Cela devint même tellement insupportable que les bouches s’en plaignirent au Consul et un arrêt du 3 octobre 1722 de la Souveraine Cour de Provence, interdit ces "espiègleries"

  • Voici le texte de cet arrêt qui ne manque pas de saveur :
    "Une quantité de jeunes gens de tout état s’attroupaient tous les vendredi au matin pour faire courir les vaches destinées à la boucherie, et que plainte avait été portée, que notamment le 28 août dernier les vaches ainsi animées et poursuivies par les jeunes gens ainsi attroupés, coururent la ville pendant tout le jour, et furent tellement meurtries avec des bâtons, que la peau en était percée ; on ne put jamais les enfler, et la plupart des habitants refusèrent d’en manger !

Les suppliants ayant représenté au Conseil les inconvénients qui pourraient arriver, il aurait été délibéré de condamner toutes personnes qui feraient écarter les vaches ou qui se seraient trouvées en les poursuivant ; à savoir :

  • les Nobles à 50 livres d’amende,
  • les Bourgeois à 25 livres,
  • les Artisans à 10 livres
    et
  • les derniers à 3 jours de carcan
    2 heures le matin et 2 heures le soir et qu’au paiement des dites amendes, les contrevenants seraient contraints par le jour : les pères répondent de leurs enfants, les maîtres de leurs compagnons et valets, et les patrons de leurs mariniers"

On pourrait croire qu’à l’énoncé de ces sanctions les Arlésiens auraient cessé "d’agacer" les cornupèdes mais, un nouvel arrêt du 27 août 1764 nous prouve que celui de 1722 resta lettre morte !

Certes il y avait une belle part de "vilenie" à exciter les pauvres bêtes à coups de "lambrusque" ou par jets de pierres mais au fond reconnaissons-le, nous n’avons guère changé, nous qui les jours d’abrivado, essayons à tout prix de faire échapper !

Et en cette année de grau 1722 nous devons "voir" avec nos regards ces "jeunes gens", venus de tous les quartiers d’Arles pour affronter, en éliminant sa propre peur, des bêtes qui devaient bien répondre au cite !

Depuis plus de 250 ans, il y a toujours des Arlésiens dans la rue, quand passent les bœufs, et nos jeunes filles ne quittent pas leur rouge tablier mais contemplent ravies les noirs camarguais qui déboulent sur le boulevard des Lices.

Il est vrai que l’on ne prend plus le chemin de l’abattoir car, on ne mène plus à pied sur les bords du Rhône ! Mais si un soir de mistral vous entendez un galop, soyez sûrs que ce sont les bêtes venues en droite ligne du passé taurin arlésien, il y a toujours des Maîtres, des Compagnons, des Valets et des Mariniers pour les voir passer !
Tant il est vrai que la passion ne meurt jamais !