Li trebau de la vido, vo l’asard tout simplamen, fan que quàuqui cop, s’encadenon à la lèsto de grand fa vo d’aneidoto braveto, que rèn leissavo presaja lou moumen d’avans. De cop que i’a meme, lou debana d’aquélis auvàri vo imprevist podon sousprene pèr sa naïveta, soun espountanita, vo soun gàubi espetaclous.

Veici un evenimen qu’ai destousca dins un perioudi prouvençau, ounte lou las tragi coustejo de proche, un coustat un pau mai tresana.

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Verai que sèmblo un pau un conte pèr bràvis enfant, à narra sus lou bard de la chaminèio, à la vihado, un sèr d’ivèr, em’uno pougnado de castagno.

Les vicissitudes de la vie, ou le hasard tout simplement, font que quelquefois, s’enchaînent subitement de grands faits ou de gentillettes anecdotes, que rien ne laissaient présager à l’avance. Parfois même, le déroulement de ces accidents ou imprévus peuvent surprendre par leur naïveté, leur spontanéité ou leur aspect étonnant.

Voici un évènement que j’ai découvert dans un périodique provençal, où le côté tragique côtoie de très près, une facette un peu plus désuète.

C’est vrai que cela ressemble un peu à un conte pour les gentils enfants, à raconter devant la cheminée, un soir d’hiver à la veillée, devant une poignée de châtaigne.

Èro un cop, au tèms de l’óucupacioun, dins lou galant e pichot vilage de Plan d’Ourgoun, à l’óucasioun d’uno cousso de biòu…

Dins lis areno Albert Laty, dóu noum dóu prouprietàri dóu cafè toucant lou plan, se debanavo une cousso de biòu ounte, au mitan d’afeciouna loucau, s’èron recampa coume à soun abitudo, un fube de militàri alemand, vengu pèr s’espaceja. Fau bèn dire qu’aquélis areno, èron d’aquéu biais, coumoulo de mounde à chasco manifestacioun prougramado.

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Or, aqueste jour, se capito qu’un rasetaire se fai « aganta i plancho » coume se dis, e se trobo brandussa e espóusseja de lòngui segoundo de tèms, pèr un marrit coucardié que ié disien « Lou Sabre  ».

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À la seguido de l’estourbo furiouso, lou desfourtuna rasetaire es releva em’uno grèvo blessaduro emourragico, e sara lou medecin di troupo d’óucupacioun que, lou prenènt quatecant en cargo dins uno di salo dóu cafè atenènt, ié sauvara la vido.

Il était une fois, au temps de l’occupation, dans le charmant et petit village de Plan d’Orgon, à l’occasion d’une course de taureaux…

Dans les arènes Albert Laty, du nom du propriétaire du café jouxtant le plan, se déroulait une course de taureaux où, au milieu des amateurs locaux, s’étaient rassemblés, selon leur habitude, un nombre important de militaires allemands venus pour se distraire. Il faut bien avouer que ces arènes, étaient de ce fait, bondées à chaque manifestation programmée.

Or, ce jour, il se trouve qu’un raseteur se fait « attraper aux planches » selon la formule consacrée, et se trouve balloté et secoué violemment de longues secondes de temps, par un dangereux cocardier que l’on avait baptisé « Le Sabre ».

Conséquence de la mêlée furieuse, l’infortuné raseteur est relevé avec une grave blessure hémorragique, et ce sera le médecin des troupes d’occupation qui, le prenant aussitôt en charge dans une des salles du café attenant, lui sauvera la vie.

Un autre fa marcant tambèn, se prouduguè durant l’arrapage. Mentre que lou biòu s’encagnavo sus lou rasetaire au sòu, se vèi-ti pas qu’un sourdat alemand sauto en pisto emé sa baïouneto à la man, e s’avanço à l’endavans dóu feran, afin de sauva l’ome en bèn marrido passo. Es lis àutris « ome en blanc » qu’intervendran pèr ié faire quita la pisto, avans qu’éu tambèn, subiguèsse li fóudre de l’animau descadena. Mai soun gèst espountaniéu, e courajous, s’amerito counsideracioun.

Pamens, l’istòri noun devié s’acaba aquéu jour.

Un autre fait marquant également, se produisit durant l’accrochage. Alors que le taureau s’acharnait sur le raseteur au sol, ne voilà-t-il pas qu’un soldat allemand saute en piste, sa baïonnette à la main, et s’avance face à la féroce bête, afin de sauver l’homme en grosses difficultés. Ce sont les autres « hommes en blanc » qui interviendront afin de lui faire quitter la piste, avant qu’il ne subisse lui aussi, les foudres de l’animal déchaîné. Mais son geste spontané et courageux, mérite considération.

Pourtant, l’histoire ne devait pas s’achever ce jour-là.

Quàuquis annado après la fin de la guerro, lou medecin militàri s’entournè en sejour à Plan d’Ourgoun. Tras-que countènt, rescountrè forço abitant qu’avié couneigu dins lou tèms e meme, qu’avié sougna pèr quàuquis-un. Ié demandavo alor, dins lou debana de la discussioun, de novo dóu valènt rasetaire qu’avié sauva dins lou vilage, pendènt sis annado de guerro. Ié diguèron qu’aquéu s’apelavo Placide, un « As dóu crouchet » de l’epoco, qu’èro despièi, doumecilia à Castèu-Reinard e qu’anavo pèr lou miés. Quelques années après la fin de la guerre, le médecin militaire revînt en villégiature à Plan d’Orgon. C’est avec grand plaisir qu’il rencontra beaucoup d’habitants qu’il avait connu dans le temps et même soigné pour quelques-uns. Il leur demanda alors, dans le fil de la conversation, des nouvelles du vaillant raseteur qu’il avait sauvé dans le village, pendant ses années de guerre. Ils lui apprirent qu’il s’appelait Placide, un des « As du Crochet » de l’époque, qu’il résidait maintenant à Châteaurenard et se portait on ne peut mieux.
Tout acò pèr dire que, meme dins de pountannado peniblo, dificilo e, de cop que i’a ouriblo, li qualita umano e de cor de cadun, permeton i counsciènci de se sustituï is ideau malastrous e utopìo assassino, afin d’escafa li diferènci que, davans lou malur, sian tóutis egau e desarma.
_ Posque aquelo pichoto lusour d’espèr, nascudo antan sus la sablo dis areno de Plan d’Ourgoun, èstre un poulit e luminous rai de soulèu demié li lourd nivo negras que s’amoulounon sus li tèsto di jóuini generacioun futuro, pèr soun bonur e un aveni toujour sourrisènt.
Tout cela pour dire que, même lors des périodes pénibles, difficiles et parfois même horribles, les qualités humaines et de cœur de chacun, permettent aux consciences de se substituer aux idéaux néfastes et utopies assassines, afin de gommer les différences car, face au malheur, nous sommes tous égaux et désarmés.

Puisse cette petite lueur d’espoir, qui naquit autrefois sur le sable des arènes de Plan d’Orgon, être un magnifique et lumineux rayon de soleil, au milieu des lourds nuages noirs qui s’amoncellent au-dessus des têtes des jeunes générations futures, pour leur bonheur et un avenir toujours souriant.

[1* Chroniques Taurines Marsillarguoises de 1712 à 1954
* ‎Les plages de l’ailleurs‎ co-écrit avec André Verdet
* De Lou Paré au Vovo
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