« Président,


C’est à vous que nous devons les courses de taureaux avec mise à mort dans le Midi de la France.
Bien qu’elles fussent entrées depuis un demi-siècle dans les traditions du peuple méridional - depuis l’origine elles lui appartenaient par les profondeurs - une commission parlementaire avait été nommée, en 1900 pour statuer sur elle. Seul contre la commission entière vous êtes parvenu à faire triompher la foi...

Vous êtes né et vous avez été nourri dans la religipn du taureau...
Dans votre bureau de l’Élysée entre une bibliothèque et un jardin, qu’il serait charmant de causer taureaux (et rien que cela, grand Dieu !).
C’est vous qui me le raconteriez : tout petit garçon, quand votre père vous emmenait à la course du village, il avait la coquetterie de passer, la course déjà en train, le plan où le taureau était lâché. Il vous tenait fortement le poignet, tout de même vous étiez bien content que la bête fût de l’autre côté... »

GASTON DOUMERGUE ne devait jamais oublier son village natal.
Il y vint en tant que Président les 12 et 13 octobre 1924 et y fut reçu par le Maire M. FOURNET et dut serrer des mains amies pendant près d’une heure dans la salle du rez-de-chaussée de la Mairie. (Nicolas LASSERRE "Aigues-Vives et ses hommes célèbres").

Le 30 juin 1931 il quitte l’Elysée où il devait revenir en 1934 pour un court
passage, le temps de remettre le calme dans esprits.

1931 c’est donc le "Au-revoir" à Paris, mais c’est aussi le retour à la bouvino : les 2, 3 et 4 octobre des fêtes sont données dans son village en son honneur et l’on édite à cette occasion un programme que voici :

Le vendredi 2 octobre :

  • à 15 H, courses de vaches
  • à 21 H, au Casino Municipal, grande représentation "Le voyage en Chine", opéra comique en 3 actes, interprété par des jeunes filles et jeunes gens de la localité. (Au passage on notera que sans trompettes ni tambours, sans besoin d’assises culturelles, on savait monter sur les planches dans nos villages gardois).

Le samedi 3 octobre :
course de gala des 6 as de GRANON offerte à M. Gaston DOUMERGUE, ancien président de la République par son compatriote M. GRANON-COMBET.

Dimanche 4 octobre :
brillante course de 6 taureaux neufs, manade GRANON.

Revenons à la course de gala.
Elle se composait sur l’affiche de

  • "CANARIO", porteur d’une cocarde à 100 F et 2 glands à 50 F chacun
  • "LONDRES" porteur d’une cocarde à 150 F et 2 glands à 50 F chacun
  • "MOUNLA" porteur d’une ccarde à 400 F et de 2 glands à 150 Fo chacun
  • "CLAIRON" porteur d’une cocarde à 400 F et de 2 glands à 150 F chacun
  • "ORPHELIN" porteur d’une cocarde à 300 F et de 2 glands à 125 F chacun
  • "PATY" porteur d’une cocarde à 100 F et de 2 glands à 50 F chacun.

C’était le 3 octobre 1931.
A la tribune d’honneur avaient pris place entre M. Gaston DOUMERGUE et Madame, M. MOUNIER, Préfet du Gard et son épouse, M. VEDEL, Maire d’AIGUES VIVES et Madame, le Capitaine de Gendarmerie en grand uniforme, Madame et Mademoiselle COMBES, M. BOUZANQUET , OLIVIER BRUN et bien d’autres.
Le GROS de l’afecioun et des traditions était là.

Ce que fut la course, la revue BIOU Y TOROS nous le dit :
« Le Charmentoun qui remplaçait le LONDRES fit sa course ainsi que le CANARIO, sans incident.
BENOIT décocarda le premier, REY le deuxièrne ; ficelle pour REY et GRANITO.
La magnifique présentation du "MOUNLA" fit sensation, BISCOREL l’entreprit et BENOIT, dans un raset magistral prit la cocarde, faisant éclater l’ovation.
Les glands généreusement sur-primés ne furent pas enlevés.

En ce 3 octobre 1931 le SANGLIER parut en piste pour la dernière fois et par deux fois, il montra qu’il n’avait rien perdu de son ardeur.
Sa rentrée au toril se fit sous une immense ovation.

"LE CLAIRON" décédé au combat, eut sa cocarde coupée par GARONNE et REY manqua se faire encorner.
De plus le taureau s’en prit aux spectateurs des "théâtres" les estrades édifiées pour la circonstance et essaya d’en accrocher plus d’un !
A ce biòu BENOIT exécuta un raset admirable.
Vu le danger présenté, la Présidence ordonna la rentrée du Cornupède avant le temps réglementaire.

"L’ORPHELIN" eut la cocarde coupée par BENOIT, PERRET enleva l’attribut et un gland, l’autre gland revenant à BISCOREL.

LE PATY eut la cocarde coupée par TOUSSAINT.

C’était alors l’époque où rien n’était facile et où l’argent était au bout des cornes !
Indiscutablement, cette course a marqué l’histoire taurine AIGUES-VIVOISE et l’on se doit de noter qu’elle a marqué un tournant dans l’afecioun de ce village.
En effet, elle se déroula dans le "nouveau Plan", autrement dit les Arènes actuelles, auparavant les courses avaient lieu au site situé aux abords de la route de MUS.

Depuis, bien des cocardiers ont foulé la piste AIGUES-VIVOISE, bien des exploits ont été inscrits au crédit de nos raseteurs et l’on dit que les jours de
course, l’ombre de Gastounet hante les lieux pour applaudir ceux qui, aujourd’hui comme hier, affrontent le taureau Camargue.

Tant il est vrai que à AIGUES VIVES l’aficion est toujours bien vivante.

[1Brinder :
1er sens : porter un toast, trinquer
2ème sens : du castillan "brindar" (exemple "brindar un toro")
offrir, dédier
NdR

[2Les Bestiaires : deuxième roman de Montherlant, auteur passionné par el toreo au point de mettre à mort des becerros (doublens) dans une plaza
NdR