Il est arrivé en 1920, mais on ne sait pas qui est son géniteur ; peut être « l’Artilleur » qui était resté entier sur la manade jusqu’en 1922 ; peut être « le Sanglier » qui ne fut retiré des vaches qu’en 1921.

Sa grande taille et sa longueur faisaient penser à l’Artilleur, mais sa bravoure et son moral faisaient penser au Sanglier.
Son propriétaire F.Granon aimait à épiloguer là-dessus !

Où il était formel, c’est qu’il n’y avait aucun mélange de race, pas de croisement, d’ailleurs tous ses taureaux se ressemblaient, ils avaient la même ascendance, le même sang.

Au tout début, comme beaucoup, il ne fit que quelques courses quelquonques, mais c’est au retour d’une course à Redessan, en 1924, que son baile lui fit part de la brillante conduite de ce jeune torillon de quatre ans.

Photo Coll. privée G. Barbeyrac

Comme il était plus grand et plus fort que la plupart de ses congénères, F.Granon lui attribua le non de Clairon.

Il resta en réserve pendant 2 ans. Il avait donc sept ans quand il fut lancé dans le grand bain, et il commença sa carrière à Lunel et celle-ci dura dix ans.

Cela débuta le dimanche 22 octobre 1927.
Cette dernière course de la saison, une complète de Granon, comme bien souvent les manadiers font faire débuter des taureaux envers qui ils fondent de réels espoirs pour l’année suivante, ou ils faisaient faire leur dernière course à un certain nombre de cocardiers en fin de carrière.

Cette course était composée de "le Mâtre" en premier ; puis "Champel" , le troisième un classique de l’élevage" Soixante quinze" qui mettait fin a sa carrière, en quatrième "Sanglier" il avait alors douze ans, puis venait "Dogue", et cloturait la course comme bien souvent un jeune élément plutôt gai, ce fût "Le Clairon".

Jusque là la course avait été monotone, quelconque, Le Clairon n’avait fait jusque là que quelques courses, Redessan, Aigues-Vives, Le Cailar, où le ternen qu’il était à l’époque avait brillé le jeudi de la fête.

A la sonnerie, c’est comme d’habitude Rey qui attaque le taureau, il lui fait le raset qu’il fallait, citant le taureau arrèté, sur ce raset il coupe la cocarde et la lui lève par un deuxième coup de crochet. Comme à l’époque il n’y avait pas encore les glands, tout le monde se disait la course est finie, et se retirait de l’arène, même les raseteurs voyant que la présidence ne voulait pas primer les ficelles.
Les enragés sur les gradins commencent à réclamer des primes pour les ficelles, la presidence stoïque attend que la montre tourne pour atteidre la fin des quinze minutes.
Sur les gradins ce jour là, se trouvait "Le Cabot" directeur des arènes de Beaucaire, connaisseur et finaud, il lève sa canne, interpelle les raseteurs qui se trouvent sur les planches en dessous de lui et leur dit "allez les enfants rasetez, il y a une prime de 50 francs à qui touchera la tête du taureau".

A partir de ce moment débute la vraie bagarre. Rey attaque, il est enfermé de main de maître. Félix lui succède, par un essai timide et lointain, Clairon l’a vu,coupe et arrive aux planches en même temps que le raseteur. Richard le plus leste de tous, va essayer lui aussi ; mais le taureau a vite fait d’apprendre de quoi il s’agit et oblige le Nîmois à franchir la barricade d’un bond stupéfiant. Les cornes au-delà des planches quand y arrive le raseteur.

Les autres raseteurs du jour, Bouterin, Rognure, regardent, stupéfaits, ce jeune taureau qui déja coupe le terrain, va aux planches, s’y jette comme une brute, les franchit parfois, pour essayer de rattraper l’homme dans le couloir.

Les applaudissements deviennent de plus en plus vibrants au fur et à mesure que l’heure s’avance. Les portes des arènes ayant été ouvertes, les promeneurs accourent et c’est devant des gradins archi-combles que se termine la course.

C’est par ce coup d’éclat que le Clairon entra dans la grande famille des vedettes.

Cocardier hargneux et cruel, il fut toute sa carrière un grand bagarreur, jusqu’à la dernière course de sa vie, il à toujours pensé à se battre et il est pas exagéré de dire que sa vaillance à été sa plus grande qualité.
Sa férocité lui fit faire des fautes importantes qui le faisaient discréditer par les adversaires de la marque.
C’est ainsi qu’on lui reprocha surtout ses sauts en contrepiste.
Est-ce que c’était une faute ?
Toujours est-il qu’il ne sautait jamais pour rien, ce n’est pas qu’il refusait le combat, non, il cherchait à atteindre son adversaire. Il était trop courageux pour ça.
Il ne faut pas oublier qu’il était très méchant, s’attaquant souvent aux spectateurs trop près de la barricade en contre-piste. Il cherchait à les atteindre avec ses cornes, puis parfois n’y parvenant pas, il sautait prèstement par dessus la barrière pour les poursuivre, comme l’a fait cinquante ans plus tard, Goya.