Du V. prov. ferra : ici marquer l’animal au fer.

Opération qui consiste à appliquer sur la cuisse gauche de l’ anouble* , la marque (signe de reconnaissance proche des armoiries de la manade* ) et à pratiquer l’ escoussure* .
Elle peut se pratiquer sans public car c’est un des moments importants de l’élevage mais c’est le plus souvent l’occasion d’une grande acampado* festive aux prés chez un manadier.

Cette nécessité de marquer les bêtes pour les reconnaître est l’une des origines des jeux taurins dans la mesure où ceux-ci découlent très certainement des activités relatives au travail des gardians .

L’opération se décompose en plusieurs temps :

  • 1 : la présentation des cavaliers et la bienvenue souhaitée par le manadier aux invités présents.
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  • 3 : la saisie de l’animal
  • 4 : la marque au fer
  • 5 : le lâcher vers la liberté

Dans les temps anciens cette opération était l’excuse de faire une grande fête. Certaines, restées mémorables, se sont déroulées dans la plaine du Meyran en Camargue, plaine située entre les mas du Merle, Raousset et Bastières, où il y eut jusqu’à 16000 personnes et même plus suivant certains écrit.

Cette opération souvent dangereuse portait le nom de « ferrade », et donnait lieu à un spectacle pour lequel les Provençaux se déplaçaient en grand nombre et avec joie.

Voici comment se déroulait jadis cette fête :
La veille du jour dit, les bouviers se rendaient à cheval chez le propriétaire qui organisait la ferrade et qu’ils appelaient «  mèstre de la bouvaio  ».
Là, on leur offrait un solide repas arrosé de bon vin de la Crau. Armés de leur « ficheiroun », l’ancêtre du trident (voir fèrri*) , ils regagnaient ensuite l’herbage où paissaient les taureaux destinés à la ferrade.
A coups de ficheiroun et à grands cris, les bouviers réunissaient le troupeau pour le diriger vers un lieu proche de celui où la ferrade devait se dérouler le lendemain. Une partie des bouviers restait sur place pour les garder la nuit. Les autres retournaient à leur cabane pour faire, entre eux, un joyeux souper. Puis, chacun allait s’étendre sur la litière pour se retrouver au matin, frais et dispos.

Nous retrouvons nos bouviers au matin de la ferrade, qui partaient rechercher le troupeau de taureaux là ou ils l’avaient laissé pour se rapprocher du lieu de la ferrade.

De grand matin, les spectateurs arrivaient pour placer en cercle leurs voitures et charrettes.
Chaque voiture était décorée de drapeaux et de banderoles en l’honneur des festivités.
Ce jour-là, ces voitures et charrettes tenaient lieu de gradins et formaient en même temps l’arène où le spectacle allait bientôt se dérouler.
Dans un coin de l’arène, un énorme brasier commençait à rougir les fers dont on allait marquer les bestiaux.
Lorsque le « maître de la bouvaille » se levait pour tirer les trois coups de pistolet, les spectateurs retenaient leur souffle et les bouviers, armés de leurs « ficheiroun », se mettaient a l’oeuvre.
A cheval, ils faisaient entrer le premier taureau dans l’arène et commençaient par le fatiguer. Les plus courageux mettaient enfin pied à terre et s’approchaient de la bête sauvage pour l’affronter. Car il s’agissait bien de la prendre par les cornes et de réussir à la faire basculer.
Après plusieurs tentatives, le courageux bouvier parvenait à lui faire faire la culbute.
Il était récompensé de ses efforts par les applaudissements et les cris d’enthousiasme des spectateurs. Lou ferre ! lou ferre ! s’écriaient-ils tous à l’unisson. Le bouvier qui tenait la bête immobilisée désignait alors une personne qu’il entendait honorer pour qu’elle vint appliquer elle-même le fer brûlant sur le flanc de l’animal.
Attention !
Sitôt la marque faite, le taureau se relevait, fou de rage et de douleur. Il fallait se mettre rapidement à l’abri tandis que les cavaliers l’attiraient vers la sortie. Puis on recommençait l’opération avec le taureau suivant.
La journée s’annonçait pleine d’émotions, car il y avait parfois cent bêtes à marquer et aucune d’entre elles ne se comportait de la même façon. A chaque opération, les bouviers risquaient gros !

Souvent la ferrade s’achevait par une belle parade : les bouviers armés de leurs ficherons et montés sur leur chevaux faisaient entrer dans l’arène le troupeau de plus de cent bêtes qui avaient été ferrées l’année précédente.
Le tour de piste achevé, ils les laissaient repartir seules dans les pâturages. Si la journée avait été belle pour les spectateurs, elle avait été harassante pour les bouviers qui avaient dû maîtriser plus de cent robustes bêtes dans leur journée.

Le propriétaire du troupeau invitait les bouviers à un banquet bien mérité. Quand aux spectateurs qui avaient apporté avec eux des provisions de bouche , tirées du panier, ils restaient sur les lieux quelque temps encore pour trinquer ensemble, évoquer les plus beaux moments de la journée et de danser une joyeuse farandole .

extraits de divers ouvrages dont : L’almanach de la mémoire de Claire Tiévant

Portfolio

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