Une course à Cabannes en 1935
En cette époque de tromperie et de vol autorisé, on est heureux de pouvoir trouver des personnes sincères, dont le seul but est l’honneur en même temps que la satisfaction collective. Il y a encore des aficionados désintéressés qui ne recherchent que l’organisation de spectacles taurins dignes des plus grandes plazzas, quand bien même la recette ne rentrerait pas dans la caisse. C’est le cas du club taurin de Cabannes, qui, non seulement organisa cette belle course de dimanche dernier pour un directeur, mais encore la dirigea presque toujours avec ses propres moyen. Comment ici ne pas reconnaitre les mérites de l’aficionado M.Lapeyre et du président du club M. Sarnette. Il y aurait au programme quatre cocardiers du marquis et quatre de Raynaud de quoi amener 5000 personnes sur les étagères des arènes de Nimes.
Le Gendarme du Marquis sortit premier. Comme souvent le taureau fut mou, mais une fois de plus les razeteurs ne firent rien pour lui, cherchant tous l’occasion de crocheter sans risquer un poil. Sans se presser, ils attendirent le quart d’heure.
Le Lebra, de Raynaud, toute la troupe passa et repassa dans des terrains impossibles. Aussi le cocardier s’échauffa, faisant des fusées rapides, qui soulèvent l’enthousiasme. A chaque cite la bête venait, accompagnait, se retournait pour être prête pour le razet suivant ; la musique se mit à jouer ; l’ovation retentit et la chance aidant, a la 10e minute Lebra avait encore sa cocarde coupée et un gland. Le cocardier sortait la langue, écumait et la lutte continuait toujours belle, toute à l’avantage du taureau, si l’on tient compte de sa franchise et de ses moyens de défense réduit ( ses cornes étant très en arrière). Une très bonne course à l’actif de Lebra, dont nous notons avec plaisir les progrès continuels.
Le Meissonnié joua de malheur et fut trop tôt déshabillé. Nous avons cependant noté à son actif trois jolis coups de planche, l’encorné, donnant a fond et venant buter contre la barrière. La présidence fit trop tôt rentrer le cocardier, une prime à l’autre corne était presque nécessaire.
Le Bouchet fit sans doute sa meilleure course de la saison, venant très fort après l’homme, sans jamais accompagner jusqu’au bout.
Le Dur du Marquis, un peu lourd certes fut cependant le Dur. Franc comme un sou, ne coupant pas le terrain, mais venant au bois, pour y prendre un homme, le cocardier du Marquis prouva sa classe en quatre coup de barrière qui furent aussi bien. Aussi les raseteurs travaillèrent-ils le taureau au centre de la piste. Le cocardier venait à chaque cite , ce qui lui donne encore plus de valeur. Carmen et ovation.
Le Janot continua la série de ses mauvaises courses, distrait, fuyard par instant, prenant de plus en plus le coup de revers du Greffat, le cocardier de Raynaud ne devint lui-même que sur la fin de sa course. Si à ce moment-là, la direction avait un peu primé, on aurait sans doute vu quelque chose.
Le Poète,de blanc vêtu, tint une fois de plus tête à tous, au point que, au bout de cinq minutes de course, il enfermait tous ses adversaires. Il se permit même deux coups de barrière. Les razeteurs qui sont des malins, demandaient des primes au garrot depuis le début de la course. Ils en arrivèrent à cette décision bien peu logique pour eux ; laisser une ficelle primée 75 francs, pour aller au garrot primé 20 francs. Après cela vous me direz si le travail du garrot est difficile et périlleux. On y vit d’ailleurs, comme à Aramon, toutes les excentricités possibles, pendant que le blanc Poète tournait comme une toupie. Je conseillerai à l’avenir aux présidents de course en semblable cas, de faire rentrer le taureau ; ils rendront un fier service et au manadier et au brave bestiau.
Le Vallabréguant, huitième et dernier de la course, fut le héros de la course. Dès le début, le taureau vint comme un bolide sur les premiers rasets. Puis il sema un peu la panique parmi la troupe des razeteurs par des fusées rapides étant en deux bonds sur l’homme et ne le lâchant qu’au bois. Sous l’influence d’un public rapidement enthousiaste, les razeteurs travaillèrent sans relâche, le cocardier s’échauffa, doubla sa vitesse, mettant très souvent les hommes en danger, soulevant une émotion intense dans l’assistance. La musique joua Carmen, le public ne cessa d’applaudir qu’après la rentrée du brave cocardier. La prime mise au garrot ne coupa que pour un bref moment sa course et la ficelle rentra primée à 200 francs devant les meilleurs razeteurs du moment.
Le duel Boncoeur-Rey anima cet après-midi chaud à tous les points de vue, même pour les razeteurs. L’arlésien fut le « ravageur » de la journée et Rey, au style meilleurs, abandonna la lutte à moitié course, Cartier et Margaillan furent également très bien. Hugues, Boncoeur jeune, Blanchet furent moins en vue.
On distribua exactement 2775 francs aux razeteurs, en somme comme à Nimes pour ces derniers, lorsqu’ils sont malheureux.