Tout est question d’ambiance dans les retrouvailles des anciens dé la piste, comme ce fut par exemple le cas ce dernier dimanche à la manade Clauzel au domaine de Saint-Antoine.
On revoit des têtes qui ne faisaient plus partie du paysage habituel, on échange des signes avec des copains qu’on avait un peu oubliés, les César, Volle , Mourret, Dupin de Bellegarde qui n’assistaient plus aux courses depuis longtemps et qui reviennent depuis peu se retremper dans la Bouvine.

Et on a la joie de partager les souvenirs des temps heureux où l’on rasetait devant les charrettes contre lesquelles il fallait éviter de buter.
« Antoine, tu te souviens quand on allait à Sainte-Anastasie ? »
S’il s’en souvient, Antoine Genieys !
« C’était vraiment extraordinaire. On rasetait sur la place du village où, autour des platanes, est installée au beau milieu une fontaine. Celle-ci était ceinturée de quatre madriers que des petits malins s’empressaient toujours de bien savonner. On arrivait dessus, le taureau aux fesses et immanquablement on atterrissait dans le bassin ! ».

Le spectacle, comme l’on pense, y gagnait à coup sûr quelques gags désopilants et les anciens se disent, à la réflexion, que ces courses de Sainte-Anastasie valaient bien leur pesant de pantalons trempés et de savates réformées.
« C’est sûr, on redoutait cette course au bassin mais pourtant on était bien contents d’y participer ».
Et aussi les courses de Gallargues, d’Aigues-Mortes ou de Saint-Geniès-de-Malgoirès « C’était pas de la tarte !
Même que le Charles, il a pris un sacré »paing » à Gallargues qui l’a envoyé à l’hôpital ».

 <span style="color:#000000;">{{C'était au temps de « Vovo »...}}</span>

On a des souvenirs plein la tête, et défilent dans la mémoire des images qui n’ont jamais jauni.
« Tu te rappelles, dit Imbert de Mauguio, cette course extraordinaire de « Vo-vo » au printemps 51 à Nîmes ! ».
Cette course, personne ne l’a oubliée, nul ne l’oubliera.
« Ce fut un moment grandiose, raconte Charles Fidani. Le taureau d’Aubanel a sans doute effectué ce jour-là — c’était le 4 mai — la plus formidable course que jamais un taureau réussira. Déchaîné, méchant comme jamais, constamment engagé à fond au dessus des planches qu’il faisait exploser. C’est bien simple, »Vovo » a plié dix-sept piliers et, au bas de la présidence tout un côté de la barrière avait cédé sur une quarantaine de mètres !
Oui, ce fut un moment extraordinaire qu’on ne reverra sans doute jamais ».

Vous parlez d’un taureau Celui-là habite toujours le cœur des aficionados.
Comme le souligne « Jacant » (Jacques Antoine aux « doigts de fer ») « Vous en connaissez, vous, des taureaux qui emplissent deux fois l’arène de Nîmes à seulement quinze jours d’intervalle ? »
Oui, c’était le bon temps de la Bouvine que ces années cinquante. Pas de télé, de rares autos, seulement le bal ou le ciné le samedi soir ; on se déplaçait souvent en vélo ou bien on prenait le tacot quand c’était un peu loin.
Le public venait très nombreux car c’était « la » distraction du dimanche après-midi. Et souvent, après la course, on était invité à souper chez des amis. Parfois c’était le maire qui tenait à nous avoir à sa table. Vous voyez, c’était une autre époque...

 <span style="color:#000000;">{{Quelle protection ?...}}</span>

Et d’une époque à l’autre on ne peut pas comparer. On peut seulement estimer que les taureaux de grande valeur étaient sans doute plus nombreux.
Parce qu’ils étaient moins sollicités ?
Parce-que les courses étaient moins rythmées ?
« Allons donc s’exclame Charles Fidani. Les bons taureaux sortaient douze ou treize fois dans la saison, bien autant qu’aujourd’hui. En piste il y avait toujours une trentaine de raseteurs et les taureaux, croyez-moi, supportaient une sacrée pression.
Seulement voilà ! Ces taureaux arrivaient dans l’arène parfaitement mûrs. Ils avaient une dizaine d’années, possédaient expérience et métier confirmé, ils n’étaient pas « grillés » avant l’âge »

Fidani ajoute :
« Vous prenez « Régisseur, il est sorti à Lunel le mardi de Pentecôte et il avait sept ans.
« Gandar » avait lui aussi sept ans quand il a commencé à courir ’pour de bon.
Et plus près de nous, « Goya », avait encore sept ans quand Paul Laurent l’a placé dans des courses ; auparavant il le mettait comme taureau emboulé dans les courses de nuit aux Saintes-Maries. Donc, les taureaux qui sortaient, étaient en pleine possession de leurs moyens, physiquement et moralement ils étaient neufs.
_ Maintenant, un taureau de sept ans il a déjà trois années de piste et il est souvent fini. Comment voulez-vous que les taureaux s’épanouissent à dix ans quand ils sont déjà soumis à haut régime à partir de quatre ans ?
Le problème, il est là. Depuis des saisons on parle de la protection des biòu mais on sacrifie allègrement les jeunes dès qu’ils ont donné une petite lueur d’espoir.
Ne cherchez pas ailleurs la cause de la raréfaction des grands taureaux… »

 <span style="color:#000000;">{{Ainsi va la vie...}}</span>

Ainsi les anciens raseteurs refont-ils, eux aussi, le monde de la Bouvine.
C’est forcé. Quand on commence à parler des biòu, on n’en finit plus de disserter.
_On évoque donc les tourneurs qui ne font pas le printemps, eux qui coupent souvent les actions au lieu de les amener (« et ce sont eux qui sont trop nombreux en piste. »).
Des écoles taurines « où l’on ferait mieux d’apprendre avec de vrais taureaux emboulés  ».
Du nombre trop élevé de courses en milieu de saison.
Des coureurs qui devraient parfaire leur technique du crochet avant de descendre en piste.
Des rasets qui n’en sont pas....
Il y aurait tellement de choses à dire qu’on y passerait toute la soirée. Et il va être temps de partir.
On se quitte à regret. En promettant de se retrouver à la prochaine sortie au printemps. Et on se reverra aux premières courses de mars.
Quand on a la passion des taureaux, on se languit toujours après eux...