Prouvenço était donc incontestablement le roi et le maître de la manade. Mais cet empire devait un jour lui être disputé.
Des jeunes taureaux, dont plusieurs issus de lui-même, grandissaient à ses côtés. Il les avait tous rudoyés, les maintenant sans trêve loin des vaches, déblayant le terrain en rugissant, lorsqu’au retour d’une course, il les trouvait auprès d’elles. Tant d’affronts ne pouvaient être oubliés et la rancune de ces rivaux augmentait avec la force et l’âge.

Vers dix ou douze ans, un taureau est en pleine vigueur et à, son apogée de bravoure et de ruse. Ce fut bien, en effet, pour Prouvenço, la période des plus éclatants triomphes, les raseteurs avaient presque renoncé à l’affronter ; ils ne se risquaient que pour une cocarde extraordinairement primée et s’entouraient de mille précautions.

Prouvènço, cependant, n’avait pas accompli impunément les tours de force d’où lui venait sa célébrité, volter sur les jarrets, lancer ou arrêter brusquement sa masse à la poursuite d’un homme, donner de la tête contre toute les barricades. Parmi les misères résultant de tels à-coups, il boitait quelque fois d’un effort de boulet, pris à Lunel, en chargeant le Rapide. Celui-ci se trouva serré entre la barricade et les deux cornes du taureau, position délicate, mais à laquelle il dut certainement son salut.

Pendant l’hiver de 1907-1908, un gardianou brutal et maladroit avait atteint Prouvenço à l’œil gauche avec son bâton lancé à la Rambaieto. Il garda, tout l’hiver, le globe de l’œil injecté de sang et perdit momentanément, de ce coté, l’usage de la vue, pour ne le recouvrer, d’une manière à peu près complète ; qu’au printemps suivant.
Les taureaux, malgré cet accident et leur ardeur croissante, n’osaient toujours pas l’attaquer, mais ils l’environnaient parfois d’un cercle menaçant.
Les gardians discernaient fort bien ceux lui ayant voué le plus de haine : le Sangar et le Coudoulié, ses propres fils, Laietoun et le Bandit. Au cours de l’été 1908, il remporta ses victoires accoutumées, mais fut victime, à l’automne, d’un accident dont allait dépendre sa vie.

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