Le parfait touriste.

La route m’a conduit à 80 kilomètres au sud de Marciac, à Argelès Gazost, dans les Hautes Pyrénées.

Direction l’office du tourisme, comme un gentil touriste.
"Bonjour, je voudrais assister à une course landaise. Où puis-je me rendre ?"
Une première question qui reste sans réponse satisfaisante. Il n’y en a pas ici, c’est plus loin...

Soit, je reconnais que j’avais triché avant mon départ et avais anticipé ce genre de réponses... J’avais donc consulté le calendrier en ligne de la Fédération Française de Course Landaise [1]. Je savais donc qu’à Marciac était prévue une course pour le jour même.
Donc...

"J’ai entendu qu’une démonstration de course landaise devait se tenir à Marciac aujourd’hui..."
Oh mais c’est dans un autre département ça... Peut être... Et de me donner un dépliant sur le festival international de Jazz de Marciac, qui a lieu en ce moment.
"Il n’y a rien sur la course landaise, dis je. Auriez vous les coordonnées de l’office de tourisme de Marciac ?"
"Vous êtes sûr ?" Et de vérifier le dépliant, passons sur l’insulte sous tendue...

L’employée condescend à vérifier dans son bouquin et à trouver le numéro de téléphone de l’office de tourisme de Marciac.

Je sors, trouve une cabine téléphonique et appelle. Une voix charmante me répond, prenant le temps de se renseigner pour m’annoncer en une phrase : " Il y a bien une course cette après midi aux arènes, il s’agit d’une démonstration, pas d’une compétition, elle commence à 18 heures, durera une heure, une heure et demi et l’entrée est libre."

Véritable miracle après ma première expérience. Je retourne tout de même à l’office de tourisme afin de me renseigner aussi sur les promenades autour du village, achètent le guide de ces promenades à 7€50, et pousse le vice...

"Je voudrais également assister à un match de pelote basque..."
" vous avez un mur à Cauterets juste à coté, il est peu utilisé."
"Et plus loin ?"
" Sinon il y a Pau, c’est un véritable Trinquet qu’on y trouve."

Pas plus... Je capitule. Pas de dates de courses, pas d’envie de me renseigner, il aurait fallu que je lui demande les coordonnées de l’office de tourisme de Pau, que je téléphone etc...

Une chose ressort de cette mésaventure. Il ne faut pas compter sur le zèle des employés des offices de tourisme. On peut tout aussi bien tomber sur quelqu’un qui a une vraie envie de répondre aux attentes des personnes qui se présentent que le contraire.

En extrapolant, j’imagine que j’aurais pu obtenir la même réponse évasive concernant la course camarguaise à un office de tourisme de Marseille ou Toulon, ou les joutes provençales à Arles ou Nîmes.

Sans un support papier présentant un calendrier simplifié, le renseignement restera obscur. Me plaçant dans la position d’un touriste ne connaissant pas la course camarguaise, il m’interesserait de savoir :
La ville, la catégorie de la course [2], le tarif d’entrée et l’heure de début. Le tout au dos d’une carte de répartition des arènes...

 L'arrivée aux arènes

Surprise à l’arrivée à Marciac. Le festival de Jazz n’est pas un petit évènement, et trouver une place de parking relève de la gageure.

La course ne va plus tarder. Même passion, même ambiance. Je taille le bout de gras à l’entrée, demande quelques conseils sur le déroulement de la course, où me placer pour faire quelques photos...
Je finis ainsi en contrepiste, derrière les talencaires. Des barrières hautes de 1m50, les raseteurs qui se sont essayé dans ces pistes ont eu bien du mérite...
Elles ne sautent pas au moins ?
Nooon, on est pas en course camarguaise, il n’y a pas de souci de ce genre ici... Faudra penser à expliquer cela à la deuxième coursière de l’après midi qui m’est tombé à deux mètres derrière... Bref, toujours rester vigilant...
C’est vraie que ces demoiselles sont emboulées, deux caractéristiques de la courses landaises : Ne courent que des femelles emboulées, mais tout de même...

 La course landaise

La course landaise met en scène une série de vaches, les coursières face à une équipe d’écarteurs et sauteurs, la cuadrilla. Dans une course classique, 8 vaches sortent en première partie pour 9 écarts, dont une sans corde, une vache débutante et une réservée au sauteur.
En seconde partie 6 vaches dont une pour le sauteur, les 2 dernières vaches sont en général les plus réputées les plus dangereuses.

Il y a donc dans une cuadrilla des écarteurs et un ou deux sauteurs sous la conduite du chef de cuadrilla.

L’écart est noté de 0 à 5 pour sa difficulté, sa prise de risque et sa pureté. L’écarteur doit passer le plus près possible de la vache sans jamais se faire bousculer. Il y a deux formes d’écart :

  • l’écart feinté : l’écarteur "embarque" la coursière dans un pas et l’évite sur le pas inverse.
  • L’écart sauté : plus difficile à réaliser, l’écarteur attend l’arrivée de la vache, puis il saute pieds joints retombant devant la vache en avançant la jambe externe pour pouvoir sortir du berceau des cornes en creusant les reins.

Le sauteur lui doit passer bien au dessus de la vache. Là encore différents sauts sont effectués :

  • Le saut périlleux
  • Le saut périlleux vrillé
  • Le saut de l’ange
  • Le saut pieds joints dans un béret, les jambes attachées par la cravate.

Pour le reste...
Comme en course camarguaise, loin des règles il existe des subtilités que seule la pratique assidue des étagères permet de saisir.
Le choix de l’écart vers la corde ou à l’extérieur selon la corne d’attaque de la coursière en est une. Le placement par le cordier derrière son refuge en est un autre.

Le spectacle se suffit à lui seul. La course landaise est plaisante, agrémentée d’un décorum qui contribue à rapprocher les acteurs des spectateurs. Un paséo nickel chrome, des vueltas méritées, des fleurs offertes aux compétiteurs et une marche cazérienne faisant participer le public sont autant "d’accessoires" propices à un rapprochement.

Une découverte qui en a ravi plus d’un. Pas tous, évidemment... Que serait un spectacle taurin sans reboussier. Mais Il y avait en piste tous les ingrédients propres à faire aimer ce sport aux néophytes : Un maestro, 8 fois champion de France des écarteurs, et des jeunes de l’école taurine, des coursières pleines de sang, et le président de la Fédération Française de Course Landaise dans la tribune présidentielle, des spectateurs avertis prenant en main les touristes, un commentateur expliquant, détaillant sans jamais sombrer dans la logorrhée, une coursière dont la prestation est commentée "comme dans une vraie course" ...

une vraie découverte d’un sport patrimonial. Une après midi riche d’enseignements sur la présentation d’un spectacle.

Si vous passez par là-bas... Pensez à vous arrêter.

Plus d’infos sur le site de la Fédération Française de Course Landaise*

[2avec le prix correspondant, je comprendrais tout seul qu’une course à 5€ n’a pas les mêmes caractéristiques qu’une course à 10€

Portfolio

Un boléro à Paillettes pour le Paséo
le saut de l’ange sur la vache sans corde
Saut périlleux vrillé
Le saut pieds joints
Le cordier, plaçant la coursière
Christophe Dussau
Ecart feinté
Mr le Président de la FFCL
En ordre et en sourires