neuve, où l’o ne remarque pas moins la vigueur des garçons que la beauté des jeunes filles.
Les familles de huit et dix enfants n’y sont pas rares et plus de mille élèves animent les écoles.
Mais loin de se croire isolés moralement, comme ils le sont géographiquement, tous savent que, pour être lointaine, l’antique terre sur laquelle ils ont bâti, de toutes pièces, une cité, appartient au passé de la Provence, qu’ayant créé à l’embouchure de son plus grand fleuve, un port en plein essor et ouvert au Pays d’Arles son accès vers la mer, ils ont renoué une tradition et rallumé le flambeau.

Par eux, c’est l’ancien cabotage aux voiles latines qui a ressuscité dans les basses eaux du Rhône ; ce sont les navires du Levant qui ont retrouvé cette route fluviale d’Arles par laquelle ils acheminèrent, de l’antiquité au moyen âge, leurs marchandises en Europe occidentales ; fa ce à la Méditerranée, ou les plus vieux hommes du Delta virent poindre les trières doriennes, c’est la grande pensée de Mistral, revigorée par la fidélité au Maréchal, qui dirige cette jeunesse ardente ces ses destins nouveaux