Ventadour, né le 10 avril 1968, se retire définitivement à l’âge de seize ans.

Si ce n’est pas un record en la matière, disons que c’est un âge très respectable pour un cocardier.
Du fait de sa petite taille et de son aspect chétif et peu engageant, il ne fut présenté dans la piste qu’à six ans et demi, dans les arènes d’Aigues-Mortes, lors de la fête en octobre 1974, seule course pour lui cette année-là, mais son comportement prouva qu’il fallait lui faire confiance.

Sa carrière commença donc effectivement en 1975 et se poursuivit pendant dix années pleines.
Il allait faire honneur à ses origines, au nom qu’il portait : celui d’un troubadour célèbre originaire du Languedoc : Bernard de Ventadour, et à la devise verte et rouge, celle des Combet-Granon-Lafont.

Il est bon de rappeler ses titres de gloire :

  • Deux titres de Biòu d’Or, en 1977 et en 1979, et l’on peut regretter qu’il ne l’ait pas été en 1978, des suffrages se portant sur son congénère Diogène, le privant ainsi d’un titre mérité, et couronnant Ringot de Blatière.

Avec ses titres suprêmes, nombreux ont été Trophées et Coupes remportés haut la main par cet extraordinaire cocardier.

  • 1978 : Prix du Meilleur Cocardier de la Finale des As à Nîmes, après une course mémorable.
  • 1979 et 1980 : Cocardier d’Or : récompense décernée par le Club Taurin le Clairon de Beaucaire.
  • 1980 : Prix du Meilleur Taureau de la Finale des As à Nîmes.
    Diplôme d’Or du Trophée de l’Aficion à Arles.
    Prix du Meilleur Taureau de la saison taurine à Vauvert.
  • 1981  : Coupe du Meilleur Taureau du Muguet d’Or à Beaucaire.
    Coupe du Meilleur Taureau du Trophée des Maraîchers à Châteaurenard.
  • 1982 : Coupe du Meilleur Taureau du Trophée des Commerçants et Artisans à Vauvert.
  • 1983  : Prix du Meilleur Taureau de la Finale du Trophée de l’Afición à Nîmes.

Cela fait un palmarès exceptionnel et nous savons que le manadier Jean Lafont affirme que Ventadour est le meilleur cocardier qu’il n’ait jamais eu depuis qu’il est propriétaire de l’élevage Combet-Granon (qu’il avait acheté à Delbosc en 1947), et pourtant cet élevage prestigieux, a eu, pendant cette même période... Cafetier et Cosaque  !

Tout a été dit sur ses anticipations, sa facilité à se retourner sur les reprises, ses poursuites limpides, son époustouflante combativité, ses prestations qui allaient crescendo jusqu’à l’ultime minute, et ces ovations qui le saluaient très souvent lorsqu’il réintégrait le toril, fier de s’être battu comme un lion !

Comme nous l’avons dit, revoyons trois de ses dernières courses de légende !

D’abord Châteaurenard, le 5 juillet 1981, avec cette prestation qualifiée par tous les journaux de : "course sensationnelle".

" Il faudrait, écrivions-nous, dans les colonnes de la Marseillaise, citer toutes les enfermées magistrales qu’ont subies ses adversaires : C. Chomel, G. Rado, J. Siméon, Marmuggi ou P. Castro.
Il y eut des moments d’intense émotion quand Max et Chomel manquèrent le marchepied, quand Marmuggi trébucha devant lui et surtout, quand Chomel, enfermé, fit plus de 10 mètres dans le berceau des cornes, la main sur le frontal.
Carmen ne cessa de jouer et ce fut une grande ovation à la rentrée.
"

De son côté, Mario, disait dans les colonnes du Provençal et du Midi-Libre :
" A tout seigneur, tout honneur. Ventadour de Jean Lafont, nous a gratifiés d’une course vraiment sensationnelle.
Le cocardier a fait preuve d’une vitesse peu commune, sachant toujours écarter ses adversaires et se trouvant toujours prêt au combat. Toutes ses enfermées ont fait éclater l’ovation tant elles étaient serrées jusqu’à la barrière où il a mis à mal Max, Marmuggi, Georges Rado, Jacky Siméon, Castro.
Dans un départ de Chomel, le taureau a anticipé le raset et le jeune raseteur n’a dû son salut qu’à un réflexe de classe en s’appuyant sur la tête du taureau pour arriver à la barrière en catastrophe.
Grande ovation et honneurs répétés à la vedette de Jean Lafont. "

Le public debout n’en croyait pas ses yeux, ne cessait d’applaudir et de manifester sa satisfaction et son enthousiasme, qui redoubla lorsque Ventadour rejoignit le toril.
Nous venions de vivre un quart d’heure exceptionnel !

Deuxième course de rêve : le 16 octobre 1983 à Nîmes pour la Finale du Trophée de l’Aficion Provence Languedoc.

Reproduisons ce que nous avions écrit à l’issue de ce concours :...
" Nous avons gardé pour la bonne bouche la remarquable prestation de Ventadour — quinze ans s’il vous plaît !
Ce fut un régal de voir ce petit cocardier répondre du tac au tac, allonger ses poursuites jusqu’à la planche, riposter inlassablement pour finir crescendo et conserver sa deuxième ficelle. Inutile de dire l’immense ovation qui le salua à sa rentrée.
Le Prix du Meilleur Taureau était cent fois mérité : une très grande prestation à son actif — une de plus !
"
Rien d’autre à ajouter.

Enfin à Mouriès, le lundi 20 août 1984, avec comme titre :
" Bien fut Trajan, mais Ventadour est toujours là ".

Il le prouva, car il conserva une ficelle et entendit Carmen à sa rentrée car, quoique un peu distrait, il n’en accepta pas moins toutes les provocations, les honora et les acheva.
Mais ce que les spectateurs retiendront de cette prestation, c’est la magistrale enfermée que subit Baldet imprudemment engagé. Il fut rattrapé, déséquilibré, jeté à terre, et ne dut son salut qu’en se glissant sous la barrière.
Le petit cocardier savait encore se faire respecter !

Et le dimanche 28 octobre 1984, c’était sa despedida et celle de Périclès, qui, s’il n’a pas eu sa renommée, a quand même eu quelques belles courses à son actif, notamment à ses débuts, une sensationnelle prestation pour la fête d’Aimargues en 1975 !

Ventadour a prouvé qu’il conservait de bons restes et toujours le sens du combat et de l’anticipation.
Le jeune Nicolas Triol a été reconduit à la barrière dans le berceau des cornes !
Un dernier exploit de sa part ! et une belle ovation d’adieu de la part du public et des fidèles supporters de la devise verte et rouge.

Ventadour sur N. Triol - Lunel 28 octobre 1984

Ventadour, tu peux jouir en paix d’une retraite bien méritée.
Ton nom figurera à jamais aux côtés des plus grands cocardiers, de ceux que l’on n’oublie pas et qui s’inscrivent en lettres d’or sur le grand livre de la tauromachie !

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